Oonagh ▽ ombre et lumière

L'interrogatoire d'Inasmir

▬ Je ne vous apprends rien en vous disant que Lanriel possède un roi, mais ce que j'aimerais savoir c'est ce que vous pensez de lui : Oonagh n'a jamais réellement pris en considération que ce soit le Roi ou la famille royale au grand complet. Elle n'a aucun opinion sur ce cher Arsenios, tout simplement parce qu'elle n'en a rien à faire. Dans son enfance passée dans un établissement religieux, très pieux, on lui apprit surtout que l'autorité d'Eydis présidait sur toutes les autres. Seul Eydis comptait, aux yeux de ceux qui élevèrent la jeune fille. Pendant longtemps, elle crut la même chose tout en s'imaginant autre chose. Enfin bref, penser au Roi et à sa manière de gouverner les singuliers - car c'est bien cela qu'il fait - ne fait pas parti des préoccupations d'Oonagh.

▬ En parlant de seigneurs souverains, évoquons un peu les deux puissances divines de Lanriel Lorsqu'elle était enfant, Oonagh fut conditionnée pour suivre la voie d'Eydis, pour l'aimer et la servir tout au long de sa vie. Malheureusement, l'effet escompté se retourna sur lui-même, et Oonagh, à qui on avait prévu une belle vie de dévotion à la Déesse, se tourna vers Mynkor, le frère, le Dieu des ténèbres. La demoiselle aurait très bien pu rester dans le " droit chemin ", si elle n'avait pas rencontré ce fameux Ithel Garashi ; car assurément, il a allumé par ses paroles une flamme dans le coeur d'Oonagh, qui aurait très bien pu ne rester qu'une braise.

▬ On a tous son petit ego et moi, Inasmir, le sorcier légendaire, n'échappe pas à ce vice. Alors répondez donc à cette question, que pensez-vous de moi? Oonagh a bien sur entendu parler du sorcier Inasmir, de ses heures de gloire à sa cruelle disgrâce. Elle n'en pense pas grand chose, à vrai dire. Oonagh est plutôt du genre indécise, et partagée. Certes, Inasmir reste un grand homme, et il a réussi à marquer l'histoire à jamais. N'est-ce pas, en soi, admirable ?

▬ La chute du Bouclier aurait secoué toutes les terres mais il y a des gens que cela laisse de marbre, je serai curieux de savoir si vous êtes une de ces personnes Cela n'a pas fait grand chose à Oonagh, à vrai dire. Elle ne connait personne résidant à Cathairfàl, et se trouve déjà bien occupée par ses propres préoccupations, pour se mêler des affaires des autres. Et puis, c'est un peu mérité, tout de même. Les singuliers pensaient-ils vraiment pouvoir bénéficier de la protection d'Inasmir à jamais ? Cela semble ridicule à Oonagh ...

▬ Mais dites-moi mon ami(e), racontez-moi donc un peu ce qui fait de vous un être si exceptionne l... Personne n'a la prétention d'être quelqu'un d'exceptionnel - normalement ... - et encore moi Oonagh. Avant de se faire repêcher par Ithel, elle n'était qu'une âme errante à la dérive. La jeune femme était complètement désorientée, tiraillée entre ce qu'on lui avait toujours appris - l'amour d'Eydis - et ce qu'elle ressentait au fond d'elle, un sentiment profondément encré sur lequel pourtant elle n'arrivait à mettre de nom. Ainsi, pour Oonagh, la seule chose qui l'a démarqué des singuliers, c'était ses dons de druidesse, et rien d'autre. Cela mis à part, on peut signaler ici qu'Oonagh est une personne extrêmement influençable.

