Qu'est-ce que la force d'un homme face à la fureur d'une déesse? (Pv Aislin)

Depuis quelques jours, elle évoluait seule, et avait été soudainement frappée par la rigueur du temps. Elle avait marché longtemps ce jour-là. Il lui semblait ne plus sentir aucun de ses membres. Un vent glacé pénétrait ses vêtements et mordait sa peau. L'hiver n'était pas supposé durer si longtemps. Et pourtant, c'était le cas, et à chacun de ses pas elle pouvait sentir la colère d'Eydis se déchaîner contre les hommes. Elle avait été habituée au froid, et le supportait parce qu'avec lui venait la perspective du printemps prochain. Mais à présent, plus rien n'était prévisible. La rude saison pouvait s'achever dans quelques jours, quelques mois, ou même se poursuivre indéfiniment. Elle ignorait combien de temps elle serait en mesure de tenir. Même sa cape la plus chaude ne suffisait plus à la protéger des rigueurs du climat. Le cheval qu'elle s'était procuré quelques temps auparavant n'y avait pas survécu, et elle était depuis contrainte à la marche. L'exercice physique la réchauffait un peu et l'empêchait de se laisser totalement emporter par le froid. L'important était de ne surtout pas s'arrêter. Elle se félicitait d'avoir eu la présence d'esprit de prendre (ou plutôt de voler) cette paire de chaussures laissée à la porte d'une maison. Le cuir la protégeait de l'humidité. Ses mains, en revanche étaient la partie de son corps qui la faisait le plus souffrir. Des crevasses et des plaies s'y étaient formées, en particulier autour de ses ongles. Mais jamais elle ne se plaignait, consciente qu'elle était loin d'être la seule à souffrir. La folie des hommes les avait contraints à une situation des plus pénibles. Les sédentaires qui vivaient de récoltes étaient sans doute parmi les plus touchés. Car, si un jour ces intempéries s'achevaient, il y avait fort à parier que la famine y succéderait. Leur seul espoir était de parvenir à apaiser la colère de la Déesse.

Pour la première fois depuis bon nombre d'années, Lumen n'aspirait qu'au confort d'un bon feu dans un intérieur douillet, elle qui pourtant ne supportait pas d'être enfermée où que ce soit. Mais il devenait de plus en plus difficile de subsister en dormant à l'extérieur. La nourriture, l'eau, les soins étaient rares et bientôt, elle en manquerait. Il lui fallait s'abriter au plus vite afin de ne pas passer la nuit dehors. Le froid devenait bien trop rude. Le lieu le plus proche se trouvait être l'Auberge de la Colombe. Le clerc qui la tenait accepterait sans doute de l'héberger pour la nuit, du moins l'espérait-elle.

Il lui fallut une ou deux heures pour y parvenir. Elle avait cru ne jamais pouvoir y arriver. Elle était si épuisée qu'elle était surprise de pouvoir encore tenir debout sur ses deux jambes. Mais elle ne pouvait s'écrouler si près du but. Bientôt elle aurait la possibilité de se défaire de ses hardes humides et de pouvoir enfin se sécher un peu. Elle avait de plus en plus de difficultés à avancer, mais parvint malgré cela, à arriver à bon port. elle fut accueillie par le tenancier de l'auberge, qui lui apporta une sorte de liqueur. Peu habituée à ce type de breuvage, elle toussa, mais sentit néanmoins une douce chaleur l'envahir. Il semblait y avoir davantage de voyageurs que d'ordinaire. En effet, en ces temps troublés, beaucoup se réunissaient autour des temples et sanctuaires afin d'honorer de leur mieux la déesse en colère, espérant ainsi obtenir son pardon. Comme toujours, elle se tenait le plus possible à l'écart, afin de ne pas attirer les regards sur elle et peu encline à se montrer sociable.

Il lui fut indiqué une chambre où elle pourrait tranquillement passer la nuit. Elle eut enfin l'opportunité de troquer ses vêtements humides contre d'autres, secs et put même se laver grâce à une cuvette d'eau qui lui fut apportée. Elle se sentit immédiatement bien mieux. Elle réalisa alors à quel point elle se sentait épuisée. Sans attendre, elle se glissa sous les draps et s'endormit, sans oublier de laisser la porte ouverte. Jamais elle n'aurait pu supporter de demeurer dans un espace clos sans se laisser envahir par la peur. Elle plongea dans un profond sommeil.

Elle fut réveillée le lendemain par une sensation de faim qui la tenaillait. Elle se leva et descendit. Elle put enfin dégusté un repas chaud, qui la raviva et lui redonna des forces. Elle aurait souhaité ne pas rester davantage. Elle n'aimait pas demeurer trop longtemps quelque part, et de plus n'avait que peu d'argent sur elle. Mais un coup d’œil vers l'extérieur la convainquit qu'il lui serait plus sage de rester quelques temps du moins. Ce qu'elle avait traversé pour parvenir jusqu'ici lui suffisait. Elle attendrait que le temps se calme un peu.

