Ombeline T'sarran ✣ terminée

« Comprendre... Vous n'avez que ce mot-là à la bouche, tous, depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu'on ne peut pas toucher à l'eau, à la belle eau fuyante et froide parce que cela mouille les dalles, à la terre parce que cela tache les robes. Il fallait comprendre qu'on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu'on a dans ses poches au mendiant qu'on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu'à ce qu'on tombe par terre et boire quand on a trop chaud et se baigner quand il est trop tôt ou trop tard, mais pas juste quand on en a envie ! Comprendre. Toujours comprendre. Moi, je ne veux pas comprendre. Je comprendrai quand je serai vieille. »
Jean Anouilh, Antigone.

« Mais que vais-je faire d'une enfant comme toi, Ombeline ?! Quand pourras-tu enfin comprendre que ta place est dans un foyer, et non dehors à jouer dans la boue, à salir tes robes, à t’érafler les joues ?! », s'exclama Elsbeth T'sarran sur un ton fort autoritaire. Ombeline, debout en face de sa mère, la regardait dans les yeux, sans sourciller. En son for intérieur, elle se demandait plutôt quand sa mère allait comprendre qu'elle n'était pas faite pour devenir une jolie dame, une future épouse et mère. C'était toujours ainsi, lorsqu'Ombeline rentrait chez elle après une journée d'entrainement. Car, en effet, la jeune fille suivait des cours de maniement d'épée, et de tir à l'arc, dispensé essentiellement par son père, Diamaird, un valeureux soldat du Roi. Mais il y a avait aussi quelques amis de son père, qui s'amusait à l’entraîner, trouvant amusant de tester les limites d'une jeune demoiselle. Evidemment, les jeux de guerre était normalement interdit aux jeunes filles. Mais comme Ombeline n'était pas n'importe quelle jeune fille - elle se plaisait à croire qu'elle était bien différente des autres petites filles - et que son père n'était pas non plus n'importe qui - ça aussi, elle se plaisait à y croire -, alors c'était possible.

Sa mère l'attrapa par le bras, et l'emmena dans une pièce adjacente à la pièce principale de leur petite maison, située dans le quartier militaire de la Capitale : Crìfderau Maes. Elle lui retira sa robe tâchée de boue par-ci par-là et la jeta directement dans la baignoire. Ombeline qui grelottait, se mit à protester, mais fut vite rabrouée par sa mère, qui lui versa une bassine d'eau gelée dessus. « Mamaaaaaaaan ! », cria Ombeline, révoltée. Elle détestait prendre un bain, et détestait encore plus quand l'eau était glaciale. C'était la manière dont sa mère voulait la punir. Elsbeth T'sarran était couturière pour son propre compte : elle était plutôt douée, mais sa clientèle était excessivement pauvre. En fait, c'était surtout les femmes des soldats du quartier qui venait lui demander un nouvel habit, ou d'en recoudre un autre. Mais pour sa fille unique, Elsbeth s'efforçait de faire de jolies robes ... que sa fille s'évertuait à salir ou à déchirer en jouant n'importe comment - du moins était-ce son point de vue. Elsbeth faisait une fixation sur l'hygiène de sa fille : elle voulait que celle-ci soit irréprochable - ou presque, dans la limite des moyens dont elles disposaient - afin que sa fille puisse un jour attirer l'oeil d'un rentier, et plus utopiquement d'un jeune blasonné. Cependant, elle ne pouvait pas se permettre de laver tout les jours sa fille, hors celle-ci se salissait tout les jours. Les cheveux bruns d'Ombeline était souvent emmêlés, décoiffés. Elsbeth continuait pourtant de la peigner chaque soir, mais avait au moins abandonner l'idée de lui faire des coiffures sophistiquées. Non, désormais, Elsbeth se contentait d'une simple queue de cheval. La mère frotta donc le dos de sa fille avec rudesse, avec un chiffon imbibé d'eau. « Mamaaaan ! Arrête ! Tu m'fais mal ! », protestait Ombeline en tentant de sortir de la baignoire. Mais sa mère lui tenait le bras avec force - une force insoupçonnée d'ailleurs, vu sa corpulence frêle - et lui examinait la moindre parcelle de peau. Elsbeth appuya son doigt sur un hématome situé sur le bras de sa fille. Ombeline poussa un petit cri et sa mère lui dit : « Qu'est-ce que c'est que ce vilain bleu ? Heureusement que tes robes couvrent tes bras, regarde moi ça comme c'est laid ! Et cette égratignure, là ? Veux-tu de défigurer