L'enfant de la mer ♠ Nylem Fairban ♠ terminé

▬ Par le nom que je porte, Fairban
▬ Par mon lieu de naissance, Dans la région de Darya sur les iles pirates
▬ Mon âge, trente six ans
▬ La personne que je suis, singulier
▬ Et les responsabilités qui vont avec : homme d'arme, il a obtenu son titre de générale grâce à son nom et quelques pots de vins...
▬ J'ai voué ma loyauté indéfectible à son défunt père.
▬ Miroir, mon beau miroir Channing Tatum

En temps de guerre:
Tout ce qui constitue une armure digne d'une personne de son rang, c'est à dire: un heaume, un gorgerin, un jaque, des spalières ,des rondelles (finement ornées d'une gravure représentant une tête lion),des canons d'arrière-bras,des cubitières ,des canons d'avant-bras, des jambières (le tout aussi gravés de différentes arabesques) et des gantelets.

Mais pour se battre il faut aussi des armes...Les épées à deux mains sont les armes de prédilection de Nylem. La sienne a une garde ouvragée mais sans fioritures, une poignée adapté à ses mains et un pommeau aux armoiries des Fairbans. Cependant il conserve toujours un petit poignard, appelé miséricorde, à la lame en triangle, capable de transpercer une cotre de maille, on ne sait jamais ce qu'il peut arriver !

Et vu qu'un seigneur de guerre ne se déplace pas à pied, il prend l'un de ses chevaux équipé de son caparaçon exhibant les armoiries Fairban et un chanfrein.

Mais lorsque les jours sont meilleurs:
Nylem porte une brigandine, moins saillant mais surtout bien moins lourde que sa cousine de fer ! Ne faisant confiance à personne, il garde toujours deux dagues: une à sa taille et une attachée à son poignet.
Le plus souvent le jeune homme conserve une bourse en cuir dans laquelle il entrepose son argent ou certains objets dont il fait commerce.


▬ Je ne vous apprends rien en vous disant que Lanriel possède un roi, mais ce que j'aimerais savoir c'est ce que vous pensez de lui :
La question d'un quelconque monarque n'avait jamais vraiment effleuré Nylem jusqu'à qu'il atteigne le continent. Habitué à vivre en autarcie sur les iles pirates, là où il n'y a ni roi ni sujets, il lui fut difficile d'accepter cet autorité. Bon gré malgré, il s'aperçut bien vite qu'il valait mieux paraitre obéissant.Toujours avoir la loi de son coté...

▬ On a tous son petit ego et moi, Inasmir, le sorcier légendaire, n'échappe pas à ce vice.
Alors répondez donc à cette question, que pensez-vous de moi? Par principe, Nylem déteste les sorciers. Simple histoire de jalousie...Il envie leurs pouvoirs, leurs puissances. Depuis son plus jeune age il se sent différent, supérieur. Qu'elle déception de ne pas voir se sentiment se concrétiser par un pouvoir... Inasmir le laisse donc indifférent. C'est ce qu'il aime se dire mais au fond il envie ses capacités, son influence sur les choses, cette puissance, cette liberté...Il aurait adoré faire lui même chuter le bouclier , laisser, livrés à eux même, ces personnes si communes si insignifiante. Les voire souffrir, les faire payer pour ce monde si injuste !

▬ La chute du Bouclier aurait secoué toutes les terres mais il y a des gens que cela laisse de marbre, je serai curieux de savoir si vous êtes une de ces personnes
La perte du bouclier n'a nullement affecté notre homme. Pour lui ce n'était qu'une douce utopie dont aimait se bercer les gens: être en sureté. Il suffisait cependant de faire tomber cette œillère pour se rendre compte comment le monde réel était triste et pourrie ! De plus sa disparition à favorisé ses affaires et son ascension au rang de général. Qui allait bien vouloir fouiller dans le passé d'un noble qui proposer son épée au service du roi ?

▬ Mais dites-moi mon ami(e), racontez-moi donc un peu ce qui fait de vous un être si exceptionnel...
à peut près tout. Nylem se sentait dès le naissance destiné à faire de grande choses. Mais à son plus grand désarroi, il ne possède aucune aptitude surnaturelle qui serait susceptible de le différencier des autres. C'est pourquoi il s'est toujours entrainé avec ardeur au maniement des armes. bâtons, arcs, fendoirs, cimeterres, épées, tout y est passé...Mais aucune arme ne lui a jamais apporté plus grande satisfaction que celle qui l'accompagne désormais lors de ses campagnes.

▬ Tous les goûts sont dans la nature, n'est-ce pas? Alors éclairez-moi donc sur les vôtres...
Si Nylem aime les femmes c'est seulement pour les humilier, s'il aime l'argent c'est seulement pour dédaigner les pauvres, s'il aime le pouvoir c'est pour en faire souffrir les gens...Bref il n'aime plus grand chose depuis qu'il a vu la mort et celle de ses proches. Il n'en ai pas pour autant associable . Bien au contraire. Il se plait à entretenir de bonnes relations avec les plus hautes sphères de la société et il ne se privera jamais de témoigner son aversion à un gueux...

▬ Tout le monde veut quelque chose, il suffit de découvrir ce que VOUS vous désirez.
Le pouvoir, l'argent , le respect ou l'amour ne font plus partie de l'ordre de ses priorité depuis bien longtemps. Depuis qu'il a perdu les siens il ne vit qu'à travers la souffrance des autres. Il revit à travers leurs douleurs, leurs peines car tout pour lui n'a plus depuis longtemps aucune saveur, aucune couleur...

▬ Et les autres dans tout ça.
Nylem entretien de bonnes relations avec les personnes influentes de ce royaume.Il n'a pas vraiment d'ami mais s'en moque éperdument: ses vrais amis sont mort. Il n'éprouve d'amour pour personne: Ery est partie et son père l'a quitté. Les relations avec les autres ne sont donc pour lui qu'un moyen d'obtenir ce qu'il veut.

