LUMEN ▬ Que la lumière soit

Pseudo : Snow
Âge : 999 ans
Sexe : Féminin (je parie qu'on vous a déjà fait toutes les blagues possibles là-dessus, c'est pourquoi je vous épargnerai avec les miennes^^)
Comment avez vous découvert le forum? Et ben figurez-vous que c'est grâce à cette histoire de plagiat^^ En fait j'avais à la base repéré l'autre forum, mais j'hésitais vraiment à m'inscrire parce que j'adhère moins lorsque c'est calqué sur une série. En fouillant, je suis tombée sur l'annonce avec cette histoire et j'ai cliqué sur le lien de votre forum: Coup de cœur! Le temps de regarder le contexte et j'étais inscrite (oui, je raconte ma vie^^).
Ce que vous aimeriez dire pour conclure : Fabuleux forum! Très soigné, avec une histoire originale et qui semble avoir des membres très actifs, je signe tout de suite!

On raconte qu'il y a bien longtemps, alors que le monde était encore jeune, vivait un prince, qui régnait sur les hommes. Il possédait un tel charme et une telle beauté qu'il semblait que les dieux l'avaient paré de toutes les grâces possibles. Plus il avançait dans l'âge, et plus l'harmonie de ses traits s'épanouissait, et plus sa vanité allait croissante. Les années passaient, et la conscience de son propre aspect durcit son cœur, le rendant cruel, insensible, et égoïste. Vouant un culte à son image, il délaissa son peuple qui sombra dans la famine.
Un matin, alors que le prince partait à la chasse avec ses courtisans, il rencontra un vagabond de misérable apparence, qui lui quémanda quelques pièces. Le prince, voyant cet homme bossu, sale et infirme, se rit de lui, puis le chassa avec rudesse. C'est alors que le vagabond se transforma en une sublime apparition, une déesse. Aussitôt, le prince se jeta à ses pieds, la suppliant de le pardonner, mais il était trop tard, car elle avait pu percevoir son peu d'humanité. Elle choisit alors de le punir, jetant sur lui une terrible malédiction, ainsi que sur toute sa descendance. Puisqu'il avait agi sans humanité, il serait condamné à en perdre une partie, devenant également animal, une bête qu'il devrait passer chaque instant à contrôler jusqu'à la pleine lune où il ne pourrait plus alors l'empêcher de s'éveiller pour assouvir sa faim. Un sort qui ne pourrait disparaître qu'avec sa lignée, ou lorsque le maudit ferait preuve d'une force intérieure suffisante pour la vaincre.
Terrorisé, le prince se cloitra dans l'une des tours de son château, en interdisant totalement l'accès si ce n'est à quelques domestiques. Plusieurs fois il tenta de mettre fin à ses jours, sans que cela ne lui soit accordé. Puis, le soir tant redouté venu, il demanda à être solidement enchainé. Lorsque le Soleil laissa place à la Lune, les villageois entendirent des hurlements, qui n'avaient plus rien d'humains. Alors, la bête parut devant eux, forme monstrueuse et plus sombre que la nuit elle-même. Elle avait l'apparence d'un fauve, mais semblait bien plus forte qu'un lion. Nombreux furent ceux qui périrent, dévorés. Ces heures marquèrent la fin d'une ère pour le royaume du prince. Le peuples, qui protestaient autrefois, se révolta, convaincu désormais que celui qui le gouvernait était un démon. Tous s'emparèrent du prince, ainsi que de sa famille, et les offrirent en sacrifice afin de chasser le malheur de leurs terres. Seul son fils aîné, un jeune garçon, en réchappa et parvint à s'enfuir.
Cette histoire traversa le temps et les âges, devenant une légende, puis un conte que l'on raconte aux enfants. Elle a tant de fois été modifiée que nul ne saurait dire quelle en est la première version. Quant à l'enfant du prince, on ignore en vérité ce qu'il est devenu. Certains pensent qu'il a péri, seul. D'autres au contraire persistent à croire qu'il aurait survécu, et que la malédiction aurait été transmise à sa descendance.