à vie, Ombeline ? ». La jeune fille soupira, grimaçant tandis que sa mère continuait de lui frotter le dos avec force. Elle avait l'habitude de ce genre de discours, sa mère tenait absolument à ce que sa fille soit irréprochable physiquement. Au niveau du caractère, ce n'était pas tout à fait ça non plus. Elsbeth trouvait sa fille trop sauvage, trop effrontée, têtue et surtout, beaucoup trop garçon manqué. « Regarde toi ! On dirait une sauvageonne ! Nous devons nous rendre chez ton oncle Aldaron tout à l'heure, et je refuse que tu te présentes devant lui ainsi ! Et que me dirais ta tante ? Elle se moquerait de nous, tout en nous répétant ô combien sa petite Greyanna attire tout les regards ! », soupira Elsbeth. L'oncle Aldaron était son frère, un joaillier ayant fait fortune par son talent. Il avait épousé une jeune fille de rentier, Cersei, et ils avaient eu une jeune fille tout à fait charmante, Greyanna. La cousine d'Ombeline avait trois ans de plus qu'elle, et était tout à fait comme Elsbeth aimerait qu'Ombeline soit : aimable, souriante, belle, docile, etc ... Greyanna savait même jouer du piano, ce dont sa mère était très fière. Ombeline la détestait, tout simplement. Sa cousine ne cessait de se moquer d'elle, et parfois, Ombeline rêvait de lui faire tâter de son épée en bois. Elle n'aimait pas non plus sa tante, qu'elle trouvait bien trop hautaine et bien suffisante. Par contre, elle aimait beaucoup son oncle. Le frère de sa mère, malgré la richesse qu'il avait amassé, avait su rester humble et très aimable. Il ne prêtait aucune attention aux précieuseries de son épouse et sa fille : il laissait sa femme s'occuper de tout. La seule chose qu'il gérait, c'était son atelier et sa richesse. Il cédait pourtant à pratiquement tout les caprices de sa femme et de sa fille, simplement pour avoir la paix. Car c'est tout ce qui importait à l'oncle Aldaron : avoir la paix.

Alors qu'Ombeline sortait du bain, et que sa mère lui enfilait une robe qu'elle venait de coudre, Diamaird apparut à la porte. Il rentrait de moins en moins souvent depuis la Chute du Bouclier, et au fur et à mesure que les nuits coulaient et que les morts s'accumulaient. Le Roi avait besoin que ses soldats s’entraînent dur le jour, pour défendre la Cité la nuit. Ombeline, qui admirait beaucoup son père, avait du mal à accepter l'absence de ce dernier, tout en la comprenant. Lorsqu'il le pouvait, Diamaird entraînait sa fille à manier l'épée, à tirer à l'arc. Contrairement à sa femme, il encourageait sa fille à apprendre à se battre. Le couple se disputait souvent à ce sujet : Elsbeth hurlait que Diamaird faisait de sa fille un garçon, qu'apprendre à manier l'épée ne lui était d'aucune utilité, tandis que son mari soutenait que savoir se battre était toujours utile en ces temps si troublés. Cependant, il arrivait qu'il ordonne à Ombeline d'obéir à sa mère, pour calmer Elsbeth. Il ne voulait que le bonheur de sa fille, mais ne pouvait négliger celui de sa femme. « Ma chérie, qu'as-tu encore fait, ta mère a l'air rongé par la colère ! », dit-il en riant. Sa femme lui lança un regard courroucé, tandis qu'Ombeline courrait sauter dans les bras de son père. « J'aimerais que tu cesses d'encourager ta fille à compromettre son avenir ! J'aimerais lui assurer une vie confortable, mais si elle s'évertue à se traîner dans la boue et à se faire une multitudes de cicatrices un peu partout, je ne la marierais jamais ! Quelle genre de mère rêve que sa fille finisse vieille fille ?? », s'emporta Elsbeth. Diamaird tapota l'épaule d'Ombeline, lui embrassa la joue avant de la poser au sol. Il s'approcha ensuite de sa femme, qu'il prit dans les bras et lui dit : « Elsbeth, il faudra que tu cesses un jour de t'inquiéter pour notre fille, elle suit son propre chemin et j'en suis très fier, tu devrais l'être aussi. ». Elsbeth ne répondit pas tout de suite, et se contenta de se défaire de l'étreinte de son époux. Elle regarda ensuite sa fille attentivement, puis dit sur un ton morne : « Viens par là, j'ai quelque retouche à faire sur ta robe, et ensuite nous irons chez mon frère. ». Diamaird regarda sa fille, haussa les épaules puis lui intima de suivre sa mère d'un simple regard. Ombeline obéit, à contre coeur. Les séances d'essayages de robes était un vrai calvaire pour la jeune fille.

