scathach ϯ l'ombre du désert

▬ Par le nom que je porte, Scathach (prononcez SKAW-hak) BENNION par la naissance, Paloma pour le nom de scène.
▬ Par mon lieu de naissance, le village de Talma, à Óir Gaiste.
▬ Mon âge, 36 ans.
▬ La personne que je suis, une Singulière.
▬ Et les responsabilités qui vont avec : celles de diriger une troupe de saltimbanques itinérants.
▬ J'ai voué ma loyauté indéfectible à moi-même et à mes hommes.
▬ Miroir, mon beau miroir dis-moi que la plus belle dans ce monde est Lucy Lawless.

L’avantage quand on se fait passer pour un saltimbanque, c’est que l’on possède tout un tas de choses diverses et variées et qu’on peut y cacher tout un tas d’autres choses. Scathach est donc en possession d’une roulotte – volée, cela va sans dire – dans laquelle on retrouve tout l’attirail des gens du voyage : matériel de cuisine, provisions, draps, déguisements et étoffes chatoyantes, instruments de musique et de cirque, etc. Si tous ces bibelots appartiennent aussi bien à Scathach qu’à ses compagnons, l’ancienne mercenaire cache ses possessions personnelles sous le fatras des objets de la carriole. Depuis sa sortie de « prison », elle a donc pu récupérer son armure en cuir bouilli, son épée et un bijou auquel elle a toujours tenu. Pour le reste, tout a disparu il y a des années et Scathach se contente d’adopter la mode gitane pour mieux coller à son personnage.


▬ Je ne vous apprends rien en vous disant que Lanriel possède un roi, mais ce que j'aimerais savoir c'est ce que vous pensez de lui.
Tant mieux pour lui. Là où j’ai vécu, à Talma, le roi, c’était comme une vierge : une légende. Personne ne pouvait se vanter de l’avoir vu, ni même de pouvoir le décrire – il était blond et froid, disait les uns, brun et ténébreux pour les autres. En fait, je crois que tout le monde s’en fichait comme de ses premiers poux. Pour ma part, n’ayant jamais reçu d’autres cours de politique que ceux dispensés par les soudards de passage, je n’ai retenu que ce dont ils se plaignaient alors. Pour moi, le roi était un radin, ne se rendait pas compte que c’que c’était qu’être un soldat et patati et patata. Les jérémiades de tout employé envers son patron, en somme. Bien sûr, les années ont fait en sorte que ces croyances disparaissent au profit d’une plus grande compréhension du fonctionnement du royaume. J’aurais pu apprécier le roi, tout comme les gens rencontrés au cours de mes voyages, s’il avait eu la bonne idée de me laisser tranquille à mes petites affaires. Malheureusement, à cause de lui, j’ai passé pas mal de temps à casser des pierres et à ruminer dans ma cellule dans ces montagnes maudites. Je dirais donc qu’à leur actuelle, le roi et moi ne pourrions pas être de grands amis.

▬ On a tous son petit ego et moi, Inasmir, le sorcier légendaire, n'échappe pas à ce vice. Alors répondez donc à cette question, que pensez-vous de moi ?
Absolument rien, désolée pour votre ego. J’ai entendu parler de vous, bien sûr – seul un sourd ne saurait pas qui vous êtes – mais je n’ai rien à faire de ce que vous avez fait ou ferez. Vous pourriez être ma mère que ça ne changerait rien. Cela dit, maintenant que vous êtes hors-la-loi et que vous avez une dent contre la royauté, si j’ai bien compris l’histoire, on pourrait avoir des petites choses à partager…

▬ La chute du Bouclier aurait secoué toutes les terres mais il y a des gens que cela laisse de marbre, je serai curieux de savoir si vous êtes une de ces personnes.
Vous allez croire que je me fiche de tout ce qui ne me concerne pas – ce qui est plutôt vrai – mais la chute du Bouclier n’a eu aucun impact sur ma vie. J’étais déjà au camp de Sliabh Órga quand c’est arrivé alors si vous pensez que quelques monstres assaillant la capitale m’ont fait trembler… Alors oui, ça ne me fait ni chaud ni froid et je trouve que c’est bien fait pour ces richards qui se croyaient à l’abri de tout.