Le soleil arrivait presque au terme de sa course, et pourtant les îles marchandes fourmillaient plus que jamais de passants. Les marchants négociaient ferme des accords commerciaux pendant que mercenaires et aventuriers vendaient leurs services à des prix exorbitants. Tout semblait sujet à discussion et personne ne comptait vraiment rentrer chez soi avant d'avoir tiré le meilleur prix de ses biens. Seule la mer semblait calme, effectuant ses incessant va et vient dans une cascade d'écume.
Dans cette perpétuelle effervescence qui pouvait bien se soucier d'une bande de gamins aux habits sales et dépareillés ? Seules quelques personnages prudes semblaient s'indigner de leur accoutrement mais la foule était tellement dense qu'ils les perdaient bien vite de vue et leur écœurement ne semblait plus être qu'un vague souvenir...
Le plus âgé avait à peine sept ans, suivi de près par ses deux acolytes de quelques années ses cadets. Ils déambulaient tous trois au milieu de cette marée humaine, leur tête à peine plus haute que la taille de la plupart des gens. Ils ne voyaient pas grand-chose et subissaient les mouvement capricieux de la foule. Parfois quelqu'un les bousculait mais la foule était tellement dense qu'il était impossible de tomber. Quand ils réussirent à émerger de cet amas étouffant, ils partirent en courant dans des ruelles de plus en plus petites et de plus en plus sombres. Tous trois déboulèrent au fond d'une impasse où les maisons semblaient sur le point de s'écrouler. Certes les quartiers délabrés n'étaient pas légion sur ces rivages azur, mais un rien suffisait à faire office de cachette à une bande de gamin ! Entre deux murs qui semblaient vouloir se toucher, un interstice juste assez grand pour laisser passer nos trois fugitifs tenait lieu d'entrée à leur repaire. Tous trois ce précipitèrent dans le trou et émergèrent dans un espace limité de part en part par les vestiges des deux murs effondrés.

_ Alors ? Vous avez quoi ? demanda le plus grand avec un sourire carnassier.
Les deux compères échangèrent un regard emplit d'inquiétude.
_ Ne me dites pas que vous n'avez rien ! On a passé plus d'une heure à traîner sur le marché !
_ Moi j'ai une dague. osa son voisin de droite aux cheveux châtain.
Il eut à peine le temps de la sortir de sous sa veste que Nylem lui arracha brutalement des mains.
_Humm y a des pierres sur le manche, papa pourra sûrement nous en tirer un bon prix ! Bien joué Drayr ! dit-il tout excité.
Le dénommé Drayr sembla soulagé et se permis même d'afficher un air suffisant.
_ Et toi Cayv t'as quoi ? dit-il en pointant l'extrémité de l'arme qu'il tenait toujours dans sa main vers lui.
Le désigné se raidit. Il semblait bien plus mal à l'aise que son ami et farfouilla dans ses poches avant de sortir une petite bouse en cuir.
_ Allez dépèch ! On a pas toute la nuit !
Les mains tremblantes Cayv sortit trois sous de la petite étoffe qui ne valait que quelques deniers.
_ Non mais je rêve ! T'es trop nul ! Y avait du monde ce soir et toi tu n'as que trois sous ?!
_ D...désolé je voulais en prendre une plus grosse mais elle était attaché à la ceinture d'un mercenaire...
_ Et alors ? T'as peur ? Espèce de poule mouillée !
_ Je suis pas une poule mouillée ! cria-t-il les larmes aux yeux.
_ Et si poua poua pouahhhhhh ! hurla Nylem en agitant ses bras repliés à la manière d'un volatile, provoquant l'hilarité de l'autre compère.
Cayv continua de pester essayant de retrouver les lambeaux de son amour propre meurtrit.
_ Shuttt on va nous entendre ! interrompit Drayr entre deux éclats de rire.
_ Et ben moi je vous ai tous battu ! dit-il en sortant victorieux une bourse bien garnie. Moi, au moins j'ai pas peur des mercenaires ! renchérit-il en tirant la langue au cadet de la bande.
_ C'est pas du jeu, t'es plus grand qu'moi j'arrive à peine à leur ceintures !
_Ben t'as qu'à manger des légumes ! Ma mère dit que ça fait grandir ! claironna Drayr
_Mais c'est dégueulasse ! répliqua le rouquin d'une voie plaintive
_ Tant pis tu resteras un nain ! railla Nylem
_ C'est même pas vrai tu dis n'importe quoi !
_ On verra bien ! Allez on bouge, il faut qu'on retourne au bateau avant qu'ils partent sans nous, je veux pas dormir sur la plage, le sable ça gratte !

Les trois complices reprirent le chemin du retour, non sans détrousser encore deux, trois personnes au passage. Une fois au port Nylem avisa un homme à la carrure impressionnante qui semblait chercher quelque chose dans la foule. Les gens autour de lui s'éloignaient imperceptiblement effrayés par ses tatouages et son air sauvage.

_ On est là !
_ Hé bien c'est pas trop tôt ! On vous attend depuis un moment ! Montez, on verra le reste après.

Les trois enfants ne se firent pas prier et coururent se mettre à la proue de Révolution. L'ironie du sort voudrait que ce nom se révèle être une prédiction... Ce bâtiment était des plus simple : un trois-mâts braques avec de grandes voiles auriques rouges, une coque en bois moulé recouverte d'une peinture sombre. Le tout donnait un aspect inquiétant au navire, affichant de façon ostentatoire les origines de son propriétaire. Une fois l'ancre remontée et les voiles gonflées par la brise, le navire s'ébranla et bondit à la conquête de ces eaux bleu, tanguant sauvagement sur les vagues. Les enfants émirent des cris de joies lorsque la proue transperça sans pitié cette mer qui semblait s'être mise en colère. Soudain une voie rauque s'éleva derrière eux.