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L'oncle Aldaron habitait dans le plus grand quartier de Cathairfàl : Dinas Uchel. Ombeline aimait beaucoup lui rendre visite dans son atelier, et aimait également beaucoup sa maison, qui était beaucoup plus spacieuse que celle des T'sarran. Ombeline et sa mère rendaient souvent visite à l'oncle Aldaron : Elsbeth confectionnait des robes pour sa belle soeur et sa nièce, avec les tissus coûteux qu'elles lui donnaient. Ce jour-là par exemple, Elsbeth devait livrer à sa belle soeur une toute nouvelle robe qu'elle avait faite pour Greyanna, la cousine hautaine que détestait Ombeline ... et qui la détestait aussi. Aussitôt arrivé, Ceirsei it un commentaire sur la tenue d'Ombeline : « Ma chère Elsbeth, aurais-tu, pour une fois, réussit à tenir ton petit monstre ? Ses cheveux ne sont pas emmêlés, en voilà un miracle ! », se moqua-t-elle. Ombeline lui lança un regard effronté, tandis que sa mère répondait calmement : « Ceirsei, où est Greyanna, que je fasse les dernières retouches. J'espère que le résultat te satisfera, en tout cas. ». Ombeline croisa les bras, se mit à faire la tête : sa mère ne la défendait même pas, et elle savait qu'elle ne pouvait pas répondre elle-même. Greyanna fit son apparition, bien coiffée, bien propre. Ombeline, énervée, la trouva très jolie. Et cela la dégoûtait. Greyanna allait avoir treize ans, ses parents devaient commencer à lui chercher un mari. Ombeline ne se faisait aucun soucis pour ça : elle était sure que sa chère tante s'occuperait très bien de lui trouver un homme, bien riche surtout. La jeune fille espérait qu'il serait laid comme un poux, mais c'était peu probable. La tante Ceirsei voulait le meilleur pour sa fille, elle comptait même la faire épouser un blasonné ! « Viens là Greyanna, ton aimable tante a finit ta robe. », appela Ceirsei. Ombeline se préparait à s'ennuyer, alors elle demanda à sa tante où était son oncle. Celle-ci la rabroua en lui disant de se taire, puis finit par lui dire qu'Aldaron était dans son atelier, juste à côté de la maisonnée. La jeune fille fila donc voir son oncle, qu'elle trouva en train de présenter une grosse bague en or à une femme, surement une blasonnée au vue de sa toilette. Lorsqu'elle fut partie, l'oncle se tourna vers sa nièce, et lui sourit. « Petite Ombeline, je suis content de te voir. Je sais que ton anniversaire n'est que dans une semaine, mais je tenais à t'offrir ton cadeau avant. ». Ombeline s'approcha du comptoir qui servait de séparation entre la " boutique " et l'atelier, tout sourire. Elle s'attendait évidemment à un bijou, et même si elle n'était pas fan de ce genre d'accessoires, elle savait que tout ce qui venait de son oncle lui avait toujours plu. Deux minutes plus tard, son oncle revint et déposa un joli collier sur le comptoir, face à sa nièce. « Il est très beau, mon oncle ! », s'exclama la petite. Son oncle lui sourit, visiblement très content. « Il te fallait quelque chose de discret, c'est un de mes plus fin colliers. Les femmes blasonnées préfèrent les bijoux très voyants, mais toi je sais que ce n'est pas ton cas.Je