Je n'ai jamais connu mes parents. Alors que j'étais âgée d'à peine quelques semaines, ma mère, sombrant peu à peu dans la folie, m'abandonna aux mains de son frère, qui lui promit de m'élever comme sa propre fille. Je grandit au sein de leur famille avec sa femme et leurs trois enfants, un garçon et deux jeunes filles. Ils n'étaient qu'indigents, et pourtant ma vie entière je les sentit supérieurs à moi. Ils se trouvaient liés par une promesse, et pourtant il me semble qu'ils eussent préféré me voir périr avec ma mère. Je n'étais cependant pas qu'un poids pour eux, leur fournissant une aide supplémentaire afin de tenir leur auberge. J'étais, de plus, la jeune nièce qu'ils avaient recueilli avec tant de bonté. Ma présence accrut ainsi leur bonne renommée dans Port aux Princes. Mais leur dureté envers moi me rendit véhémente, colérique et sauvage. Ils ne m'aimaient pas, je ne pouvais les aimer.
De ma mère, je ne sut que bien peu de choses. J'appris au fil des années qu'elle avait été une prostituée. Du haut de mes cinq ans, j'ignorais encore en quoi consistait une telle profession. Lorsque je posai la question, il me fut répondu sur un ton abrupte qu'il s'agissait de femmes de mauvaise vie. Rejetant cette possibilité, je m'inventai des origine plus nobles. J'imaginais une princesse, aussi belle et vivante, que j'étais laide et maigre. Je la voyais avec de longs cheveux d'or, et parée de tant de vertus que tous lui faisaient la cour. Mais, aspirant à de plus palpitantes aventures, elle tombait amoureuse d'un brigand (les hors-la-loi à l'époque exerçaient sur moi une fascination particulière, sans doute due aux récits des clients de l'auberge). Quant à moi, fruit de leurs amours interdits, ils se trouvaient dans l'obligation de m'abandonner, afin de ne pas être découverts. Je me plaisais à me raconter le jour prochain où tous deux viendraient me chercher. Je me racontai ces histoire tant et tant que j'en vins à les croire réelles. Naïvement, je les partageai avec mes cousins. Ceux-ci me renvoyèrent à mes besognes après en avoir ri. Je ne les en blâme pas. Il est vrai que l'imaginaire d'un enfant peut être ô combien fertile. Je compris néanmoins ce jour là que jamais personne ne viendrait m'arracher à cette existence. Je passai les nuits suivantes à verser des larmes amères. Puis, peu à peu, j'acceptai cette idée, trouvant du réconfort parmi les inconnus de passage pour lesquels mon esprit vif et mon enthousiasme à apprendre d'eux constituèrent un véritable centre d'intérêt. J'aimais particulièrement à apprendre des danses et chants divers, et les compliments que je suscitais. Entendre que j'avais un pas gracieux et une voix d'ange contribuait à relever ma propre estime et à affirmer mon caractère. Mon tempérament s'adoucit, et la bonté de ma nature se dévoila. Je grandis, et il semblait que mes traits changeaient également, devenant plus agréables au regard, plus réguliers.
Je passais encore de longues heures à me projeter dans mon imaginaire, mais à présent, ce n'était plus en direction du passé que je me tournais, mais vers l'avenir. Je m'imaginais poursuivre mon existence ainsi, jusqu'au jour où je serais suffisamment mûre pour partir, et découvrir un monde que je ne connaissais qu'à travers les livres et les récits des voyageurs. Il ne me venait pas à l'esprit, l'espace d'un instant, l'idée que mon avenir était déjà tracé, et ce d'une toute autre manière.