_ Trêve de plaisanterie, est-ce que vous avez bien travaillé aujourd'hui ?
Les trois garçons hochèrent frénétiquement la tête en signe d'approbation. Un instant plus tard ils déballèrent leur butin avec fierté.
_Très bon travail. Je suis fier de vous. s'exclama l'homme à la barbe vieille de plusieurs jours.
Nylem, soucieux de se distinguer des autres et de flatter un peu plus son ego, bomba le torse avant d'exposer comment IL avait détroussé quelques aventuriers armés jusqu'aux dents et combien IL avait rapporté à lui tout seul. Laissant ainsi fortement sous-entendre que ses compères étaient restés là sans rien faire. Ces exploits faisaient cependant bien pâle figue devant la renommé de l'homme à qui il les contait. Mais Nylem ne semblait paraître affecté par ce détail et continua son récit en rajoutant quelques péripéties qui n'avaient existées que dans son imaginaire. Le grand gaillard le laissa cependant finir en le fixant d'un regard amusé.
_ Au fait c'est quand qu'on commence l'entraînement papa ? demanda le garçon qui ne percevait toujours pas l'agacement de son entourage.
_ La vie est un entraîne...
_ Allez papa ! coupa Nylem agacé par ses comptines et ses raisonnement sur les choses existentielles de la vie.
Dwomaric soupira, le jeune garçon avait décidément hérité du caractère difficile de sa mère. Dès sa naissance, il avait compris qu'il avait ces maladies de l'âme qu'étaient la jalousie, l’orgueil et le désir de grandeur.
_ Si tu me laissais seulement finir mes phrases tu comprendrais que ton entraînement a déjà commencé depuis trois jours... malheureusement tu ne sembles pas présenter les mêmes aptitudes que tes camarades.
Drayr et Cayv lui lancèrent un regard moqueur mais ne se permirent aucune remarque. Nylem devint rouge jusqu'aux oreilles, non pas de honte mais de colère. Ils serra ses poings à en faire blanchir la jointure de ses phalanges et se mit à hurler.
_ Mais qu'es-tu racontes ! C'est moi qui est toujours été le mei...
L'homme leva la main en l'air d'un geste sec et le jeune garçon se tue immédiatement. À présent une lueur d'énervement luisait dans les yeux de son père, son visage restait cependant impassible mais c'est d'une voix menaçante qu'il pris la parole.
_ Tu es vaniteux, empressé, de mauvaise foi et tu n'écoutes rien ! Comment veux-tu dans ces conditions apprendre quelques chose ?! Certes tu as des capacités qui dépassent celles de tes camarades mais as-tu progressé depuis le début de nos exercices ? Je vais te le dire : non ! Tu te crois tellement en tout point meilleur, supérieur aux autres que tu en oublies que rien n'est acquis ! Crois-tu vraiment que tes hommes te suivront si tu les mets chaque jour plus bas que terre ? Crois-tu que tu deviendras meilleur en te gonflant d'orgueil ? Je vais encore te répondre, et là aussi les réponse est NON ! Tu n'es qu'un nabot, rien de plus qu'un gamin qui se prend pour dieu alors qu'il n'est même pas capable de faire des nœuds en huit tout seul !

La colère de Nylem était retombée aussi vite qu'elle était venue, l'enfant éprouvait presque des remords à s'être comporté comme ça. Il lança un sourire désolé à ses camarades et à son père, faute de s'excuser, c'était bien trop gênant ! Dwomaric maugréa quelques chose dans sa barbe dépité par l'attitude ridicule de son fils avant de s'éloigner en disant d'une voix plus douce.

_ Commence par apprendre le respect et l'écoute des autres, ensuite on verra pour le reste...




La brume matinale avait à peine eut le temps de se lever que déjà le silence qui régnait sur la côte fut brisé par le tumulte des jeux des enfants. Ils virevoltaient autour l'épave d'un bateau échoué, brandissant fièrement leurs épées en bois. Deux camps s'affrontaient dans ces lieux reconstituant ainsi les combats qui se menaient un peu plus loin dans la bais.

_ A l'abordage !!!! cria un garçon aux cheveux châtain savamment ébouriffé, suivit par les hurlements sauvages de ses camarades de jeux d'une dizaine d'année.

Commença une bataille sans merci, où pirates et soldats croisaient le bois dans l'espoir de remporter la victoire. Quelques copains tombèrent, mais les rescapés avancèrent tous d'un même bloc, plus décidés que jamais à en découdre. Soudain une fille de noble lignée fut pourchassée par un pirate. Une course poursuite endiablée s'engagea. Le scélérat réussit finalement par attraper la belle demoiselle par le bras et...reçut un grand coup de pied entre les jambes ! Le pirate s'écroula par terre dans un concert de gémissements.

_ Putain ! mais Ery on te l'a déjà expliqué trois fois : une demoiselle ça ne se bat pas ! s'exclama Nylem dont la coiffure était encore plus anarchique à présent.
_ Vous avez qu'à pas m'attaquer ! dit-elle en tirant la langue.
Cayv se releva péniblement en cherchant à retrouver un peu de contenance.
_ T'es malade... tu m'as fait trop mal !
Au lieu de la faire culpabiliser, cette situation semblait bien amuser la petite fille qui ne put réprimer un rire léger en voyant la moue que faisait son ami.
_ Mais Ery c'est justement le but du jeu qu'on essaye de t'attraper !
_ Ben alors vous avez perdu !
La patience n'était pas le fort de Nylem et malgré ses efforts Erywel ne semblait rien comprendre à leurs jeux.
_ Pfff c'est juste que t'as rien compris encore une fois !
_ C'est toi qui a rien compris je veux pas faire votre stupide princesse ! s'exclama la petite fille vexée.
_ Et tu veux faire quoi ? Une fille de joie ? C'est vrai que c'est beaucoup mieux ! Et au moins comme ça tu seras pas obligée de te forcer à jouer les filles distinguées ! ironisa Nylem qui commençait à perdre son sang froid.
_ Non je veux juste être qui je suis : une pirate !
À son grand désarroi, l'assemblée qui avait cessé de jouer pour assister à l'altercation explosa de rire. Tout le monde y alla de son petit commentaire, augmentant d'autant l’irritation de Ery. Elle croisa les bras sur son torse, lançant un regard assassin à ses ex-camarades de jeu.
Entre deux hoquets, Nylem réussit à articuler quelques mots.
_ Non mais tu es sérieuse ? Une fille pirate ? T'arrives même pas à comprendre les règles du jeu alors tenir une épée...
Piquée à vif la jeune fille répliqua sèchement :
_ Je vois pas ce que t'as contre ça ! Ta mère en est bien une ! Elle contrôle même une des îles avec ses hommes !
Toutes traces de joie disparurent instantanément du visage du jeune homme. Il n'avait vu sa mère qu'une fois...