Une fois son repas terminé, elle se leva et se dirigea vers la fenêtre, observant la fureur d'Eydis s'acharner contre la terre. Elle ne semblait pas se lasser d'observer la tempête s'abattre, inlassablement. Puis, quelque chose attira son attention, ou plutôt quelqu'un. Elle crut reconnaître dehors une silhouette connue. Elle sortit de l'auberge, malgré qu'elle ne soit pas suffisamment couverte pour affronter le froid et marcha à sa rencontre.

Aislin était allée en Occident Lointain pour accomplir un contrat. Elle avait été engagée pour aider des gardes à escorter quelques prisonniers à la Ferme Prison de Wlad Hud. Loin d’être une partie de plaisir la mission avait réservé quelques mauvaises surprises et Aislin avait été des plus soulagées qu’elle se termine.

Le mauvais temps avait accentué chacune de leurs difficultés, entravant leur marche tandis que le froid se faisait si intense qu’il en devenait brûlant. Sur le trajet de retour Aislin maugréait dans sa barbe inexistante, culpabilisant une fois encore de ne pas avoir pris le temps de participer à la fête d’Imbolc.

Son soulagement fut intense lorsqu’elle parvint enfin à Tearmainn. Elle n’avait jamais eu aucun problème dans cette région et l’idée que les créatures les plus dangereuses ne risqueraient pas de s’en prendre en elle la rassura. Il était déjà difficile de lutter contre le froid et Aislin sentait bien que si Ysves n’était pas là pour lui prêter sa chaleur elle n’aurait pu survivre encore longtemps. Elle tourna le regard vers la jument et se mordit la lèvre inférieure, soucieuse à l’idée qu’elle ait encore longtemps à souffrir du mauvais temps. Elle tapota affectueusement l’encolure et l’animal souffla un peu plus fort.

- Ma pauvre, murmura-t-elle, nous aurons bien de la chance si nous arrivons à nous en sortir sur ce coup là…

Aislin fut surprise par sa propre voix, encore plus rauque qu’à son habitude. Elle savait qu’elle énonçait une simple vérité. Avec le printemps qui tardait à venir et les intempéries qui se faisaient chaque jour plus rudes, elle avait commis une pure folie de vouloir regagner seule le Refuge. C’était tout simplement suicidaire. Elle aurait du voyager avec quelqu’un. Mais elle n’avait pas pu se résoudre à rester plus longtemps à la Ferme Prison, Aislin haïssait cet endroit.

Essayant de reprendre courage elle mit la main en visière et scruta attentivement l’horizon. Son cœur se serra de joie lorsqu’elle vit les premières bâtisses. Elle manqua de chavirer quand la vue tant attendue de l’Auberge de la Colombe arriva enfin. Chancelante elle s’arrêta soudainement et la jument se stoppa docilement derrière elle. Elle prit le temps d’observer l’auberge. Cette grande bâtisse solide était tenue par des membres du clergé. Aislin y avait déjà fait halte à quelques reprises et savait qu’on y était toujours bien accueilli.

Elle reprit sa marche à pas lents, elle y était presque, ce n’était pas le moment de flancher. Lorsqu’elle entra dans l’écurie, le palefrenier resta un moment interdit. Il finit par réagir et s’occupa enfin de la jument. Connaissant la qualité du service Aislin le laissa faire en se contentant de l’observer. Lorsque ce fut fini la rôdeuse sortit et prit le chemin de l’entrée principale.

Elle se sentait vaseuse. Une silhouette assez peu vêtue se précipitait vers elle. Elle jeta un regard horrifié à la femme qui lui faisait face.

- Par Eydis Lumen ! Es-tu folle ? Tu vas mourir de froid ! parvint elle à articuler en saisissant le poignet de la rôdeuse.

Il lui sembla soudain urgent de rentrer, elle se sentait devenir incohérente. Elle bredouilla encore quelque chose avant de s’effondrer dans les bras de son amie. Se sentant en sécurité elle lâcha prise et perdit conscience.

Partout les étendues blanches s'étalaient au loin. Elles auraient pu être admirées si elles n'avaient pas été synonymes de tant de maux. Elle ignorait combien de temps tout ceci allait durer. Nul ne le savait, et seule Eydis possédait le pouvoir de tout arrêter. Qu'elle puisse pardonner aux hommes, qui avaient si mal agi. Elle n'était pas plus innocente que les autres. À cette période, elle n'avait pas vu la fête d'Imbolc comme l'une de ses priorités. Elle le regrettait à présent, mais il était trop tard. Son impiété, ainsi que celle des hommes, était punie, et bien cruellement. Sa seule ambition désormais était de survivre à cette vague de froid, et tenter comme elle le pourrait de racheter sa conduite. Ses pensées divaguaient. Elle songeait à présent à ceux qu'elle avait connu, aux rôdeurs avec qui elle avait vécu. Voyager seule avait été une terrible erreur en ces temps troublés. Elle avait manqué de périr, et il était possible qu'elle n'ait pas autant de chance la prochaine fois. Le froid était un terrible ennemi, bien difficile à fuir.