▬ Tous les goûts sont dans la nature, n'est-ce pas? Alors éclairez-moi donc sur les vôtres ... Oonagh a toujours été proche de la nature, et de tout ce qui en découle : animaux, végétations. La nature l'apaise, et la réconforte parfois. C'est quelque chose qu'elle respecte, et qu'elle protège. Depuis peu, Oonagh est passée de disciple d'Eydis à adoratrice de Mynkor. Elle n'en est pas (encore) une fanatique admiratrice et entièrement dévouée, mais c'est un chemin qu'elle suit. Tout ce qu'elle déteste, maintenant, ce sont les suivants d'Eydis, ce qui ne jurent que par elle et la vénèrent à tout moment. Elle déteste également le vide, car Oonagh a le vertige et est totalement pétrifiée devant un grand vide.

▬ Tout le monde veut quelque chose, il suffit de découvrir ce que VOUS vous désirez. Avant de rencontrer le chemin des Héritiers et du culte du frère d'Eydis, Oonagh n'avait aucun but dans la vie. Elle errait en Lanriel sans trop savoir quoi faire, se servant de ses dons simplement pour survivre, sans penser à s'en servir pour quoique ce soit d'autre. Désormais, la demoiselle à trouver un but à poursuivre, qui suscite beaucoup d'espoir en elle : la gloire de Mynkor, la reconnaissance qu'elle n'a jamais eu - sa gloire à elle aussi, en un sens ...

▬ Et les autres dans tout ça. Oonagh commence à mépriser toute personne vouant un culte à la Déesse Eydis, ce qui inclut donc la grande majorité de la population de Lanriel. Etant naïve, elle a tout de même plutôt tendance à croire en la bonne foi de tout le monde - même si cela est en train de changer. Elle n'aime pas les singuliers, qui sont pour elle tout en bas de l'échelle sociale. Les rôdeurs, eux, l'intéressent un peu plus car ils sont généralement plein de ressources. Puis vient tout ceux qui ont reçu un don, voir plusieurs : les dessinateurs, les inquisitrices, les druides, les sorciers, les devins. Tant que ces derniers sont voués à Eydis, Oonagh commence à les mépriser - elle ne peut pas faire autrement, et n'a aucune capacité pour déceler le potentiel d'une personne à adorer Mynkor ou non. Elle aurait aimé être devineresse, et pouvoir voir l'avenir, le sien en premier lieu. Peut-être que cela l'aurait rassuré, ou pas.

« Cela était prévu, Oonagh. Ils sont venus te chercher car tu as le don, comme ta mère l'avait avant toi. Ils t'emmèneront à Riocht Na Elves, pour t'apprendre comment utiliser ton don. Mon enfant, il faudra que tu montres là-bas tout ce que nous t'avons appris ici », expliqua la nonne à la jeune Oonagh, alors âgée de treize ans. La jeune fille se tenait assise sur un petit tabouret de bois, face au bureau de la nonne-en-chef, celle qui dirigeait depuis plus de vingt ans maintenant cet espèce d'établissement religieux, qui hésitait entre le couvent et l'orphelinat. C'était ici que, treize ans plus tôt, un homme avait déposé Oonagh, afin qu'elle y soit élevée avant de savoir si oui ou non, elle avait le don pour être druidesse. La petite avait donc grandit dans un environnement très pieux, très respectueux du culte d'Eydis. Depuis sa plus tendre enfance, on avait sans cesse rabâché à Oonagh ô combien la sagesse et la bonté de la Déesse était grande, et qu'il fallait la remercier chaque jour très consciencieusement pour cela. D'abord, Oonagh avait obtempéré sans rechigner, sans penser une seule seconde que ce qu'elle faisait - ou plutôt, ce qu'on lui disait de faire - n'était peut-être pas le seul chemin à prendre. Cependant, en grandissant un peu plus, elle commença à se sentir comme oppressée, comme mal à l'aise dans cet environnement dans lequel elle avait toujours baigné. Cela pourtant, elle ne le montrait pas. « Oui, mère », répondit très poliment la petite. C'était ainsi que la nonne-en-chef voulait que l'appelle tous les orphelins qu'elle avait recueilli, et Oonagh ne dérogeait pas à la règle. La jeune fille tourna la tête, regardant à travers les carreaux sales de la fenêtre du bureau. Au dehors, elle voyait deux hommes habillés de manière simple, comme des voyageurs. Ils étaient arrivés sur le dos de deux chevaux, qui avaient à présent disparus. Certainement avaient-ils été emmenés pour qu'on prenne soin d'eux, qu'on leur donne à boire, etc. Nul doute que les deux hommes étaient là pour Oonagh, et qu'ils étaient eux-mêmes des druides. Comme la mère d'Oonagh, et comme elle-même, c'était désormais chose sure. La jeune fille avait manifesté son don, sans réellement le comprendre. De plus, elle possédait depuis son plus jeune âge une voix charmante, que les nonnes utilisaient dans leur choeur de vierges, pour chanter les louanges de la Déesse Eydis. Si Oonagh avait pu s'essayer à la pratique d'un instrument, nul doute qu'elle aurait été excellente. Malheureusement, on ne lui en laissa jamais l'occasion. Son enfance avait été rythmé de cours pour apprendre tout d'abord la lecture, l'écriture, puis évidemment tout ce qu'il fallait savoir à propos de la Déesse Eydis, et de son culte.