suis très content qu'il te plaise. ». En effet, la chaine était en or, très fine, et il y avait avec un petit pendentif de la taille d'un petit cailloux, en forme de goutte d'eau. L'oncle fit le tour du comptoir pour venir attacher le collier autour du cou d'Ombeline, très contente. Elle remercia chaleureusement son oncle, puis tout deux rentrèrent dans la maison, où Elsbeth finissait d'ajuster la robe à Greyanna. « Ah !, mon époux ! Ne trouves-tu pas ta fille ravissante ? Le rouge lui sied à merveille ! », s'exclama Ceirsei dès qu'ils furent rentrés. Aldaron acquiesça sans grande conviction, il regarda même à peine sa fille. « Et toi, petit monstre, ne trouves-tu pas ta cousine jolie ? », demanda-t-elle en s'adressant à Ombeline. Celle-ci avait l'habitude de se faire appeler " petit monstre " par sa tante, mais cela l'agaçait au plus haut point. Comme elle ne répondait pas, sa mère prit le relais : « Vraiment très joli, oui. Ombeline, sache que ta cousine va être présenté à un jeune blasonné, ta tante a grand espoir qu'il prenne Greyanna pour épouse. Une blasonnée dans la famille ! Cela laisse rêveur ... ». Ombeline leva les yeux au ciel. L'oncle Aldaron, déjà ennuyé par la conversation, repartit à son atelier. La tante en profita pour enchaîner : « Effectivement, c'est pour ça que tu dois tenir ta fille, Elsbeth ! Je ne veux pas qu'Ombeline ternisse la réputation de ma fille, comprends-tu ? C'est vital, pour nous, que Greyanna fasse bonne impression à la famille de ce jeune homme. Ils sont un peu endettés et la fortune dont ma fille héritera est considérable ! Quand à eux, ils lui offriront le titre de blasonné et le privilège de pouvoir fréquenter la Cour du roi. ». Elsbeth ne dit rien, se contentant d'acquiescer en regardant sa fille, l'air déprimé. Ombeline se sentit tout de suite très mal : elle faisait honte à sa mère.

Quelques mois plus tard. Ombeline était toujours aussi désespérante du point de vue de sa mère (et de sa tante, et de sa cousine par la même occasion) : elle continuait à s’entraîner, devenait même douée au tir à l'arc. Son père était fier, sa mère était désespérée. Dans le quartier militaire, on la reconnaissait désormais comme la mère de la fille qui tire à l'arc et manie l'épée. Pour l'instant, la jeune fille s’entraînait avec une épée en bois, que lui avait fait faire son père. Il lui enseignait des techniques, des estocades, l'incitait à se montrer plus rapide, plus agile. Sa petite taille et sa maigreur était un atour pour cela. Son père lui avait également offert un arc et un carquois rempli de flèches, un arc spécial adapté à son bras, à sa taille. Ombeline continuait de jouer avec les garçons des soldats, plutôt qu'avec leurs filles. Elle continuait de rentrer chez elle salie, les cheveux emmêlés, avec parfois quelques égratignures. Sa mère avait fini par arrêter de lui confectionner des robes : elle lui faisait plutôt des vêtements de petits garçons : des chemises, des pantalons en toile. La seule part de féminité chez Ombeline résidait dans son petit collier, qu'elle portait toujours sous sa chemise de garçonnet. Elle l'aimait beaucoup.