Ses pensées furent interrompues par cette fameuses silhouette. S'agissait-il réellement d'elle ou n'était-ce qu'une illusion provoquée par cette solitude soudainement bien pesante ? Elle n'aurait osé le dire. Sans prendre le temps de la réflexion, elle était sortie de l'auberge par l'entrée. Elle avait l'air aussi épuisée qu'elle l'était elle-même la veille lorsqu'elle était arrivée ici. Elle resta immobile, observant. Il semblait qu'elle venait des écuries, où elle avait probablement dû déposer son cheval, si elle avait eu la chance qu'il ait survécu. Elle n'eut aucun mal à la reconnaître. Aislin. Elle se précipita alors vers elle. Depuis combien de temps ne l'avait-elle pas vu ? Elle n'eut nullement besoin de l'interpeller car la rôdeuse l'aperçut et l'identifia sans peine.

Elle s'exclama en la voyant arrivée ainsi, si peu vêtue alors que le froid faisait rage, et il était vrai que Lumen commençait à le ressentir. Mais elle n'eut guère le temps de lui répondre, car Aislin semblant affaiblie par le froid, perdit alors connaissance sous ses yeux. Elle se précipita sur elle et appela à l'aide aussi fort qu'elle le put, sachant que jamais elle ne pourrait la transporter seule à l'intérieur. Heureusement, elle fut entendue, et immédiatement le tenancier de l'auberge sortit. Voyant la situation, celui-ci vint à son secours et l'aida à transporter la jeune femme. Elle fut allongée sur un sofa, près du feu.

Lumen l'observait. Elle ne semblait pas en grande forme. Le feu lui ferait le plus grand bien, mais il valait mieux qu'elle se réveille rapidement. Le froid était décidément meurtrier. Au moins ici elle ne risquait plus rien. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'elle ne tomberait pas malade. Elle résolut de rester prêt d'elle le temps qu'il faudrait pour qu'elle se réveille. Tout aurait été plus facile sans cette vague de froid. Mais le gel empêchait les plantes de pousser. Sans plante, elle ne pouvait entretenir les réserves qui lui servaient à fabriquer ses remèdes. Sans les quelques revenus qu'elle en tirait et qui l'aidaient à subsister, elle avait pris le parti de voler lorsque cela était nécessaire. Malgré cela, le peu d'argent qu'elle possédait s'amoindrissait de jour en jour. Une situation qui devenait réellement inconfortable en ces temps troublés.

Elle regarda Aislin plus attentivement. Combien de fois avait-elle supporter son caractère aussi changeant qu'imprévisible ? Et pourtant, malgré les changements d'humeurs qu'elle lui faisait subir, Lumen l'aimait bien, mais sans jamais le lui dire. Elle n'aurait pas voulu la perdre, pour rien au monde. Elle était malgré tout devenu quelqu'un qui comptait pour elle.

Elle prit le parti de lui passer de l'eau sur le visage, espérant que ça l'aiderait à reprendre totalement conscience. Lorsqu'elle vit ses yeux s'ouvrir, elle fut soulagée, et un mince sourire se dessina sur son visage.

« Bon retour parmi nous. »

Aislin rêvait. Si une seule chose pouvait ressortir de cet amas d'images qui s'imposaient à elle sans aucun sens ou logique apparent c'était bien la conclusion qu'elle rêvait. Ou bien qu'elle cauchemardait, c'était au choix.

Le visage de Jullanar lui apparût et la rôdeuse sentit son cœur faire un bond. La sorcière du Premier Ordre était chère à Aislin et elle tenta péniblement d'attirer son attention afin qu'elle lui vienne en aide. Pourtant aucun son ne sortait de sa gorge et la jeune femme ne put qu'observer les traits de son amie s'assombrir avant que son visage ne disparaisse à sa vue. Il fut bientôt remplacé par celui d'un autre rôdeur. Songer à Accolon plongeait toujours Aislin dans le même imbroglio de sentiments contradictoires. Affection, colère, culpabilité se mêlaient sur un fond d'amertume et la rôdeuse grogna. L'instant fut bref cependant et une seconde plus tard une autre figure de son passé s'infiltrait dans son esprit. De nombreuses personnes défilèrent pendant ce qui lui parût une éternité et même Scarlett, sa dernière patronne en date, fit une incursion dans ses pensées.

A chaque fois Aislin ne pouvait être autre chose qu'une spectatrice impuissante. Le visage de Lumen lui apparût à son tour et elle se remémora en quelques secondes ce qui l'avait conduite jusqu'à ce point. L'autre rôdeuse semblait la voir et Aislin en ressentit un soulagement intense. Elle eut la sensation de quelque chose de mouillé sur son visage, pleurait elle ? Lumen parlait mais Aislin ne saisit pas immédiatement ce qu'elle disait. Les mots s'imposèrent peu à peu et elle comprit qu'elle ne rêvait plus, Lumen était bien là et ce qu'elle sentait sur son visage n'était pas des larmes mais un chiffon humide.