▬ Mais dites-moi mon amie, racontez-moi donc un peu ce qui fait de vous un être si exceptionnel...
J’ai plein de qualités, sans conteste. Mais je dirais que ce qui fait de moi quelqu’un de spécial, c’est l’envie, la motivation. Vous voyez, de là où je viens, mon destin était déjà tracé, je serais devenue fille de joie, comme les autres, ou bien je serais déjà morte, pour une raison ou une autre. Mais non, j’ai toujours eu des rêves de grandeur, le désir de quitter mon trou immonde et de découvrir le monde, l’écumer et en apprécier la beauté. Devenir riche, aussi, mais ça, c’est le rêve de tous les manants. Bref, je ne me suis jamais laissé faire, je me suis battue dès les premiers instants et je suis sortie de ma misère pour faire de grandes choses. Je vous l’accorde, celles-ci sont discutables, mais c’est ce dont je rêvais, le destin que je me suis construit. Je crois que c’est ça, qui fait de moi un être exceptionnel. Ainsi que ma ruse légendaire, mes qualités de chef, ma débrouillardise, mon habilité au combat et mon imagination. Comment croyez-vous que je sois devenue le Spectre des Sables ? Ou la Chienne de Talma, c’est selon.

▬ Tous les goûts sont dans la nature, n'est-ce pas ? Alors éclairez-moi donc sur les vôtres...
Ce que j’aime ? La liberté. Bien plus depuis que j’ai quitté les montagnes infernales de Sliabh Órga. J’aime pouvoir faire ce qu’il me plaît, prendre ce dont j’ai envie, répondre à mes désirs sans rencontrer de résistance. J’aime la beauté, toutes ces choses qui brillent, tels que l’or et les pierres précieuses – ne suis-je pas une femme, après tout ? J’aime posséder toutes ces belles choses. J’aime le goût des fruits, la vision de l’océan, les senteurs des épices, le froissement des étoffes, les caresses d’un homme. J’aime le luxe et la richesse, la beauté et l’amour. Mais j’aime aussi la guerre et la souffrance. J’aime verser le sang – que je ne bois pas, malgré ce qu’on peut en dire – et j’aime le fracas des épées, le son de la flèche décochée tout juste à côté de mon oreille, le poids de l’armure sur mes épaule, la danse du duel et le chaos de la bataille. J’aime me sentir forte, repue et toujours en vie à l’issue du combat. Et je déteste perdre.

▬ Tout le monde veut quelque chose, il suffit de découvrir ce que VOUS vous désirez.
La vengeance. Vous avez sûrement entendu ça des milliers de fois, non ? Or donc, comme je le disais, ce qui me motive actuellement est de retrouver cet enfoiré qui nous a vendus, qui a pris presque dix ans de ma vie, et de le tuer. Lentement, avec délectation. Quand ce sera fait, je crois que je pourrais viser plus haut que la vie qui je menais avant. Je me suis toujours imaginée assise sur un trône incrusté de pierreries, posséder une armée impitoyable, régner sur un monde qui serait soumis à ma seule autorité. Ne ferais-je pas une magnifique et terrible impératrice ?

▬ Et les autres dans tout ça.
Avec la réputation que je traîne, je doute qu’on me voit comme quelqu’un d’amical et de philanthrope. Je n’ai confiance en personne, ou presque. Je déteste les gens mieux lotis que moi, plus heureux que moi, je déteste les femmes qui me font de l’ombre, je déteste les hommes qui me croient faible, et plus encore ceux qui veulent me priver de ma liberté. Je ne suis pas quelqu’un de particulièrement fréquentable, c’est un fait. Je n’apprécie rien chez les autres à moins que cela ne me soit utile. Et tout cela vaut aussi bien pour les Sorciers que les Dragonniers ou les Druides.

Droite comme un I, le bras nonchalamment posée sur le pommeau de son épée, Scathach faisait face à Jazan Rassoul, l’un des plus riches caravaniers d’Óir Gaiste. Confortablement installé dans son fauteuil décoré de tissus précieux sous sa magnifique tente dans le désert, le commerçant la jaugeait sans aucune gêne. Il jeta également un coup d’œil à Fintan, avant de reporter son attention sur la femme.