Ses pieds martelaient le sol détrempé au rythme de sa course. On était en pleine journée et pourtant le ciel était si sombre qu'il était difficile de se déplacer dans ces petites ruelles. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine d'enfant, sa gorge le brûlait, mais le jeune singulier accéléra encore. Un éclair fendit le ciel encre suivit d'un bruit sourd qui fit trembler toute l'île, l'orage était juste au dessus d'eux, il lui serait impossible de reprendre la mer ce soir...
Nylem arriva sur le palier d'une maison moins délabrée que les autres, il tendit sa main tremblante pour annoncer sa venue puis hésita. Son père l'avait bien mis en garde qu'elle ne désirait pas le voir mais il avait besoin de savoir, de lui parler. Pour un enfant des îles pirates il était rare de connaître l'identité de ses parents, ici tout le monde était l'enfant de chacun et de personne...Dwomaric faisait figure d'exception en élevant son fils ainsi que sa mère en l'ayant renié...Le petit garçon déglutit péniblement, rassembla ses forces pour frapper à la porte de cette inconnue. Un raclement de chaise sur le sol suivit de bruits de pas lui indiquèrent que la propriétaire des lieux était bien là. Le jeune garçon était excité, il allait enfin découvrir le visage de celle qui lui avait donné la vie !
La porte s'ouvrit brutalement laissant apparaître une femme aux formes très généreuses soulignées par ses vêtements provocants. Elle mâchonnait une herbe aux propriétés diverses qui était très répandue dans la région. Elle se tenait à la porte comme si elle avait hâte de pouvoir la refermer, lui jetant un regard mauvais. Voyant que Nylem comptait tenir un siège devant sa porte , elle lui demanda ce qu'il voulait d'un haussement de menton dédaigneux.
_ Je...je m'appelle Nylem, je...
_ Dégage j'en ai rien à foutre de toi ! Je l'ai déjà dit à ton père ! Si tu me fais chier tu vas finir pendu à l'entré du récif, c'est clair ?
La porte se referma violemment, laissant le petit garçon seul sous la pluie, le cœur brisé.

Nylem sentit la rage déferler dans ses veines comme un poison. Sa mère était tout sauf un modèle à suivre ! C'était une catin dont la beauté n'avait d'égard que sa vulgarité ! Ery n'avait pas le droit de devenir comme ça ! Elle était si gentille, quoi qu'un peu pénible mais tout le monde la pardonnait : c'était une fille tout de même !
_ Non tu ne seras pas comme elle ! et les gens lui obéissent parce qu'elle est devin et pas pirate !
_ Je fais ce que je veux ! je serais la première alors !
La jeune homme était impuissant face à la détermination de son amie et cela ne fit qu'augmenter son énervement. Bien qu'à court d'argument avouable, il continua de s'opposer à ses projets.
_ NON !
Il avait crié sans le vouloir mais il éprouvait un tel désarroi qu'il ne put ajouter autre chose.
_ Je m'en fiche que ça te plaise ou pas ! dit-elle en tirant la langue derechef.
Nylem était désemparé, la panique s'insinua sournoisement dans son cœur. Pourquoi Ery ? Pourquoi ne voulait-elle pas rester comme elle était ? Pourquoi trouvait-elle mieux une vie qui n'était pas la sienne et qui lui enlèverait sa beauté ? En plus c'était risqué, elle pouvait mourir...
_ De toute façon tu pourras pas y arriver t'es une fille...
_ Et tu crois que ton père il est très masculin à s'occuper de toi comme une mère poule !

La fureur de Nylem avait atteint son paroxysme. Serrant les dents il ne put retenir le coup de poing qui vint se loger au creux du ventre de la petite fille. Son visage était déformé par la haine, son jugement obscurci par le ressentiment. Le souffle court, pliée en deux Ery le regarda l'air effrayé par cette soudaine métamorphose.

_ Tu veux être un homme c'est ça ? Alors vient bats toi ! Relève toi je te dis et bats toi ! On va voir si t'as des couilles finalement !

La rage et la peur semblaient à présent contrôler son esprit. Frapper, blesser, était finalement bien plus facile que de s'exprimer, là au moins il se sentait maître de la situation.

_ Nyl arrête, elle voulait pas dire ça ! gémit Drayr.
_Oohhh si elle le voulait, mais maintenant tu te dégonfles pas vrai ? Tu vois bien pourquoi on vous laisse faire que la cuisine ? Parce que vous savez pas faire autre chose !
Son visage s'était teint d'une couleur rouge soutenue et ses narines frémissaient sous l'effet de l'émotion. Ery se releva, tentant de cacher ses larmes comme elle le pouvait.
_ Non arrêtez vous êtes ridicules ! C'est bon, vous vous êtes emportés tout les deux on en reste là !
_ MAIS TA GUEULE DRAYR !!! beugla Nylem les yeux exorbités l'air complètement dément.
Il s'apprêtait à assener un second coup de poing à Ery quand la moitié des copains lui tombèrent dessus pour le plaquer au sol. Nylem hurla, pesta, menaça ses assaillants mais aucun ne bougea.
Erywel partit en courant dans un éclat de chagrin.
_ Ben quoi t'as peur ? Tu pleures comme une fillette pas vrai ? C'est...
_ Ta gueule Nyl . dit froidement Drayr en lui enfonçant la tête dans le sable.
Des lames roulaient sur les joues du jeune pirate. Ces perles de tristesse était tout ce qui lui restait de la fillette qui s'éloignait en courant sur la plage de sable fin. Il était allé trop loin... Ery...