Choquée elle ne put réagir immédiatement. Elle laissa son amie s'occuper d'elle en silence. Elle avait probablement eu de la fièvre pensa-t-elle avant de réaliser enfin combien elle était passée près du trépas. Aislin adressa un pauvre sourire à Lumen avant de grogner sous le léger tiraillement de ses lèvres craquelées, une coupure s'ouvrit et une goutte de sang perla. Sa gorge commenca à la piquer et elle comprit qu'elle avait soif. Depuis combien de temps était elle couchée ainsi ? Elle toussa douloureusement pour dissiper sa gêne et tenta de parler.

Sa voix éraillée était encore plus rauque qu'à son habitude.

- Merci Lumen. parvint elle à articuler.

Elle vit le soulagement se peindre dans les yeux de son amie et lui adressa un nouveau sourire légèrement sanguinolent.

Leur relation était complexe mais Aislin ne doutait pas de pouvoir avoir confiance en elle. Elle faisait partie de l'expédition qui avait fait un arrêt dans l'auberge tenue par la famille de la jeune fille et il n'avait pas fallu longtemps avant qu'ils ne comprennent ce qui se tramait et qu'ils mettent au point un plan pour la libérer. Ceci étant dit le plan avait été des plus basiques puisqu'il ne s'était agit que d'attendre la nuit pour venir à son secours. Aislin faisait donc partie des quelques rares personnes à connaître la petite particularité de l'autre rôdeuse et avait toujours manifesté à ce sujet plus de compassion que de terreur. Elle comprenait pourtant les sautes d'humeur de Lumen à son égard. Il n'était facile pour personne de savoir qu'autrui savait tout de ses faiblesses, des instants les plus humiliants et terribles de sa vie.

Elle espéra que la change forme comme elle l'appelait en son fort intérieur saurait déceler la sincérité dans sa voix car pour l'instant elle ne se sentait pas capable d'ajouter quoi que ce soit...

Elle avait longuement veillé Aislin, et ne comptait pas la quitter avant de s'être assurée que celle-ci allait bien. Elle n'était pas toujours juste avec elle. Elle savait que la rôdeuse lui avait sauvé la vie, il y avait de cela quelques années déjà. Mais elle savait aussi que cela impliquait qu'elle connaisse son secret, chose que Lumen avait parfois de la difficulté à supporter. Elle parvenait à se montrer amicale avec elle, et d'autres fois, c'était tout simplement au-dessus de ses forces. Il lui semblait alors qu'Aislin n'éprouvait rien de plus que de la condescendance, de la pitié à son égard. Tout ce qu'elle faisait pour se rapprochait d'elle l'insupportait alors. Ce n'était pas non plus pour plaire à ce qui vivait en elle, et qui influençait ses réaction. Elle se montrait particulièrement lunatique, et il était impossible de prévoir si elle se montrerait sympathique ou hargneuse. Et pourtant, elle avait de l'affection pour elle. Elle savait qu'elle éprouverait de la tristesse et de la douleur si elle devait la perdre. Malgré ses changements de comportement incessants, la rôdeuse avait toujours été un pilier sur lequel elle savait pouvoir compter. Aussi, elle prenait un soin particulier à s'occuper d'elle. Elle regrettait que les réserves qui lui servaient à exercer son activité de guérisseuse soient pratiquement vides. Elle craignait que les secours qu'elle puisse lui apporter ne soient que trop minces. Elle tentait malgré tout de ne pas se laisser envahir par la peur de la voir périr par le froid qu'elle avait enduré. Il lui fallait conserver tout son calme si elle désirait la veiller correctement.

Elle avait l'impression de n'être qu'impuissante. Elle tentait de faire son possible pour faire baisser la fièvre, à l'aide d'un torchon humide. C'était le plus crucial. Si elle tombait, ou si Aislin se réveillait, alors elle se sentirait bien plus tranquille. Durant tout ce temps, elle ne cessait de sentir la Bête s'agiter en elle. Elle détestait la rôdeuse qui connaissait son existence. Être connue la rendait vulnérable, car cela impliquait que l'on puisse atteindre Lumen. Cette dernière l'ignorait, et tentait de la museler. Elle ne lui laisserait pas avoir de l'emprise sur elle, pas maintenant.

Puis, lorsqu'elle vit que la malade avait ouvert les yeux, et mieux, qu'elle semblait l'avoir reconnue, elle ne put retenir un sourire de soulagement. L'entendre parler la rassura encore davantage. Elle semblait recouvrer ses esprits, ce qui était très bon signe. Elle l'entendit tousser, puis, lorsqu'elle parla, sentit que sa gorge était irritée. Elle prit un pot en terre cuite qui contenait de l'eau, qu'elle versa dans un verre. Puis, elle s'assit près d'elle, et soulevant délicatement sa tête, elle l'aida à boire.