« Alors c’est toi le Spectre ? Je t’imaginais plus…
- … homme ? »

Scathach affronta le regard du marchand. Les hommes avaient du mal à accepter de se faire battre par une femme. Plus encore quand celle-ci venait de fêter ses dix-neuf printemps. Si bien que, quand de rares survivants racontaient leur affrontement avec le Spectre des Sables, ils avaient tendance à faire grandir l’adversaire, à le muscler comme un gladiateur et à le doter d’attributs virils. Sans compter la force prodigieuse et les pouvoirs magiques. Ce qui faisait plutôt rire Scathach, d’autant que ces histoires la protégeaient bien plus qu’elles ne lui coûtaient. Mais aujourd’hui, sa réputation allait sûrement prendre une nouvelle tournure. Car Rassoul ne l’avait pas fait venir dans le seul but de faire la conversation et d’en connaître un peu plus sur la terreur du désert. Le marchand lissa sa barbe et, après un instant de flottement, entra dans le vif du sujet.

« Connais-tu Arild le Bienheureux, de Sante ? Il est à la tête du réseau commercial qui lie la capitale à Óir Gaiste. Son commerce est florissant et…
- Il vous empêche de faire fleurir le vôtre, bien plus intéressant et bla, et bla, et bla. »

Scathach ne connaissait probablement rien aux histoires économiques et aux manœuvres politiques mais elle savait reconnaître la convoitise et la cupidité quand elle la voyait. Elle ne doutait pas un seul instant de ce qui allait suivre – même si sa simple convocation était un indice en soi. Mais elle se fichait pas mal des raisons, des excuses que chacun se trouvait pour montrer que leur acte avait une certaine légitimité, qu’ils rendaient un service à tout le monde et ainsi de suite. Tant qu’elle recevait une bourse sonnante, le reste n’avait pas d’importance. Pour Rassoul non plus, sûrement, mais il n’appréciait visiblement pas d’être coupé de la sorte. Il aurait très certainement pu la faire tuer, là, maintenant, sans autre forme de procès, mais il ravala l’affront et se contenta de lui jeter un regard noir, qu’elle soutint, avant de continuer.

« Venons en au fait, alors. J’ai besoin que tu fasses disparaître Arild. Peu importe la façon, tant qu’on ne puisse pas remonter jusqu’à moi. »

Le travail basique d’un assassin, en somme. Scathach acquiesça. Ce n’était pas le genre de travail qui lui posait problème, même si ce n’était que la deuxième fois qu’elle le faisait pour une somme d’argent. La petite voleuse du désert avait bien grandi… Il ne restait plus qu’à discuter du prix et elle sentait que Rassoul ne serait pas celui qui en parlerait le premier. Probablement pour lui faire payer l’affront qu’elle lui avait fait quelques instants plus tôt.

« Quelle sera ma récompense pour ce service ?
- Que veux-tu ?
- Tu possèdes une jolie tente. »

Jazan Rassoul l’observa un instant et, quand elle lui sourit, il éclata de rire. Il interpréta mal ce sourire, cependant, car Scathach était sincère. Cette tente lui plaisait beaucoup, de même que le fauteuil et toutes les tapisseries. Que Rassoul se moque ! Elle obtiendrait cette tente, peu importe le temps qu’il lui faudrait. La jeune femme retrouva une certaine impassibilité quand le caravanier se calma et reporta son attention sur elle, se lissant une nouvelle fois la barbe, l’œil pétillant.

« Et si nous nous contentions, pour le moment, de 20 livres et de tout ce qui te plaira dans la maison d’Arild ?
- Cela me semble juste.
- Dans ce cas, voici une affaire conclue ! Egon ! Emmène donc nos invités pour leur donner les détails de leur mission. »

Un homme sortit de derrière le fauteuil de Rassoul et invita la jeune fille et son compagnon à le suivre. Il avait été là pendant tout l’échange et c’est seulement maintenant que Scathach le remarquait. Il avait l’allure d’un général d’armée et, au vu de la sueur sur son front et de son maintien, il n’avait pas grandi dans le désert. Intriguée, Scathach le suivit. Ils traversèrent presque tout le campement avant d’arriver dans une tente plus modeste. Une tente parfaite quand l’on préparait une stratégie pour la guerre qui attendait de l’autre côté de la colline. Au centre, il y avait une table sur laquelle attendait un nombre incalculable de parchemins. C’est là qu’Egon les mena et il en déplaça quelques uns pour leur en montrer deux.