« Viens, mon enfant. Il est temps pour toi de nous quitter pour rejoindre ta nouvelle maison, celle des druides. Je te souhaite donc bonne chance, et n'oublie jamais qu'Eydis veille sur toi et que pour cela, il faut la remercier chaque jour », rappela la nonne-en-chef en levant un doigt autoritaire vers Oonagh, qui eut un geste de recul à peine perceptible. Puis, elle se leva et suivit sa " mère " au dehors, pour aller à l'encontre des deux druides, qui lui sourirent tout deux. « Jolie Oonagh, ton don est apparu et comme le veut la tradition, nous venons te chercher pour t'accompagner sur les lieux de ton apprentissage. Tu as connue une vie pieuse, maintenant tu apprendras comme une disciple d'Eydis et deviendra une druidesse accomplie. Le voyage ne sera pas long, nous sommes proches. Suis-nous donc, mon enfant », énonça l'un des deux hommes, celui de droite et qui semblait le plus âgé. Oonagh ne dit rien, ne sachant que répondre à tout cela. Elle réalisait seulement à quel point sa vie allait changer, et commença à s'en réjouir, espérant que la vie de druidesse lui procurerait ce qui semblait lui manquer depuis longtemps. « C'est une bonne petite, mais très réservée », souffla la nonne-en-chef aux deux druides. Le plus âgé lui répondit par un sourire qui parut condescendant à Oonagh, tandis que le deuxième homme resta parfaitement impassible, les yeux rivés sur la jeune fille, qui se sentit presque mal à l'aise. Finalement, les deux druides discutèrent un moment avec la nonne-en-chef, à l'écart d'Oonagh qui n'entendait que des chuchotements dont elle ne comprenait rien, à part peut-être son nom deux ou trois fois. Puis, ils prirent congé de la nonne qui se retira en laissant à Oonagh le peu d'affaires qu'elle possédait. « Thassius va te prendre sur son cheval avec lui, Oonagh », annonça le plus vieux des deux druides, en désignant d'un mouvement de la tête son compagnon. Une minute plus tard en effet, un prêtre singulier rapporta les deux chevaux aux druides, et ceux-ci montèrent sur le dos des bêtes. Thassius souleva la jeune Oonagh pour la hisser sur la croupe du cheval, et s'installa lui-même devant elle. « Tiens toi à ma taille », lui souffla-t-il d'une voix suave qui impressionna la demoiselle. Oonagh obéit donc, et presque immédiatement le cheval partit au galop. Elle tourna la tête avec difficulté pour voir s'éloigner à grande vitesse le lieu où elle avait passé toute son enfance, avec une certaine pointe de soulagement dont elle n'avait pas réellement conscience.