« Tu n'as pas à me remercier. Ne t'agite pas surtout. »

Puis, elle reposa le verre à sa place, et plaça sa main droite sur le front d'Aislin.

« Tu m'as l'air d'aller beaucoup mieux. Tu as eu beaucoup de chance. »

Par les temps qui courent, il était sans doute bien trop dangereux de s'aventurer au dehors. Mais ce n'était pas dans leur nature, ni à l'une, ni à l'autre, de demeurer enfermée. Elles étaient faites pour la vie de nomade. Elle aurait volontiers l'aurait volontiers questionnée sur les raisons qui l'amenaient jusqu'ici, mais jugea raisonnable de ne pas le faire. Elle n'était pas en état de tenir une conversation, et le repos devait être privilégié.

Elle se montrait bien plus bavarde que d'ordinaire, elle qui devant tout autre serait restée muette comme une carpe. Mais Aislin n'était pas n'importe qui, et elle avait eu bien trop peur de la perdre pour se montrer distante envers elle.

« Si tu as faim, je peux demander quelque chose à l'aubergiste. »

Elle ne songeait sans doute pas à manger en cet instant, mais après avoir longtemps marché dans le froid et la neige, un peu de nourriture serait bon pour la fortifier.

Le verre d'eau lui fit du bien et Aislin se redressa un peu sur les oreillers. Elle ferma doucement les yeux sous la caresse de la main fraîche de Lumen sur son front et les ouvrit à nouveau lorsque la rôdeuse lui dit qu'elle avait eu de la chance.

- J'en suis bien consciente , soupira-t-elle, si tu ne m'avais pas aperçue...

Elle acquiesça avec reconnaissance lorsque Lumen suggéra de lui faire monter à manger et lui adressa un nouveau sourire. L'autre rôdeuse était bien plus loquace qu'à son habitude et Aislin comprit qu'elle devait cet honneur à l'inquiétude que l'autre femme avait éprouvé à son égard et lui jeta un regard tendre.

Elle se racla la gorge pour rendre sa voix moins rauque mais une nouvelle quinte de toux l'empêcha de parler tout de suite. Une fois calmée elle reprit la parole.

- Qu'est-ce qui t'a amené dans une région aussi éloignée par ce froid? interrogea-t-elle, consciente que Lumen était parfaitement en droit de lui retourner la question.

Elle observa les traits tirés de Lumen sans toutefois savoir si elle devait les attribuer à la rigueur d'un voyage par ce temps où à la lutte constante qui l'opposait à la bête qui sommeillait en elle. Aislin se retint de lui adresser un regard plein de compassion, elle avait bien compris que ce genre de manifestation indisposait Lumen.

Un moine les interrompit avec un plateau repas. Il fut bientôt suivit par le religieux qui tenait l'auberge. Celui-ci était venu s'enquérir de la santé d'Aislin qui était déjà venue à plusieurs reprises et avait parfois rendu service. Elle le rassura son état d'une voix murmurante et soupira de soulagement lorsqu'il referma doucement la porte derrière lui. La compagnie de l'homme ne l'indisposait pas, tout au contraire, mais Aislin se sentait trop faible pour faire des mondanités, chose qui n'était déjà pas son fort en temps normal. Elle adressa un sourire complice à Lumen qui partageait avec elle le goût de la solitude.

- Cela fait longtemps qu'on ne s'était vu, dit elle, as tu des nouvelles fraîches du Refuge?

Aislin adorait cet endroit qui était pour elle ce qu'il y avait de plus proche d'une maison. De nombreuses personnes qu'elle affectionnait y séjournaient régulièrement et c'est là -bas qu'étaient prises en concertation les décisions générales qui affectaient leur peuple. Elle se souvint avec émotion de la première fois qu'ils y avaient mené Lumen en lui faisant promettre de garder le secret de son emplacement. Ce lieu était un véritable sanctuaire pour tout rôdeur et il leur avait semblé important que la jeune femme en eut connaissance. Ce fait plus que tout autre lui démontrait qu'à leurs yeux elle faisait partie des leurs.

Le souvenir la rendait toute chose, et lui rappela comment elle-même y avait été conduite par ses parents alors qu'elle n'était qu'une adolescente, presque encore une enfant. Cela faisait partie des grands moments dans la vie d'un rôdeur.

Elle adressa un nouveau sourire à Lumen. Le repas et la boisson lui avait rendu des forces et cette fois ses lèvres n'en pâtirent pas. Un fourmillement parcourut ses jambes, elle avait déjà hâte de se lever.