« Voici le plan de la maison d’Arild. Et ici, c’est le rapport des activités journalières de la maisonnée. »

Scathach n’eut aucun problème pour comprendre le plan. Ce n’étaient que carrés ou rectangles, angles et ouvertures. De plus, il y avait une croix pour signaler la chambre du propriétaire. Pour l’autre parchemin, en revanche, elle n’avait aucune idée de ce qu’il pouvait bien raconter. L’expression de Scathach, comme celle de Fintan, ne manqua pas d’étonner le « général » de Rassoul. Mais il ne dit rien et se contenta de prendre le parchemin des activités pour feindre la suite d’un exposé qu’il n’avait pas prévue.

« La maison n’est pas très bien gardée. Il n’y a de gardes qu’aux entrées et sorties mais rien à l’intérieur. Ce ne sera pas bien compliqué d’y pénétrer. De même, les serviteurs ne bougent pas beaucoup et se contentent de faire leur travail avant de rejoindre leurs appartements. En bref, assassiner un homme tel qu’Arild dans sa maison sera aussi facile que de tuer un mendiant en pleine rue. »

C’est ce qu’il sembla à Scathach, en effet. Arild ne devait pas beaucoup craindre pour sa vie pour être si peu protégé. Surtout pour quelqu’un d’aussi « important ». Qu’il s’agisse d’une sorte de piège ne vint pas l’idée de la jeune femme. Quel intérêt pour Rassoul que c’en soit un ?

« Quelle arme comptes-tu utiliser ? »

Dans un cas aussi simple que celui-ci, elle pouvait utiliser l’arme qu’elle voulait. Alors elle jeta un coup d’œil aux râteliers remplis d’armes diverses qui tapissaient la tente. Scathach tâta les pommeaux, essaya les tranchants avant de se décider pour un poignard ouvragé, décoré d’une plume, portant l’emblème de Rassoul. Elle sourit en le saisissant et le montra au lieutenant du caravanier. Celui-ci fronça les sourcils et acquiesça avant de retourner vers la table et enrouler les parchemins qu’il glissa dans un étui.

« La disparition d’Arild doit avoir lieue ce soir. Je viendrais avec vous.
- Rassoul ne nous fait pas confiance ?
- Il veut simplement s’assurer que tout est fait comme convenu. De plus, je vous attendrais dans une auberge à quelques pâtés de maison, avec votre récompense.
- Dans ce cas, cela me paraît correct. »


Scathach se laissa glisser sur le sol, aussi furtive qu’un chat. Dans la nuit étouffante, elle ne portait qu’une tunique de lin près du corps et ses pieds couverts de bandes de tissus pour éviter tout bruit. Le poignard était accroché dans le chignon de sa chevelure. Sans se presser, la jeune femme se dirigea vers la chambre du maître des lieux. Il ne lui fallut que quelques secondes pour y parvenir et elle tira doucement le panneau coulissant qui faisait office de porte dans ces luxueuses demeures. Elle se dirigea ensuite vers l’immense lit à baldaquins dans lequel trônait Arild le Bienheureux, qui portait bien son nom si l’on se fiait à la bedaine qui se soulevait sous les draps, au rythme des doux ronflements du marchand. Scathach l’observa un instant, se demandant si un lit aussi douillet faisait le même effet à tout le monde et si elle aurait également un jour un tel plaisir. Puis elle posa un genou sur le rebord du lit, un autre, et enjamba le corps de l’homme endormi. Arild dut sentir le poids qui pesait sur son ventre et il commença à ouvrir les yeux. A la vue de la jolie jeune femme le chevauchant, une première réaction, typiquement masculine, gagna le bienheureux Arild, qui devait sûrement se dire que, décidément, le bonheur ne cesser de l’accompagner. Sa deuxième réaction, plus lente, n’arrangea rien.

« Suis-je dans un rêve ? »

Scathach lui sourit. Pourquoi les hommes ne savaient-ils pas réfléchir dans de telles situations ? Alors quoi ? Arild pensait vraiment être dans un rêve, qu’une de ses esclaves avait eu la bonne idée de venir le rejoindre pour la nuit, ou qu’un quelconque présent lui avait été envoyé ? Le danger ne l’effleurait-il donc même pas ? Pas une alarme, pas une seule question ? Dans ce cas… Scathach leva les bras vers sa chevelure et, de sa main droite, saisit le poignard, qui libéra sa longue tignasse noire. Arild ne sembla voir que le mouvement des cheveux, qui devait lui paraître bien sensuel pour ce qu’en sentait la jeune femme. Jusqu’à ce qu’elle lui sourît d’une toute autre manière.