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Le soir-même, après une rude journée de chevauchée, les druides établirent un camp dans une prairie dégagée, à quelques mètres d'une route de fortune. Oonagh en avait presque mal de s'asseoir, elle qui n'avait jamais fait de cheval. Le plus jeune des druides, Thassius, possédait un allume-feu et en quelques secondes, des flammes venaient réchauffer le visage de la jeune fille, et de ses deux nouveaux compagnons. Elle n'osait pas parler, même si son esprit bouillonnait sous le nombre de questions qu'elle avait à poser ; et comme seul le crépitement des flammes et un ululement au loin résonnaient, Oonagh en déduisit que les druides n'avaient rien à dire non plus. Pourtant, lorsque le repas fut servi - une sorte de soupe à base d'eau et de plantes inconnues pour la jeune fille -, le plus vieux des deux druides prit enfin la parole : « Nous ne sommes pas très loin de Riocht Na Elves. Je pense que si nous continuons notre route à ce rythme, nous y serons dans quatre jours. Oonagh, si tu as des questions, tu peux me les poser. Je m'appelle Aldaron, et je suis un très vieux druide, je pense donc pouvoir dire que je connais beaucoup de choses. Thassius, qui m'accompagne, a été mon élève, il y a de cela quelques années maintenant. Tu seras mon élève aussi, si tu le veux », commença le vieil Aldaron d'une voix douce et rassurante. A côté de lui, Thassius avait hoché plusieurs fois la tête, pour approuver les dires du druide. Oonagh se sentait tout de même gênée, mais trouva le courage pour demander fébrilement, car elle redoutait la réponse : « Vous connaissez mes parents ? ». Aldaron sourit, comme s'il s'attendait à cette question, et qu'on la lui avait posé une centaine de fois au moins. « Je connaissais ta mère, car elle était une druidesse, comme toi et moi, comme Thassius et bien d'autres. Pour ce qui est de ton père, nul ne le connait mais je peux te dire que tu as été conçu lors de la fête de Beltane, et donc que ton paternel était très certainement un singulier. Cependant, Oonagh, il ne faut pas être déçue. La vie de famille unie et pleine d'amour, ce n'est pas pour nous. Je ne connais rien sur mes parents, et cela ne me fâche pas, tu sais. Mais si tu veux vraiment savoir, ta mère a aussi été mon élève. Elle était très douée, d'ailleurs. Elle s'appelait Isil Mazinah. C'est tout ce que je peux te dire d'elle ». « Cela signifie-t-il que je m'appelle Oonagh Marzinah ? », demanda la jeune fille très sérieusement. Aldaron émit un petit rire : « Oui, si tu veux. D'ordinaire, un druide prend le nom de la famille de singuliers qui l'a élevé, mais dans ton cas, ce n'est pas possible », dit-il avant de boire d'une traite sa soupe aux herbes inconnues. « Et où est-elle, maintenant ? », demanda Oonagh. Aldaron n'eut même pas le temps de répondre, que déjà Thassius répondait promptement : « Elle est morte ». Oonagh avala sa salive, comme pour digérer l'information, qui la secoua néanmoins. « Voyons Thassius, il y a des manières plus appropriées pour annoncer ce genre d'information. Oonagh est encore jeune, ne la bouscule pas trop », avertit Aldaron en lançant un regard entendu à Thassius, qui marmonna une excuse avant de s'enfermer dans le mutisme pour le reste de la soirée. « Excuse-le, Oonagh. As-tu d'autres questions ? », reprit Aldaron. « Combien de temps vais-je rester avec vous ? », demanda-t-elle. « Es-tu déjà pressée de t'en aller ? Tu resteras le temps qu'il te faudra, ou que tu voudras. Certains druides décident de rester longtemps, toute une vie parfois, à Riocht Na Elves, tandis que d'autres partent faire le tour de Lanriel, pour servir Eydis un peu partout », expliqua Aldaron très calmement. Oonagh hocha la tête et bailla, ce qui fit sourire le vieux druide. « Dors maintenant. Demain sera une journée fatigante, et nous avons tout notre temps pour les questions ». Et Oonagh s'installa donc pour la nuit, et s'endormit rapidement.