Lumen eut le sentiment qu'un énorme poids lui était ôté. Aislin était tout à fait consciente à présent, elle n'avait que peu de difficulté à parler, et elle semblait reprendre des forces à vue d’œil. Leur relation semblait totalement apaisée. Il était rare pour elle de montrer aussi directement son affection, en particulier entre Aislin, envers qui elle pouvait parfois se montrer très dure. Mais elle était si soulagée qu'elle aurait été bien incapable d'avoir un comportement désagréable. Son seul désir à présent était de s'assurer que son amie se remettrait bientôt de cette mésaventure.

« L'essentiel maintenant est que tu te reposes et que tu t'en sortes. »

Aislin anticipa toutes ses interrogations en lui demandant la première ce qu'elle faisait dans les environs, question tout à fait légitime.

« Je n'avais pas réellement prévu de me retrouver ici. À vrai dire, je me suis laissée surprendre par le froid. J'ai erré un bon moment avant de trouver un abris ici. Et toi, es-tu venue ici dans un but précis ? »

Elle avait du mal encore à mesurer le hasard qui les avait fait toutes deux se retrouver dans une contrée aussi reculée. Elle en était heureuse. Pour la première fois depuis bien longtemps, elle s'était sentie terriblement isolée, dans ce froid, entourée de tant de neige. Elle avait espéré rencontrer quelqu'un qu'elle connaissait, et avec qui elle pourrait partager sa route. Elle réalisait maintenant à quel point la rôdeuse lui avait manqué. Ne pas avoir de compagnie lui avait pesé, en particulier lorsque le froid avait réellement commencé à l'affaiblir. Cet hôte qu'elle gardait en elle avait eu peu à peu le champ plus libre. Plus elle était épuisée, et plus elle se montrait impulsive, agressive. Bien que savoir que quelqu'un connaissait son secret soit parfois difficile à supporter, le fait de n'avoir personne avec qui le partager l'était encore plus. Elle avait l'impression d'avoir passé les dernières jours à se battre constamment.

Puis, Aislin lui demanda des nouvelles du Refuge, ce lieu tenu secret et que Lumen avait connu par son intermédiaire. Elle se rappelait encore la première fois qu'elle l'y avait conduite. Elle ne l'avait pas avoué à voix haute, mais elle en avait ressenti de la fierté et du réconfort. Enfin, elle avait eu le sentiment d'appartenir à un groupe, une famille bien différente de celle qu'elle avait connu jusqu'alors.

« Malheureusement non, je n'y suis plus retournée depuis que l'hiver s'est abattu. » A l'évocation de cette saison si difficile, et qui semblait ne jamais s'achever, elle soupira. « Nul ne sait combien de temps encore Eydis jugera bon de nous faire subir sa colère. »

Voir sa compagne manger de si bon appétit sut lui redonner le sourire. Elle ignorait de quelle manière elle aurait réagi si celle-ci était morte sous ses yeux, et aimait mieux d'ailleurs ne pas avoir à y penser. Constater qu'elle reprenait des forces était d'un grand réconfort pour elle. Elle remarqua qu'Aislin semblait plus agitée, probablement impatiente d'être sur pieds.

« Tu as l'air d'aller bien mieux, mais il vaut peut-être mieux que tu te reposes encore un peu, avant de te lever. Tu marcheras bien assez tôt, d'autant plus que je ne pourrai me permettre de rester ici bien longtemps. »

Elle l'avouait sans peine, le contenu de sa bourse fondait comme neige au soleil. Il ne s'agissait pas d'un sujet de discussion qui heurtait son orgueil. Le manque d'argent était courant pour une rôdeuse. La solution la plus simple aurait été de le voler, mais dans un lieu si isolé, cela lui semblait plutôt compromis.

Aislin hocha la tête au petit discours de Lumen et soupira en apprenant qu'elle n'avait aucune nouvelle du Refuge. La rôdeuse y était très attachée et aimait savoir comment les choses se passaient là-bas. Elle sursauta lorsque Lumen lui toucha un mot de ses problèmes financiers et s'empressa de la rassurer.

- Je suis en Occident Lointain pour des raisons professionnelles. Il fallait quelqu'un pour aider des soldats à escorter un convoi de prisonniers jusqu'aux Fermes Prisons. expliqua-t-elle. Je n'aime pas vraiment trainer là-bas mais en cette période de froid et de pénurie de main d'oeuvre les autorités payent correctement les mercenaires pour faire ce genre de boulot... En revanche j'ai été imprudente en voulant repartir immédiatement et le froid ne m'a pas bien réussi...

Doux euphémisme, pensa-t-elle intérieurement en songeant à la manière dont elle avait échoué dans les bras de Lumen. Mais la rôdeuse n'avait jamais pu supporter l'atmosphère de ces dures prisons et ce qu'elle y avait vu cette fois l'avait grandement alarmée en plus de la mettre mal à l'aise. Les prisonniers peinaient à la tâche dans des conditions atroces et en mourraient parfois mais la production de nourriture était rendue difficile par le climat rigoureux. Aislin avait constaté de ses propres yeux qu'un famine risquait de s'abattre sur la capitale.