Les armes fouettaient l'air telle une danse funèbre, emportant par moment la vie des quelques âmes belliqueuses à l'origine du véritable carnage qui se déroulait sous les yeux de mouettes apeurées . Quelques hommes hurlèrent leur rage avant que leurs cris ne soit emportés par le vent. Dans ce chaos un homme à peine plus jeune que les autres se battait comme un beau diable, mouvant la lame de son cimeterre avec hargne, désireux de conserver sa vie ainsi que celle de ses amis. Ses cheveux humides collaient à sa peau et le sang maculait son visage, troublant sa vision mais n'entamant pas son courage, ils devaient survivre au moins pour se venger ! Ses mains moites tremblaient sur son pommeau, il n'avait pas le droit à l'erreur... quatre contre tous... chaque coup devait faire tomber un homme !
Au pied de Dwomaric les volontaires au combat tombaient par trois sous une bordée de juron. Nylem se mit à rire. En pareilles circonstance il restait égal à lui même ! Toujours le vieux bourru aussi perclus de rhumatismes que de bons conseils ! Toujours apte à croiser le fer malgré les ravages du temps. Cayv et Drayr lui lancèrent des regards apeurés, la situation n'était déjà pas brillante, il ne fallait pas que Nylem perde de la tête ! Les armes continuaient à s'entrechoquer dans un fracas métallique, ne laissant aucun répit au petit groupe de rescapés.

_ Quelle pute ta mère alors ! se mit soudain à jurer Drayr tendit qu'il plantait son arme dans le ventre d'un homme qui avait baissé sa garde.
_ En plus on est trop loin des îles... personne va nous prête main forte... rajouta Cayv aux prises avec un homme à la bedaine proéminente.
_ Ouais, elle nous a bien eu... Si on s'en sort je jure de lui faire goûter le tranchant de ma lame ! Et là on verra bien si elle sait se battre ou si elle a besoin de ses sbires pour lui tenir son épée ! Un sourire mauvais sur le visage il abattit sa lame sur la nuque de l'adversaire de Cayv qui s'écoula dans un bruit mat.
_ Hey mais c'était le mien !
_ T'es trop lent mon gars ! railla Nylem en lui adressant un clin d'œil.
Avant que le rouquin n'ai pu répondre la voix rauque de Dwomaric s'éleva.
_Taisez vous et concentrez vous ! On est pas en train de prendre le thé les garçons !

En même temps qu'il sermonnait ses alliés, un assaillant au visage tatoué bondit sur le capitaine du navire qui avait enfin un moment d'inattention. Tout se passa au ralenti, Nylem hurla de prendre garde à son père, l'homme lui jeta un regard entendu, tendit que Drayr et Cayv se retournaient pour regarder l'inévitable : Dwomaric tomba après avoir reçu par deux fois la lame de son adversaire dans le torse.
Nylem sentit le monde entier basculer autour de lui. Son père venait de tomber ! C'était impossible ! Il avait l'impression de ne plus contrôler ses actes, comme s’il était distant, replié au plus profond de lui pour se protéger de cette vérité si douloureuse. Il était mort et sa mère allait le lui payer cher ! Tout son corps s'agitait, animés de mouvements complexes aussi gracieux que mortels. Il ne comptait plus les morts, il n'y aurait qu'une personne qu'il pleurerait ce soir. Sa rage sanguinaire prit soudain fin quand une épée lui transperça la peau, il était tellement rongé par le chagrin qu’il ressentit à peine la douleur. Il ne s'attendait pas si tôt à cette fin mais qu'importe il se sentait soulagé, il allait rejoindre Dwomaric. Le sang coulait à flots de la plaie béante dans son abdomen. Il ne prit même pas le soin de la comprimer, il préférait que ça aille vite. Drayr et Cayv se battaient toujours un peu plus loin, Nylem aurait bien aimé leur faire ses adieux mais il n'en avait plus la force. Il sourit en repensant à toutes les péripéties qu'il avait vécu avec ses deux amis... Il restait moins d'une dizaine d'hommes, ils avaient une chance de s'en sortir. La vue de Nylem se troubla, il pencha doucement sur le coté et sa joue toucha soudain la proue du bateau. Petit à petit le noir se fit, les tumultes de la bataille s'éloignèrent...

...L'eau, de l'eau partout, le sel lui brûlait ses nombreuse blessures, plus d'air, juste de l'eau...
Le soleil réchauffe sa peau, une légère brise marine soulève ses cheveux, des bruits, beaucoup de bruits, des gens qui bougent autour de lui, tout est flou il ne comprend rien …
Plus de douleur, juste de la chaleur, tout s'est calmé, il est sur quelque chose de mou, tout est sombre, il n'arrive pas à ouvrir ses yeux...
Des voix, des gens parlent, ils sont loin, ce sont presque des murmures, c'est trop fatiguant de les écouter...