Depuis son arrivée au bosquet des druides, Oonagh n'avait cessé d'écouter les conseils du vieil Aldaron, dont elle était devenue l'apprentie. Le druide était assisté par son fidèle Thassius, car personne n'était dupe : seul une volonté de fer faisait encore tenir Aldaron debout. La vieillesse allait finir par l'emporter, mais Oonagh n'y pensait pas. Elle voyait en Aldaron une figure paternelle qu'elle recherchait désespérément et donc, espérait au fond d'elle qu'il serait éternel. Les premières années, ce fut Aldaron qui lui apprit les rudiments du savoir des druides : la langue ancienne, pour commencer. Son apprentissage fut très difficile, et très long pour Oonagh. Puis Aldaron voulut enrichir au possible la culture de son élève, et Oonagh se vit instruite dans à peu près tous les domaines. Ensuite, vint le déclin. Aldaron était fatigué, et ce fut Thassius qui se chargea d'apprendre à Oonagh la fabrication des potions, la reconnaissance des différentes herbes, les incantations, etc ... Thassius était nettement moins commode, nettement moins familier avec elle. Oonagh sentait qu'il maintenant comme une barrière entre eux, sans savoir pourquoi. Bien vite, elle crut qu'il la détestait. Néanmoins, il restait un bon professeur.

Bien vite, ce qui devait arriver arriva. Lorsqu'Oonagh avait seize ans, Aldaron succomba à la vieillesse, en toute dignité. Il partit dans son sommeil, et ce fut Thassius et elle-même qui trouvèrent le corps, paisiblement endormi pour toujours. Oonagh pleura beaucoup, et Thassius devint plus dur avec elle qu'il ne l'était déjà. Le druide faisait semblant d'avoir un coeur de pierre, mais la plupart comprenait que sa nouvelle dureté était dû à la souffrance qu'il ressentait d'avoir perdu Aldaron, qu'il avait considéré comme un père. L'apprentissage d'Oonagh se passa sans grand autre évènement. Elle était considérée comme une élève sérieuse, qui deviendrait assurément avec le temps une très grande druidesse. Tout se passa donc sans encombre, et durant tout le temps qu'elle passa au bosquet des druides, Oonagh ne pensa pas une seule fois poursuivre un autre chemin que celui qui se trouvait devant elle, déjà presque tout tracé. Cela n'empêchait pas que sa part d'ombre était toujours bien là, quoiqu'encore trop profondément enfouie pour qu'elle en prenne conscience. Il suffirait d'un déclic, pour que tout change.

Lorsqu'elle eut vingt-deux ans, Thassius lui annonça qu'elle était prête. Il n'avait plus rien à lui apprendre, et elle devait maintenant faire son choix. Rester au bosquet, ou vagabonder dans Lanriel. Elle pourrait toujours revenir, évidemment. Le choix fut vite fait, car Oonagh commençait à étouffer, à rester toujours au même endroit, malgré qu'il fut pour elle apaisant d'une certaine manière. Au fond d'elle, elle avait d'autre chose. Quelques semaines plus tard, elle quitta donc le bosquet et tomba presque par hasard sur une caravane de voyageurs, où elle se fit enrôler pour ses dons de guérisseuse et autres choses utiles de druidesse. Au début, Oonagh apprécia sa nouvelle vie. Elle pensait qu'en aidant ses voyageurs, elle accomplirait la volonté d'Eydis, qu'on disait bienveillante. Elle se prit même d'affection pour un jeune garçon qui avait été pris comme garçon de cuisine, avant qu'un chasseur de primes ne le lui enlève. Plus jamais elle n'eut de nouvelles, et la perte de ce garçon la rendit triste, et désireuse de vengeance. Elle aurait aimé retrouver le chasseur de primes, puis retrouvait le garçon, qu'elle avait voulu protéger comme l'aurait fait une soeur aînée. Mais le destin lui réserva une toute autre route. Oonagh resta prés de deux ans parmi les voyageurs, tout en comprenant petit à petit que ses dons pouvaient servir à autre chose qu'à obéir à la volonté de la Déesse. Elle pouvait s'en servir pour elle-même, pour tout ce qu'elle avait envie. Ce fut comme un premier pas vers Mynkor, sans qu'elle ne le sache. Doucement mais surement, elle se détournait du chemin d'Eydis ...