- Tout cela pour te dire que j'ai suffisamment d'argent pour payer notre séjour ici à toutes deux, ne t'inquiète donc pas de cela. reprit elle à l'adresse de son amie. En revanche nous avons à nous inquiéter sérieusement de ce que nous allons manger dans les prochains mois... J'ai pu constater de visu que leur production était très inférieure à celle des autres années. Le Refuge a généralement des réserves de nourriture pour les rôdeurs qui en ont besoin je pense que nous aurions avantage à nous y rendre rapidement, tu n'es pas sans savoir que les gens ne sont pas très partageurs avec les nôtres... Passer du temps au Refuge nous permettrait de survivre en cette période troublée.

Aislin pensait réellement ce qu'elle disait, une rôdeuse comme elles ne pourrait que difficilement se procurer de quoi manger sans voler et le Refuge portait bien son nom. Dans ces temps troublés on pouvait s'y réfugier et y être protégé, parfois même aimé... Elle jeta un coup d'oeil à Lumen pour voir ce qu'elle pensait des nouvelles catastrophiques qu'elle lui donnait et observa le visage amaigrie de son amie. Aislin ne doutait pas qu'elle avait probablement passé beaucoup de temps dans la solitude ces dernières semaines et que les rudes conditions climatiques avait affaibli ses défenses face à la bête. La rôdeuse se demanda si son amie s'était finalement laissée aller dans le secret des bois.

- Je dois aller à Mhian Dhiaga à la cité des dragonniers pour remplir mes dernières obligations mais nous pourrions nous retrouver là bas si l'idée te tente... J'ai de toute façon prévue d'y aller.

Aislin était sincère dans sa proposition. Elle aimait la compagnie de Lumen et s'inquiétait d'imaginer la rôdeuse seule dans le froid. Le Refuge était suffisamment vaste et éloigné de la civilisation pour que tout le monde puisse y avoir ses moments de tranquilité...

Ne pas avoir de nouvelles du Refuge lui causait autant de peine qu'à Aislin. Il s'agissait du seul lieu qu'elle ait jamais considéré comme sa maison, cet endroit où elle se sentait réellement chez elle. Elle n'exprimait jamais à voix haute tout ce que cela pouvait représenter pour elle, un lieu, un foyer qu'elle n'avait jamais eu, une famille. Elle ne montrait pas non plus à quel point elle s'y plaisait, et seul un œil averti aurait pu le percevoir. Elle supportait de moins en moins cet hiver qui semblait sans fin. Aujourd'hui, elle avait manqué de perdre Aislin. Qui sait si cela n'arriverait pas, une fois de plus ? Et qui perdrait-elle cette fois-ci ? Keidilind, peut-être. Ou n'importe laquelle des rares personnes auxquelles elle était attachée. Non, elle ne pouvait ne serait-ce que concevoir une telle chose.

Enfin, Aislin lui raconta ce qui l'avait amenée en ces lointaines contrées. Ce travail ne devait rien avoir eu d'agréable du point de vue de Lumen, mais en ces temps si difficile, elle-même l'aurait accepté si on le lui avait proposé. La survie venait avant toute autre chose, ou presque. La rôdeuse sut d'ailleurs la rassurer sur la question financière. En effet, la jeune femme se voyait assez mal fuir dans ce froid, et en une telle période, il aurait été difficile de négocier avec l'aubergiste tant l'argent avait pris de la valeur. Elle n'était pas assez attachée à la question pécuniaire pour se sentir gênée de se faire entretenir ainsi. L'argent n'était à ses yeux qu'un moyen de survie, et non pas une fin en soi. Elle se sentit tout de même reconnaissante à l'égard de son amie qui la tirait d'une bien mauvaise situation.

« Je te remercie. Pour être honnête, j'ignore comment j'aurais pu payer mon séjour ici sans ton aide. Malheureusement, la saison ne m'a pas permis d'assurer mes arrières. » Son amie avait raison. Plus le temps passait, et plus il devenait difficile de trouver à se nourrir. Elle craignait que bientôt, les choses ne s'aggravent encore. Elle acquiesça à ses propos d'un hochement de tête. Rester ici n'était pas une solution qui devait être permanente. Il s'agissait d'un lieu reculé, où les réserves de nourriture s'épuisaient à vu d’œil. Elle craignait que bientôt, la pénurie ne s'associe à l'aggravation de l'hiver, ce qui les conduirait immanquablement à mourir de faim.

Se trouver au Refuge la réconforterait un peu, la soulagerait du long voyage qu'elle avait enduré. La solitude lui paraissait de plus en plus pénible au fur et à mesure des semaines qui passaient. L'idée de passer le reste de l'hiver là-bas la soulageait. Du moins, si ce fameux hiver avait un jour une fin.