_ Jeune homme, jeune homme. murmura doucement une voix inconnue en lui tapotant le visage.
Soudain Nylem pris conscience que les bribes de souvenirs qui lui revenaient en tête n'étaient pas un mauvais rêve. Il n'avait pas envie de s'éveiller, il ne voulait pas être dans un monde où les rares personnes chères à son cœur n'étaient plus. La seule chose qui lui restait était la vengeance... Oui il se vengerait, son père l'en aurait sûrement dissuadé mais il n'était plus là... Emplit d'un sentiment nouveau, Nylem ouvrit péniblement les yeux. Il ne s'était jamais rendu compte à quel point ses paupières étaient lourdes !
_ Ah vous voilà enfin, nous commencions à perdre espoir et à croire que ces guérisseurs nous avaient arnaqués ! Mais j'en oublie les bonne manière ! Je me nomme Ray Fairban. Nous vous avons repêché à bord de notre navire alors que vous étiez bien mal en point... mais Eydis vous a souri et vous voilà ressuscité !
Nylem se demanda ce que Eydis pouvait bien à voir là dedans. Mais affaiblit comme il était, il ne pouvait pas se permettre de gaspiller sa salive. Déglutissant péniblement il articula lentement quelques mots.
_ P...pou ...pourquoi...S...sauvé ?
Surpris le dénommé Ray énonça les faits. Nylem ne put que faire une signe de négation avec la tête.
_ Oh vous voulez sûrement savoir pourquoi nous vous avons sauvé. Vous faisiez peine avec vos amis, nous avons vu presque toute la scène, seulement nous ne voulions pas d'ennui mais comme je vous l'ait dit Eydis vous a porté jusqu'à nous et nous avons pu vous sauver.
Nylem n'avait jamais vraiment compris ce sentiment de charité qui animait certaines personnes, lui même ne se serait pas donné la peine de repêcher un mécréant. Mais grand bien lui fasse ! Il était toujours en vie et ce gentilhomme en semblait ravi !
Le jeune pirate tourna la tête avec difficulté pour explorer les environs. Il était allongé sur un lit dans une chambre aux étoffes raffinées mais aucune trace de Cayv ou de Drayr.
_ Et les autres ? Sa langue semblait s'être déliée mais chaque mot lui demandait un tel effort qu'il aurait bien était incapable de faire une phrase complète.
_ Je suis navré mais nous ne savons pas comment s'est terminée l'affaire, nous avons mis les voiles avant que l'histoire ne tourne au vinaigre pour nous aussi !
Le jeune homme regarda par la fenêtre un oiseau prendre son envol. Il faisait un temps magnifique et pourtant tout lui semblait si fade...ses amis, les îles, tout lui semblait si inaccessible... Il regrettait à présent d'avoir survécu car tout était fini, il ne pourrait plus atteindre sa mère ...


Les mois s'était écoulés lentement , Nylem s'était complètement remis de ses blessures mais désœuvré et incapable de rentrer chez lui, il faisait les cents pas dans sa chambre comme un lion en cage.
Ses hôtes aussi attentionnés qu'aimants avait pris soin de Nylem comme de leur propre fils. Cependant le jeune homme ne s'en sentait nullement redevable, périr au combat était une belle mort et il n'aurait pas eut à subir l'humiliation de l'exil. Chez les pirates survivre à une bataille perdue était synonyme de lâcheté ! Il fallait se battre jusqu'à la mort coûte que coûte !
A présent il était un singulier parmi les autres, devant mener une journée de dur labeur pour vivre... Adieu la liberté et les pillages...
Nylem était amer. Les seules choses qu'il savaient faire de ses dix doigts allaient l'expédier directement au rang de rebut de la société alors que là bas... Là bas, ses exploits lui avaient valu le respect ! Il donna un coup de pied rageur dans un chat qui avait eu l'audace de trémousser ses moustaches dans sa chambre. La malheureuse bête feula avant de partir en courant la queue entre les pattes. Le jeune homme regarda avec amusement l'animal partir l'air indigné. Bientôt il pourrait partir, pour l'heure il fallait qu'il se prépare pour mettre son plan à exécution.

En effet tôt dans la matinée Ray était venu lui faire part de sa situation délicate. Les Fairbans était une vieille et grande famille de nobles mais à son grand malheur il avait eu deux filles et seulement un fils. Ce dernier s'était enfuit pour la capitale après avoir eu quelques différents avec son paternel. Le patriarche lui demanda donc d'aller chercher la brebis égarée pour la ramener au bercail. Nylem n'aimait pas jouer les bergers mais il accepta immédiatement au grand soulagement du quinquagénaire. Le jeune singulier préparait à présent ses affaires avec un sourire mauvais. Quelle belle bande d'imbéciles avec leurs croyances et leurs principes pompeux ! Il se disait altruiste ? Ben tiens ! Il croyaient quoi ? Qu'il allait lui ramener le fils prodigue après qu'ils lui aient détruit sa vie ? Ils avaient raison, ils allaient le leur ramener mais les deux pieds en avant dans un cercueil ! Nylem se réjouissait déjà de voir leurs visages larmoyant à la vue de leur poulain baignant dans une marre de sang ! Il allait leur montrer qu'Eydis était une plus grosse salope que sa mère !

Nylem ne ménagea aucune de ses montures, il traversa la moitié de Lanriel en un temps record laissant derrière lui les chevaux trop fatigués ou morts. La santé de l'animal lui importait peu, c'était un moyen de transport comme un autre et il trouverait toujours des voyageurs assez bêtes pour lui en fournir un nouveau. Mais cette précipitation ne le mena à rien car il lui fallut trois bons mois pour retrouver le petit Sendag chéri. Cet idiot avait réussi à dilapider la fortune qu'il avait pris à son départ en quelques jours. On racontait même qu'il avait contracté tellement de dettes qu'il était recherché par des gens peu recommandables. Sa trace était aussi facile à suivre que celle d'un dragon en plein centre ville ! Nylem se rendit vite compte que le tableau idyllique que lui avait établit Ray de son fils était bien loin de la vérité... Fauché et harcelé par la populace, le jeune noble n'avait eu d'autre choix que de s'engager en tant que simple soldat dans l'armé. Là encore il ne s'était pas fait que des amis avec son goût démesuré pour les jeux et l'argent. Il était à présent lieutenant et vivait dans un petit village à une cinquantaine de jour de marche de Cathaifal.
Nylem s'y était rendu et avait observé sa proie avec toute la patience dont il était capable. Ses investigations lui permirent de constater qu'il ramenait régulièrement chez lui des demoiselles plus pomponnées les unes que les autres. Elle étaient bien trop vêtue pour être des filles de joie mais répondaient à toutes ses boutades par un concert de gloussements. Exaspéré, Nylem avait été tenté un soir de leur envoyer un rocher à travers la figure quitte à foutre en l'air sa couverture ! Plus énervé que jamais Nylem était conscient qu'il n'avait toujours pas de plan et que cette bande de pintades bouffies allaient lui poser bien des problèmes...