**

Certainement qu'avec le temps, les tourments profonds de la demoiselle auraient pu s'effacer, disparaître à jamais au profit de la communauté druidique, qu'Oonagh aurait dûment servi toute sa vie. Si Eydis était si puissante, si bienveillante, aurait-elle permit cette rencontre qui changea tout, et qui détourna à jamais l'enfant innocent du commun droit chemin ? Certainement pas. Ce fut le destin, et le destin est plus fort qu'Eydis elle-même. C'est ainsi qu'à vingt-quatre ans à peine, elle rencontra celui qui produisit le déclic, qui enflamma toutes les braises prêtes à s'éteindre dans le coeur influençable d'Oonagh. Il n'eut qu'à souffler dessus pour les rallumer. Ithel Garashi.

C'était une journée de printemps, tout à fait ordinaire. Oonagh était toujours une membre à part entière de cette caravane de voyageurs. Elle s'était éloignée un peu du campement établi, afin de chercher dans les environs quelques herbes pour concocter un breuvage, afin de soulager une femme qui allait bientôt mettre au monde son premier enfant. Etant druidesse, Oonagh avait assisté plusieurs accouchements depuis son arrivée parmi la caravane. Elle savait donc quoi chercher, et où chercher. Elle avait emporté sa cape d'été, et sa besace en cuir ainsi que son couteau, pour recueillir les plantes. Lorsqu'elle trouva enfin ce qu'elle cherchait, elle se baissa pour attraper l'herbe et se retourna, s'arrachant par la même occasion un cri à peine audible. Un homme se tenait devant elle, sourire aux lèvres, mystérieux. « Qui êtes-vous ? », demanda Oonagh avec toute la méfiance dont elle était capable. « Je suis un devin, et c'est l'une de mes prévisions qui m'ont conduit vers vous, ma chère », éluda-t-il, toujours le sourire aux lèvres. Oonagh prit un air impressionné : elle avait toujours voulu être une devineresse, et trouvait qu'avoir ce don inspirait immédiatement son respect. Elle fut néanmoins intriguée d'être l'objet d'une prédiction, et demanda donc : « Quelle était cette prédiction ? ». Le sourire du devin disparut pour laisser place à une mine sérieuse. « Notre rencontre, bien sur ». Bien sur. « Quel est votre nom ? », reprit-il. « Votre prédiction ne vous l'a pas dit ? », s'étonna innocemment Oonagh. Le devin parut offensé : « Simple formalité, Oonagh Marzinah », répondit-il sur un ton quelque peu impérieux. Oonagh ne répondit rien, trop intimidée. « Je suis ici pour te parler de toutes les possibilités qui s'ouvrent à toi, Oonagh », commença prudemment le devin. Immédiatement, il éveilla une vive curiosité chez la demoiselle, qui le pressa de poursuivre. « Une autre voie est possible, ma chère. Eydis n'a pas le monopole de ce monde. Elle avait un frère, plus puissant qu'elle, dont elle a eu peur. Elle n'a pas hésité une seule seconde pour l'emmurer quelque part en Lanriel ». Oonagh ouvrit de grands yeux ronds, et demanda : « Un autre Dieu ? ». Le devin hocha la tête et continua : « Veux-tu entendre mon histoire ? Je pense qu'elle te plaira », proposa l'inconnu. Comme il le voulait, Oonagh accepta et écouta attentivement le récit de l'homme, qui avait un talent certain d'orateur. Elle apprit comment il avait toute sa jeunesse servie corps et âme la Déesse, en étant remercié par des sévices et des maltraitances ignobles. Oonagh connaissait cela vaguement, pour avoir été élevé elle-même dans une sorte de couvent, où parfois, les nonnes s'auto-flagellaient pour expier un pêché. Quel genre de Déesse bienveillante pouvait tolérer cela ? La jeune femme sentait en elle comme quelque chose s'allumer tandis qu'elle buvait les paroles du devin. Lorsqu'il eut terminé son histoire, il lui dit : « Il ne faut pas ébruiter ceci, est-ce bien compris ? Je dois vous quitter, désormais ». Oonagh en fut presque déçue, et demanda avec un espoir non dissimulé : « Nous reverrons-nous ? ». Le devin lui sourit avant de répliquer d'une voix charmante : « J'y compte bien, mon enfant ». Et Oonagh en fut soulagée, tandis qu'elle regardait l'inconnu s'en aller, puis disparaître. Ce fut seulement à ce moment-là qu'elle se rendit compte qu'il ne lui avait pas dit son nom. En fait, elle savait encore peu de choses. Le devin avait juste réveiller sa curiosité, et l'espoir d'une nouvelle voie.