Tout cela n'avait pas empêché sa cousine Greyanna de convaincre la famille du jeune blasonné qu'elle était digne de leur fils. Elle était promise à lui, et leur mariage serait d'ailleurs célébré dans un peu moins d'un an. Ombeline était un peu déçue, parce que le promis de sa cousine était plutôt beau garçon, sans pour autant être un Apollon. Et puis il lui offrirait le titre de blasonné. Mais Ombeline ne l'enviait pas du tout : elle comptait elle-même rester libre toute sa vie, ne jamais se marier. Pour ce qui était des enfants, elle n'y pensait tout simplement pas. Sa seule pensée était son épée de bois, son arc et ses flèches. Elle pensait aussi beaucoup à son père, qui combattait chaque nuit pour défendre Cathairfàl. La demoiselle avait peur pour lui, évidemment. Mais d'un côté, elle le pensait invulnérable, fort et courageux (sur ces deux derniers points, elle ne se trompait pas). Mais ce n'était pas le cas. Cinq mois après son onzième anniversaire, le père d'Ombeline décéda. Ce fut un choc énorme. Un matin, deux soldats - amis de Diamaird T'sarran - vinrent annoncer à Elsbeth que son mari était mort, ainsi que lui remettre l'épée du défunt. Ombeline ne sut jamais exactement comment il était mort, juste que c'était durant la nuit, alors qu'il défendait la Cité. Elle garda son épée pour elle, sous son lit, alors que sa mère avait pensé s'en être débarrassé. Elsbeth fut comme brisée par la nouvelle, et décida du jour au lendemain que parler du père d'Ombeline était interdit. Son souvenir était trop douloureux pour elle, et vivre à Crìfderau Maes encore plus : Elsbeth ne supportait plus de voir les soldats. La vie d'Ombeline devint très triste : sa mère ne lui parlait presque plus, sauf pour la sermonner ou lui donner des ordres. Elsbeth avait décidé qu'il était tant pour elle de cesser tout entrainement. Heureusement, la jeune fille arrivait à désobéir sans trop de représailles. Sa mère n'avait plus le coeur de s'occuper d'elle, au fond. La jeune fille gardait le sourire malgré tout, parce qu'elle préférait rire que pleurer. Malgré tout, il était indéniable que la mort de son père l'avait grandement affecté. Cela lui avait redonné encore plus envie d'apprendre à se battre, en sa mémoire. Mais l’évènement avait déclenché autre chose en Ombeline, de beaucoup moins ordinaire ...

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Quatre mois après la mort de Diamaird T'sarran. « Maman ? », demanda Ombeline en minaudant. « Qu'est-ce qu'il y a Ombeline, tu ne vois pas que je suis occupée ? Ta tante me tuerait si la nouvelle robe de Greyanna n'était pas prête à temps, tu le sais ça ?! », répondit Elsbeth en fronçant les sourcils. Elle se mit une aiguille à coudre entre les lèvres, pour la tenir tandis qu'elle s'affairait sur un pli de la robe. « Pourquoi tu ne veux plus parler de mon père ? On dirait que tu veux l'oublier, je trouve ça ... méchant. », se risqua-t-elle à dire. Sa mère stoppa tout ses gestes, puis la regarda avec de grands yeux. Elle attrapa l'aiguille pour libérer ses lèvres et répondit d'un air sévère : « Je t'ai déjà dit de ne plus en parler, Ombeline ! C'est trop douloureux pour moi, voilà. Maintenant, ne me pose plus de questions, s'il te plait. ». Ombeline soupira, déçue. Elle allait répliquer quand soudain, le monde devint noir. Cela dura le temps d'un clignement d'oeil, puis Ombeline ne se trouvait plus dans sa maison, à Crìfderau Maes, mais quelque part en bas des remparts de Cathairfàl. Il faisait nuit, et tout autour d'elle, c'était le carnage. Il n'y avait pas d'autres mots pour décrire la scène qui se déroulait devant ses yeux. Apeurée, ne comprenant rien, elle ne pouvait même pas bouger. Elle voyait les hommes qui se battaient contre des monstres dont la seule vue lui provoquait des haut-le-coeur. C'était une étrange mêlée d'hommes, de bêtes, de sang ; de morts et de vivants. Puis soudain, dans un rayon de la pleine lune, elle reconnut son père, en armure. Ses longs cheveux étaient décoiffés et son visage recouvert de sang. Mais