Un soir alors qu'il gaspillait ses maigres finances dans une pinte de bière âcre, la chance lui sourit enfin. Sendag s'était assis à une table non loin de lui et s'apprêtait à passer commande.
_ C'est pour moi. dit Nylem en adressant un clin d'œil au jeune lieutenant.
_ Et qui dois-je remercier ? répondit le dénommé Sendag apparemment ravi à l'idée d'une consommation gratuite.
_ Je me présente, je m'appelle Nylem. Pour votre service. rajouta-il pompeusement, non sans une certaine ironie.
_ N'avez vous pas de nom Nylem ?
_ J'en ai eu des dizaines mais je n'en ai jamais gardé un assez longtemps pour le considérer comme mien. répondit le jeune homme, énigmatique.
_ Hey bien vous êtes une bien étrange personne mon ami ! J'aurais moi même préféré oublier le mien depuis longtemps mais que voulez-vous ? On ne se refait pas ! Mais j'en oublie les politesses, je m'appelle Sendag Fairban !
Nylem jubilait, les fruits ne tombaient jamais bien loin de l'arbre, Sendag était aussi stupide que son père !
_ J'ai un message pour vous, de la part de votre père...
Le lieutenant faillit s'étouffer avec sa bière sous l'effet de la surprise. Une fois la quinte de toux passée, les yeux larmoyants et rougis, il répondit avec brusquerie.
_ Si c'est pour me faire un sermon vous pouvez vous le mettre où je le pense !
Amusé de cette réaction, Nylem fit un incroyable effort pour ne pas exploser de rire. Cet idiot voulait passer pour une grosse pointure alors que le simple nom de son père suffisait à lui faire perdre ses moyens !
_ Quel est l'intérêt de vouvoyer quelqu'un si c'est pour l'insulter avec tant de classe ? susurra Nylem, jouant avec sa proie.
_ Tu vas voir ce que je vais te mettre !
_ En attendant essaye de comprendre ce que je vais te dire : ton père m'a fait quérir pour te ramener à la maison...
_ Jamais, tu entends ? JAMAIS ! hurla Sendag en abattant son poing sur la table.
_ Alors je crois que nous allons avoir un problème...
_ Je ne te le fais pas dire !
Avant que Sendag ait esquissé le moindre geste, Nylem avait déjà dégainé la dague de sa manche gauche et la tenait appuyé contre la gorge du militaire. Ses gestes étaient fluides et précis, aussi gracieux que mortels. Tuer était si facile, si agréable qu'il lui était à chaque fois plus difficile d'épargner quelqu'un.
_ Je vais t'expliquer comment ça va se passer : tu vas faire tes affaires, dire à tous tes collègues que tu pars et tu vas me suivre. Si jamais tu fais ne serait-ce qu'un faux pas tu es mort, compris ? lui murmura-t-il à l'oreille d'un voix suave.
Pris de panique Sendag acquiesça et suivit les consignes sans plus attendre. À l'aube les deux jeunes hommes partirent mais l'un d'eux ne revint jamais.

Deux hommes en armures rutilantes chevauchaient sous le soleil de plomb. Les bêtes avançaient péniblement, leurs souffles rauques troublaient le silence religieux qui s'était installé entre les cavaliers. L'homme en tête du groupe portait les armoiries de sa famille sur son plastron ainsi qu'une cape rouge vive qui signalait son rang de général. Le visage grave il avançait déterminé, ignorant les conseils de son lieutenant quand aux bienfaits d'une pause sur le moral des troupes. Les troupes voilà un bien vaste mots pour désigner les dix hommes qu'il avait sous ses ordres...
Le général Fairban ne l'entendait pas de cette oreille, pour lui le repos devait se mériter et la tâche qui leur avait été confiée était suffisamment ennuyeuse pour ne pas s'éterniser dans ce paysage désertique. Il lui avait été confié en personne de mener des troupes afin de négocier la paix avec un groupe de bouseux. Ces derniers, accablés par la famine et la chaleur, avaient sonné le glas de la révolution et  réclamaient la considération du roi.
Les soldats devaient seulement rassurer les populations et les aider, s'ils le pouvaient. Pour cela ils avaient ramenés de nombreuses victuailles, les militaires souffraient d'ailleurs de cette surcharge de poids et étaient impatients d'arriver au terme de leur périple.
 
Quand ils pénétrèrent dans le village les hommes en armes furent accueillis part des bordées d'injures et de crachats. Nylem n'avait jamais eu de sang froid et se demandait pourquoi on lui confiait une affaire diplomatique comme celle-ci. La tension était palpable, fatigués et assoiffés la plupart des hommes étaient au bout du rouleau et supportaient mal ce nouveau stress. La nourriture fut négligemment jetée par terre, comme une vulgaire pitance pour du bétail. Choqués et vexés par l'attitude des soldats, le ton monta vite du coté des villageois. Exaspéré par ces indigents, Nylem descendit de son cheval. Il s'approcha de la foule en rage d'un pas nonchalant.
 
_ Taisez vous ! Vous nous injuriez, vous nous humiliez, nous ! Nous qui sommes les représentants du roi ! Nous qui avons traversé une partie de Lanriel pour vous venir en aide ! Nous qui vous apportons la nourriture qui vous manque tant !
 
Son discours n'avait rien de rassurant : c'était une mise en garde aux allures de menace. Intimidée, la foule se fit un peu moins virulente. Le blasonné leur lança un regard méprisant. Ces gueux n'avait pas une once de courage dans les veines. À peine levait-il un peu la voix qu'ils faisaient déjà dans leurs frocs... S'ils s'étaient acharnés contre tous ces voyous de la sorte, ils auraient encore de quoi se nourrir ! Mais des soldats qui n'avaient pas le droit de les toucher, c'était bien plus facile ! Le général retourna vers ses troupes, le torse bombé , fier d'avoir mouché cette bande de bouseux. Les soldats ricanèrent, ravis de voir les indigents un peu plus rabaissés.
Soudain un bâton s'abattit avec vigueur sur l'épaule du dirigeant. Une silence de mort tomba alors sur l'assistance, plus personne ne trouvant la situation risible ou révoltante. Nylem tourna lentement la tête pour aviser son agresseur . Le coup ne l'avait pas fait souffrir avec son armure mais le général ne comptait pas se laisser ridiculiser de la sorte.
Une jeune homme qui avait tout au plus quinze printemps tenait fébrilement l'arme en bois apparemment terrifié par l'homme qui lui faisait face.
 