Bien sur, ils se revirent. Peu de temps après, d'ailleurs. Deux semaines tout au plus. Oonagh avait eu le temps de mariner dans son jus, et lorsque le devin se représenta à elle, elle était prête. Prête à l'écouter encore, prête à le suivre partout. Lorsqu'Oonagh annonça à la caravane de voyageurs qu'elle les quittait, elle ne savait pas vraiment dans quoi elle mettait les pieds. Elle partit sans se retourner, bien heureuse de trouver un nouveau foyer, ainsi qu'un vrai but dans la vie. La gloire de Mynkor, qu'elle apprendrait petit à petit à aimer, à adorer, à servir par tous les moyens. Nul doute pour les autres Héritiers qu'elle était une âme en peine, fragile et influençable, sur qui Ithel Garashi avait posé le doigt. A part la principale concernée, tout le monde ou presque savait qu'elle avait été manipulée par le devin, et qu'elle était son meilleur résultat. Oonagh était en quête d'une famille, ce qu'elle n'avait jamais eu - elle avait effleurer ce rêve avec Aldaron, mais il avait finit par mourir de vieillesse. Ithel, lui, avait encore de longues années devant lui, et possédait une aura qui attirait Oonagh comme le miel attire les abeilles. Elle serait sa plus fidèle disciple, tout en espérant secrètement qu'il la considère un jour comme sa fille.

Une longue tache ardue les attend, pour arriver à leurs fins : un monde dominé non plus par les singuliers, mais par la magie. Oonagh attend ce jour avec impatience. Mais pour le moment, elle doit encore faire ses preuves au sein des Héritiers, et montrer qu'elle peut être utile. Car jusqu'à maintenant, elle n'est qu'une apprentie d'Ithel, rien de plus.

Ohouuuuui c'est bien moi, cher papa

Merci beaucoup à tous ! Je pense aussi avoir fait un bon choix de personnage

Je pense avoir terminé ma fiche . Et j'ai un peu fait parler Ithel, j'espère que ça ne dérangera pas

Merci beaucoup, ô grande sorcière

Merci chère Ezephine, j'en profite pour dire que j'adore ton avatar, bien que je ne suis pas fan de Nina Dobrev en général

Merci beaucoup Una, et désolée, peut-être que je prendrai une ou un dessinateur pour un prochain compte, qui sait ?

Merci Elvire