il était bel et bien vivant, bel et bien debout, là, devant elle. L'épée à la main, il criait des ordres à ses camarades de combat - des choses qu'Ombeline avait du mal à saisir. En réalité, tout se passait au ralenti, et au fur et à mesure, tout devenait flou. Il n'y avait que l'image de son père qui restait net, terrible à voir pour elle. Mais il est mort, se disait-elle. Elle voulut alors lui parler, le toucher. Mais il lui était impossible de faire un pas. Elle agitait les bras, lui criait des mots. « Père ! Je suis là ! », hurlait-elle à plein poumon. Mais il ne l'entendait pas. Il était concentré dans sa bataille, se battait contre les monstres dont la vision était trop flou maintenant. Ce n'était qu'une masse informe. Un homme tomba à terre, juste à la droite du père d'Ombeline. Il paraissait extrêmement jeune, Ombeline lui donnait seize ou dix-sept ans. Peut-être dix-huit, à la rigueur. Elle vit son père se détourner des assaillants pour ramasser le jeune garçon. Il l'aida à se redresser ... et cela lui fut fatal. Ombeline, impuissante, vit une masse floutée fondre sur son père, qui disparut dessous. Elle hurla, trépigna, pleura de toutes ses forces. Puis elle tomba. Elle rouvrit les yeux, et vit qu'elle était revenue chez elle. Sa mère la regardait, horrifiée. « Maman ... », sanglota Ombeline en se redressant. « Ombeline ... Tes ... Tes yeux ... », balbutia Elsbeth. Elle semblait si surprise, si terrifiée, qu'elle en lâcha ses aiguilles à coudre, le morceau de tissu qu'elle devait coudre à la robe. En voyant sa mère ainsi, Ombeline prit peur aussi. « Quoi mes yeux ? J'ai ... J'ai vu papa. », dit-elle. Elsbeth se leva, releva sa fille et lui dit : « Comment ça tu as vu ton père ?! Tu ... C'est comme si tu n'avais plus été là, enfin ton esprit ... Tes yeux ... Tes yeux se sont révulsés et ... ils étaient dorés. Puis tu as hurlé, tu te débattais alors qu'il n'y avait rien. Je ... », répondit sa mère. Il y eut un lourd silence, très long. Cela sembla même durer une éternité aux yeux de la jeune fille. Elle était encore sous le choc : que lui était-il arrivée ? Comment avait-elle pu voir son père, la nuit de sa mort ? Finalement, sa mère reprit la parole : « Les yeux dorés ... Ton oncle Aldaron m'en a parlé, il y a longtemps. Ta tante Ceirsei était allée voir un devin lorsqu'elle était enceinte, pour savoir si elle attendait une fille ou un garçon. Le devin avait les yeux dorés. ». Ombeline écarquilla les yeux : « Devin ?! », s'exclama-t-elle très fort. Sa mère lui mit la main devant la bouche, puis murmura : « Il ne faut JAMAIS que tu parles de ça à quiconque, tu comprends ? Jamais ! ». « Mais ... », commença Ombeline. « Jamais !! N'en parlons plus, je te l'interdis ! », la coupa sa mère. Et effectivement, elles n'en parlèrent plus.

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Mais malheureusement, ce n'est pas parce qu'on n'en parle jamais que cela s'en va. Ombeline l'avait bien vite compris. Depuis ce jour, cette " vision ", elle faisait de temps à autre des rêves - ou des cauchemars. Elle vit ses parents le jour de leur mariage, elle vit également le jour du mariage de sa cousine Greyanna. Elle rêva aussi de nouveau de son père, de la nuit de sa mort mais aussi de choses plus insignifiantes : elle vit son oncle vendre des bijoux, sa voisine cachait de l'argent sous une latte de parquet cassé. Elle voyait des choses, et cela la troublait énormément. Elle devint moins attentive lors de ses entraînements clandestins, ce qui l'agaçait fortement. Il lui arriva deux ou trois fois d'avoir un vision en plein jour, une beaucoup moins prenante que la première mais une troisième très réaliste. Cela la déstabilisait, et sa mère refusait obstinément d'en parler. En fait, le climat dans la maison T'sarran était de plus en plus tendu. Ombeline voyait que sa mère continuait de souffrir de la mort de son époux. Mais elle ne pouvait rien faire pour l'aider à faire avec. Et cela l'attristait.

Bienvenue !
Haaannnn je te supplie d'avance un lien ! ARYYAA !