eliezhel ♣ un monde fait de lumière et de neige en été.

Il courait à vive allure, le vent de la course s'engouffrant dans sa tignasse rousse et emmêlée. Son souffle saccadé se mêlait au bruit de ses pieds sur l'humus de la forêt. Il s'arrêta brusquement, haletant, ses yeux verts fouillant les bois. Il fuyait la ferme familiale, où ses parents l'attendaient. S'il rentrait maintenant, Eliezhel saurait ce qui arriverait : son père le regarderait avec déception, il lui dirait que c'est un mauvais fils, et que même s'il n'était pas d'accord, il serait obligé de prendre le flambeau, et à son tour, élever des chevaux. Mais Eliezhel craignait ces grandes bêtes. Qu'elles soient grises, alezanes ou baies, il les fuyait le plus possible. Certaines avaient les yeux fous, d'autres un poitrail si musclé, et des sabots si larges qu'elles ressemblaient à des géants de chair et de sang. De plus, l'enfant était exaspéré par toutes ces discussions qui ne tournaient qu'autour de l'élevage, au prix de l'alimentation pour les équidés, des étables qu'il fallait réparer. La tête d'Eliezhel allait exploser. Il se sentait exclu, rejeté des conversations entre ses parents. Il fuyait donc la ferme, et passait ses journées loin de celle-ci. Il gambadait dans les champs, jouait dans les ruisseau, et découvrait la beauté de la Nature, petit à petit. Il ne s'en lassait pas. Ses yeux verts émerveillés n'avaient de cesse de s'écarquiller à la vue de quelque chose de nouveau. Et lorsqu'il ne courait pas partout, c'est qu'il était allongé dans un champs de blé, ce dernier agité par une brise estivale. Et Eliezhel préférait cette vie à celle qui ne tournait qu'autour des chevaux. Il les haïssait, les fixait avec crainte. Non, il ne pourrait jamais travailler avec eux. C'était trop gros, trop grand, trop puissant, trop effrayant.

Le soleil commençait à se coucher. L'enfant se remit à courir, cette fois-ci en direction de la ferme familiale. Il sautait par dessus les rochers et les ruisseau, en sueur, mais ravi. Il se sentait libre, sans limites. Mais ses parents le ramèneraient sur terre rapidement. Déjà, il apercevait les grandes prairies, avec les chevaux qui broutaient, paisibles, et calmes. Eliezhel cessa de courir, et passa plus lentement près des bêtes : il craignait qu'elles le chargent. Un sentiment d'insécurité l'habitait dès qu'il passait près des chevaux, c'était plus fort que lui, il était tétanisé. La ferme se dessinait devant lui, imposante, des seaux, des fourches, quelques longes traînant ça et là. L'enfant poussa un soupir, puis rentra, se contentant d'un bref salut à ses parents. Ils pourraient dire un millier de fois qu'Eliezhel était la honte de la famille, il ne dirait rien, n'arrangerait pas les choses. Après tout, on ne pouvait pas le forcer à aimer les chevaux. Il les craignait trop, beaucoup trop.

Le garçon s'arrêta, essoufflé. Il essuya la sueur de son front du revers de la main. Il constata avec horreur que sa chemise de toile et que son pantalon étaient tout plein de terre et des boue. Eliezhel avait glissé dans un fossé alors qu'il gambadait comme un sauvage. Les sourcils froncés, il fit courir ses yeux verts sur le paysage. La ferme était à une bonne heure de course de là où il se trouvait. Plus bas, dans un pré, se tenait une jument, allongée sur le flanc. Elle arborait une très jolie robe alezane, avec des crins plus clairs. Un sentiment de panique montait en Eliezhel. Pourquoi ne bougeait-elle plus ? Que faisait-elle là, allongée ? Pourquoi hennissait-elle faiblement ? Était-elle en train de laisser sa vie derrière elle ? Affolé, le garçon courut vers le pré. Il s'allongea à plat ventre dans les herbes hautes, observant la jument avec un sentiment de crainte mêlé à la curiosité. C'est à ce moment-là qu'Eliezhel comprit. La jument mettait bas. Il n'avait jamais vu ça d'aussi près. Ses yeux verts s'étaient fait tout grands. Il avait opté pour une position assise, en tailleur. Il était émerveillé. Le frêle poulain tenta de se lever à plusieurs reprises, mais échoua lamentablement, s'écroulant dans les hautes herbes. Un sourire à la fois amusé et béat étira les lèvres du garçon. La jument lavait sa progéniture à généreux coups de langue. Quelques minutes plus tard, et le poulain était sur ses quatre pattes, gardant néanmoins un équilibre précaire. Il possédait une robe très sombre, entre le bai brun et le noir. C'était un spectacle envoûtant. Le jeune garçon se demanda alors, comment avait-il pu faire pour craindre ces animaux. Eliezhel était frustré, heureux, perplexe et aussi soulagé. C'était un maelström d'émotions qui parcouraient son corps, se présentant sous forme de frissons. Il détacha son regard de la scène, se releva en vitesse et se mit à courir à travers champs, afin de rejoindre la ferme familiale au plus vite. Il courait encore plus rapidement que d'habitude, tellement il était excité de parler à son père. Il ouvrit la porte en bois de la ferme, en nage, sautillant sur place. Il aperçut sa mère dans la cuisine. « Où se trouve P'pa ? Où est-il ?! » hurla-t-il presque. Sa mère se retourna en sursautant, puis le fixa avec un sourcil haussé. « Il est dans les écuries. » Eliezhel la remercia du regard, puis courut vers ces dernières, essoufflé, les muscles de ses jambes tremblants. Son père se tourna vers lui, l'air étonné. Son fils ne se trouvait jamais dans les écuries. Le garçon lui conta alors, tout ce qu'il avait vu aujourd'hui, ce qu'il ressentait, et surtout, qu'il ne craignait plus les chevaux. Jamais Eliezhel n'avait vu son père aussi heureux.

Ses longs doigts fins caressaient l'encolure de l'étalon. Eliezhel l'avait dressé lui même. Sa robe avait légèrement éclairci au fil des années. Il était bai brun, il toisait un peu plus qu'un homme. Ses muscles roulaient sous son poil lustré. Lorsque le peuple venait pour acheter des chevaux, nombreux étaient les riches qui s'intéressaient tout particulièrement au grand mâle. Ils admiraient son large poitrail, son encolure musclée, son dos plat et sa croupe bien faite. C'est un beau cheval ! Disaient les gens. Ils offraient des prix intéressants, mais Eliezhel refusait à chaque fois. C'était le sien. Il l'avait vu naître. Il s'était occupé de lui, et l'avait dressé. Mais il était caractériel, un peu fougueux, un peu têtu. Rapide, mais il était fidèle, travailleur et dévoué. C'était de chevaux comme lui, que le peuple avait besoin. Ni trop lourds, ni trop fins. Endurants, travailleurs, indulgents. C'était lorsqu'il regardait l'étalon à la robe sombre, avec un regard fier, qu'Eliezhel se disait que pendant toute son enfance, il était passé à côté de quelque chose. À côté de grandes choses.

Pseudo : ikyrel.
Âge : presque quatorze.
Sexe : (f)
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