« Non, il s’agit d’un cauchemar. »

De ses deux mains, Scathach planta le poignard droit dans le cœur. Arild gigota un instant, les yeux écarquillés, avant de s’éteindre dans un glougloutement écœurant. Le sang rougit les draps immaculés et l’assassin se dégagea du corps, retrouvant le sol de la chambre. Elle observa quelques secondes son œuvre avant de faire le chemin qu’elle avait parcouru en sens inverse. Le poignard frappé du sceau de Rassoul était toujours fiché dans le cœur d’Arild et, tandis qu’elle regagnait la fenêtre par laquelle elle était entrée, saisissant la corde qui reliait la maison du Bienheureux au toit de celle de son voisin pour un nouveau numéro de funambule, Scathach sourit. Elle allait la posséder, cette tente dans le désert.

Scathach transporta le bloc jusqu’au point suivant. Puis s’en retourna. Un autre bloc lui fut mis dans les mains et elle refit le chemin. Encore, et encore. Depuis l’aube, la femme transportait des blocs d’un point à un autre sur dix mètres de distance. Dans une heure ou deux, le soleil se coucherait et elle aurait l’occasion de se reposer. Enfin. Cela faisait un mois déjà qu’elle était au camp. Avec Fintan. Avec Macsen. Aujourd’hui, ils n’étaient pas dans son groupe de travail, mais elle les retrouverait à la nuit tombée, comme toujours.

Comme tous les jours, Scathach ruminait en silence. Depuis son arrestation, elle broyait du noir. Comment avait-elle pu se laisser avoir par un espion ? Comment personne n’avait-il pu la prévenir, l’alarmer ? Elle accusait autant les autres qu’elle-même pour cette situation. Il y a deux mois encore, Scathach était reine, dirigeant le Spectre, l’organisation criminelle à laquelle elle avait donné son nom. Elle possédait un campement grandiose et invisible, ne se trouvant jamais au même endroit. Elle comptait une centaine d’hommes à son service et régnait sur la terre comme sur la mer. Elle pillait pour s’enrichir, revendait certains produits à ceux qui en demandaient, fournissait assassins pour qui en avait besoin, débarrassait les villages des créatures qui les infestaient ou des petits criminels. Bref, tout le monde trouvait son compte grâce au Spectre, même s’il répandait la terreur là où il allait. Et il avait fallu que le Roi vienne fourrer son nez dans ses affaires… Alors que s’il lui avait laissé plus de temps, l’empire du Spectre aurait pu s’étendre à tout Lanriel…

Scathach se fit bousculer par un autre prisonnier. Elle lui jeta un regard noir. Malgré sa réputation, celle-ci ne l’aidait pas à se faire des amis au sein du camp. Bien au contraire. Ils l’avaient craint, au début, c’est sûr, mais maintenant, cela commençait à changer. Et on la bousculait de plus en plus. La plupart de ses hommes qui avaient été emprisonnés avec elle lui en voulaient. Elle n’avait pas pu tenir sa promesse de conquête, pour la plupart de femmes et d’or. Si bien qu’il ne lui restait plus beaucoup de sympathisants parmi les prisonniers.

Une raison de plus pour vouloir rapidement quitter ces montagnes maudites. Alors Scathach rongeait son frein, se réunissait chaque soir avec Fintan et Macsen, avec qui elle élaborait des plans, d’évasion, de vengeance. Ils ne se précipitaient pas pour autant. Peu s’enfuyaient. Et peu de ceux qui y parvenaient en sortaient vivants. Il leur fallait un plan, mais surtout, s’ils voulaient réaliser leur projet de vengeance, il leur faudrait faire profil bas. Oh, quelques temps, seulement. Mais suffisamment pour que l’on oublie le Spectre et qu’on ne se méfie plus de lui…

Scathach laissa tomber son bloc dans un bruit sourd et retourna à son point de départ, un léger sourire sur les lèvres. Le Spectre n’était pas mort, quoiqu’on en dise, et la Chienne de Talma retrouverait bientôt la chaleur du sable sous ses pieds. Ce n’était plus qu’une question de temps…