« Tu as probablement raison, seul le Refuge nous offrira un abris certain, en espérant que cette rude saison se termine un jour. Mais je te conseille de te reposer au moins un ou deux jours avant de repartir. Tu pourrais ne pas avoir deux fois la même chance. »

Oui, elle craignait de la perdre. C'était l'une des rares fois où elle se montrait protectrice et bienveillante à l'égard d'Aislin. Elle devait l'admettre, reprendre la route ne la tentait guère tant elle redoutait la morsure du froid. Mais elle n'avait pas d'autre choix, sans compter que son existence ne se satisfaisait nullement de l'enfermement, bien que l'auberge soit plutôt agréable. Et, dans quelques jours, la pleine lune ferait son apparition, avec tout ce que cela impliquait pour elle. Oui, mieux valait partir rapidement.

Aislin n'aimait pas l'inaction. Lumen avait réussi à lui arracher la promesse de rester au moins deux jours de plus, le matin du troisième elle était prête à partir. Piaffant d'impatience elle vérifia minutieusement qu'elle n'avait rien oublié. Au moment de régler l'aubergiste elle ajouta quelques pièces afin d'acheter des vivres pour elle et sa compagne. Leurs routes allaient bientôt se séparer et la rôdeuse voulait donner à Lumen toutes ses chances d'arriver au terme de son voyage saine et sauve.

- Es tu prête ? demanda-t-elle à sa compagne d'un air distrait.

La question semblait de pure forme. Aislin avait vu la lune la veille au soir, elle serait bientôt pleine et Lumen devait se trouver aussi loin possible du village lorsque ce serait le cas. Il n'était pas question de prendre le risque de blesser des villageois ou d'attirer leur attention sur elles. Pour son amie c'était une question de vie ou de mort car il était fort à parier qu'en ces temps difficiles la constatation d'une telle infection chez une rôdeuse par des singuliers donneraient corps à leurs peurs, déchainant leur haine.

La jeune femme avait perdu sa monture avant d'arriver à l'auberge et le froid mordant avait transformé la neige en glace, les congères l'inquiétaient et Aislin craignait que sa jument ne se blesse. C'est pourquoi elle décida de faire le voyage à pied avec Lumen. Hors de question pour elle que les deux jeunes femmes se juchent sur le dos d'Ysves et lui fassent encourir le moindre risque, la jument était bien trop chère à son cœur. Aislin quitta l'étable, suivie de la jument, après un dernier regard entendu à sa compagne. La lumière se réverbérait sur la neige gelée, lui blessant les yeux. La rôdeuse soupira.

- On dirait bien que ça ne va pas être une balade de santé. lança-t-elle d'une voix aussi neutre que possible.

Les deux jeunes femmes avançaient dans le froid d'un même pas vif. L'esprit ailleurs Aislin repensa une dernière fois ses projets. Il était temps pour elle de rejoindre Mhian Dhiaga, la cité des dragons. La rôdeuse était certaine d'y retrouver l'assassin du roi. La roturière et la noble avait conclu un pacte et il était temps pour elle de l'honorer. Elle se devait d'informer Scarlett de Vinter de sa rencontre avec Inasmir. Mais elle se devait aussi d'en référer à son peuple.

Lorsqu'Aislin s'était enfin décidée à ouvrir son cœur à la rôdeuse elle avait eu la surprise de constater que celle-ci avait vécu la même expérience traumatisante. Lumen et Aislin avaient été retenues toutes deux par Inasmir durant une période qui coïncidait, elles étaient probablement toutes proches l'une de l'autre pendant cet emprisonnement. Partager cette histoire avec son amie avait allégé son angoisse. Scrutant le visage de Lumen elle se demanda si celle-ci ressentait la même chose. Aislin soupira de soulagement. Elle pourrait en référer à l'assassin sans manquer à son devoir auprès de son peuple. Lumen qui arriverait avant elle au Refuge relayerait l'information et Aislin pourrait apporter confirmation par la suite.

L'heure était venue de se séparer. Aislin jeta un regard empreint d'émotion et d'inquiétude à son amie. Soucieuse de ne pas envahir son espace vital elle se contenta d'une poignée de main traditionnelle qu'elle prolongea quelques secondes de plus que nécessaire.

- Merci pour ta sollicitude Lumen, je ne l'oublierai pas. dit elle sincèrement. J'ai hâte de te retrouver au Refuge, prends garde à toi...

Elle savait la mise en garde inutile mais n'avait pu l'empêcher de franchir ses lèvres. Au moment de la séparation elle hésitait tandis que la pensée que Scarlett de Vinter pouvait l'attendre encore un peu cheminait en elle. S'ébrouant elle rejeta l'idée. Aislin connaissait la forteresse des dragonniers, il lui serait facile de se faufiler dans la chambre de l'assassin, beaucoup plus que de passer inaperçu en allant et venant auprès de la propriété de celle-ci à la capitale...

Elle pressa une dernière fois l'épaule de Lumen avant de prendre la route.

- A bientôt mon amie.

A quelques pas de l'autre rôdeuse elle se tourna encore une dernière fois pour la scruter avec affection, priant Eydis de lui accorder protection. La route promettait d'être encore longue...