_ Laisse tomber petit, même avec une épée, tu ne serais pas de taille contre moi.
 
Il chassa avec répugnance le bâton qui était resté logé sur sa noble épaule avant de continuer sa route. L'arme fendit à nouveau l'air mais cette fois-ci Nylem était sur ses gardes. Il esquiva le coup avec une facilité déconcertante, attrapa d'un geste sec le bâton de l'adolescent avant de lui faucher les jambes avec. Le jeune homme n'eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait qu'il était déjà à terre. Nylem le fusilla du regard, il n'aimait pas qu'on le fasse répéter. Il jeta l'arme sur l'adolescent qui tentait déjà de se relever douloureusement. Le blasonné n'avait pas frappé fort, ce n'était qu'une mise en garde. Il ne voulait pas se battre avec un enfant, c'était rabaissant. D'autant plus que les gueux n'attendaient que ça pour se jeter à leurs gorges. Non pas qu'il ait peur d'eux, mais il préférait que cela ne finisse pas dans une marre de sang... Des bavures pareil ce n'était pas bon dans une carrière...
 
_ Non, vous n'avez pas le droit de nous traiter comme ça ! C'est justement nous qui produisons cette nourriture que le roi nous prend en tant que taxe pour le bon fonctionnement du royaume. Et donc pour ses armés ! C'est justement vous qui nous pillez un peu plus chaque jour ! Tout ça pour quoi ? Pour se faire traiter comme des animaux ? Vous n'honorez même pas votre devoir de protection, nous nous sommes déjà fait attaquer deux fois par des brigands !
 
C'était vraiment une mission de merde ! Nylem comprenait mieux à présent pourquoi tout le monde avait subitement disparu...Quel bande d'enflures, celle-là ils allaient là lui payer chère!
 
_ Écoute, si t'es si mal ici, ben casses toi ! Fais ta vie, rends toi à la capitale, y a un paquet de boulots pour les jeunes comme toi. Moi j'ai commencé dans le métier plusieurs années après toi, et je m'en sors pas mal...
 
_ Oui mais vous vous êtres un noble ! Pour vous tout est facile ! Et puis qui est-ce qui va s'occuper des plus jeune et des plus vieux si tous ceux qui peuvent travailler partent ?
 
Le blasonné ricana. Il avait pris son exemple car la fougue de l'adolescent lui rappelait sa jeunesse. Mais à présent il méprisait sa naïveté, bien sûr qu'il était plus difficile d'atteindre les hautes sphères de la société lorsqu'on était un cul terreux, mais cela n'était pas impossible si on avait les dents assez aiguisées …
Il se rappela le jour où il avait tué Sendag, quand sa lame avait transpercé sa peau.
 
Calme, Nylem voyait sa victime doucement se vider de son sang. Dans un dernier gargarisme la vie quitta le corps de Sendag. Le jeune homme, couvert du sang de sa victime se mis alors à rire, dément. Il jubilait de sa victoire, Ray allait comprendre ce qu'était la souffrance et l 'incertitude dont il avait affligé son existence. Plusieurs heures passèrent et l'ex-pirate resta là à regarder le sang ruisseler sur le sol. Il se sentait apaisé, vide, presque endormi. Il n'avait plus ressenti une telle quiétude depuis des mois.
Nylem ne sut jamais combien de temps il resta exactement à coté de ce corps sans vie avant d'avoir la force d'esquisser un mouvement. Avant d'avoir conscience qu'il pouvait encore bouger. Mais il eut tout le mal du monde à déshabiller Sendag dont les bras semblaient à présent plus durs que du fer. Son existence n'était plus remplie par aucun but, où allait-il aller, qu'allait-il faire ? Peu lui importait, il était déjà mort depuis plusieurs lunes avec les seules personnes qu'il avait aimé.
Dans un dernier sursaut de vengeance le jeune homme fit main basse sur tout : bourse, ceinture, bijoux, sac, lettre, tout ce qui pouvait avoir un quelconque intérêt pour humilier un peu plus sa victime. Une fois mis à nu et dépecé de tous ses biens, le défunt lieutenant fut laissé par terre, gisant dans une marre écarlate.
Nylem s'employa alors à usurper son titre, son rang, sa vie...guettant la mort de Ray qui serait la clef de voute de sa vengeance. Car une fois mort personne ne pourra plus faire le lien, un fois mort il trainerait le nom de sa famille dans la boue, une fois mort il serait encore plus riche et puissant qu'il ne l'était déjà.
 
Vexé, ne supportant plus ces affronts, le jeune homme fonça sur le blasonné dans un hurlement de rage. Celui-ci évita de nouveau l'arme de l'enfant. Sa garde était mauvaise, ses mouvements lents et il réfléchissait trop avant de frapper... Sans perdre une goutte de sueur, Nylem récupéra le bâton en bousculant son adversaire, trop léger sur ses appuis. D'un même geste, il abattit son pied sur le thorax de l'adolescent lui coupant la respiration. Un craquement sinistre lui fit comprendre que certaines côtes de l'enfant avaient cédés. Le croyant mort les villageois attaquèrent les soldats avec tous ce qui leur passaient sous la main. Fourches, couteaux, bâtons, cailloux... De pales illusions devant des épées bien aiguisées...
 
...Tout était rouge, la terre, les armes, les hommes, le ciel ... tout semblait vouloir rappeler la macabre bataille qui s'était déroulée ici... Une vrai tuerie... Tout un village... Les femmes s'y étaient même mises périssant sur les cadavre de leurs maris... Les rares enfants qui avaient survécu à la famine courraient dans les rues pour se cacher mais se faisait happer par une lame... La rage des hommes avait encore tout détruit...
 
Dans les papiers on ne fit pas état de l'attitude des hommes d'arme, juste de la violence des paysans.