Depuis bien longtemps j'avais admis le peu de gloire que je devais tirer de mes origines. Il me vint cependant un jour des interrogations au sujet de mon père. Jamais je n'avais douté qu'il fut un quelconque hors-la-loi. Bien que tirée de mon imagination, cette hypothèse me semblait la plus probable. Et pourtant, mes questions ne trouvaient que de vagues réponses, forts peu enclines à satisfaire ma curiosité. Bientôt, je fus certaine qu'un quelconque mystère entourait cet homme, au point que l'on devait taire jusqu'à son nom. Bien que le désir d'en savoir davantage me dévorât, j'avais néanmoins suffisamment de bon sens pour savoir que mes questions étaient malvenues, et appris à me taire. Elle ne tardèrent d'ailleurs pas à se trouver bien loin de mes préoccupations. Car je changeais, chaque jour davantage. J'avais atteint l'âge de douze ans et il me semblait que quelque chose en moi m'échappait. Des sensations nouvelles m'envahissaient, bien différentes de celles que j'aurais dû éprouver. Mon humeur devenait instable, changeante. Il m'arrivait de recourir à la violence, moi dont le caractère n'avait jamais été enclin à la méchanceté. J'éprouvais, parfois, une faim si dévorante que pas un aliment ne parvenait à la rassasier. Une forte fièvre pouvait s'emparer de moi, parfois durant des jours entiers, me contraignant à demeurer alitée. Ces changements, qui me paraissaient si peu naturels, firent naître en moi une immense peur. Plus les mois passaient, plus les regards de ceux qui m'avaient accueillie changeaient également. En plus du mépris, je voyais désormais dans leurs yeux un mélange de haine et de terreur. Ils semblaient faire preuve à mon égard de mille précautions, comme pour éviter à tout prix de provoquer ma colère.
J'ignorais l'origine de tout ceci, et je semblais être la seule à n'en rien savoir. J'entendais mon oncle et ma tante chuchoter parfois, le soir, alors qu'ils me croyaient endormie. Je comprenais qu'ils parlaient de mon père, dont j'ignorais tout. J'apprendrais par la suite qui il était. Certes un rôdeur, un bandit, comme je le croyais, mais surtout, un maudit. Comme l'était son père avant lui, et comme je l'étais. Il avait entretenu une relation avec ma mère, jusqu'à ce qu'elle comprenne ce qu'il était. Elle le fuit, et apprit qu'elle attendait un enfant. Peu à peu, elle sombra dans la folie. Elle fut arrêtée alors qu'elle tentait de me noyer, hurlant que j'étais un enfant de démon. Elle mourut de faim, dans une ruelle déserte. Quant à mon père, la maladie finit par l'emporter. Cette malédiction était mon seul héritage, celui que mon oncle et ma tante soupçonnaient, et craignaient.
Dans le mois qui suivit mon premier anniversaire, les signes se firent plus précis, ces signes qui me deviendraient si familiers. Durant les jours qui suivirent la plaine lune, je me mis à dégager une odeur fort singulière. Une odeur animale, forte, qui aurait pu faire songer à un fauve et dont mes cousins me firent maintes fois la remarque. Je sentais une faim grandissante, qui se manifestait par de véritables grondements provenant de mon estomac, bien différents de ceux d'un corps humain normalement constitué. Puis, vint la nuit où tout bascula. De ces quelques heures, je ne conservai pas le moindre souvenir. Je fus réveillée le matin, par des cris de femme. Je découvris sous mes yeux le poulailler, où la volaille avait été égorgée, et dévorée. Je sentis un goût de sang dans ma bouche, du sang qui se trouvait sur mon visage et mes vêtements.
Je dus attendre le sort qui m'étais réservé, et la peur qu'ils ne décident qu'il valait mieux me tuer. J'aurais dû savoir qu'ils en auraient été incapables, mais ce qui s'était passé cette nuit-là me poussait à imaginer le pire. Et pourtant, si j'avais pu savoir ce qui m'attendais, la mort m'aurait semblé douce.

Je suis morte à l'âge de treize ans. Une chute dans les escaliers. Une tragédie qu'il fut bien difficile de surmonter. Que tous le croient étaient bien plus facile. Il permit de dissimuler ma monstruosité au reste du monde, et ce, durant les années qui suivirent. Le sous-sol de l'auberge devint mon unique univers. Ils me regardaient désormais comme un animal que l'on craint. Je devins donc un animal. Chaque jour ils espéraient ma mort, sans pour autant réellement oser la provoquer. Tous agissaient comme si la malédiction était contagieuse. Je demeurais seule, loin du monde, en compagnie de mes démons. Sans le savoir je grandissais, et d'enfant devenais jeune fille. À mes yeux, je n'étais plus tout-à-fait humaine. Je sentais la bête en moi. Je lui parlais parfois. Je la haïssais plus que tout, et pourtant, elle demeurait mon unique compagne. Elle était tout ce que je connaissais. Le reste m'étais inconnu, jusqu'à mon âge, qui me semblait incertain. J'avais en réalité dix-sept ans, et de nouveau, un changement se profilait à l'horizon sous la forme de voyageurs. Je perçus ce jour-là une agitation inhabituelle, comme un mouvement de panique. Je ne tardai pas à comprendre que des indésirables résidaient à l'auberge. Je les supposais être des rôdeurs, et je ne me trompais pas. Pourtant, cet événement me semblais si lointain que je ne m'en souciais guère, ne le voyant que comme une simple distraction. Entendant alors un cliquetis bien familier, je me redressai, aux aguets. La porte s'ouvrit, et la silhouette de ma tante apparut sur le seuil. Immédiatement, je sentis mon sang bouillir. Moi qui avais autrefois chercher son amour, je la haïssais désormais de toutes les parcelles de mon être. Elle demeura sur le seuil de la porte, m'ordonnant de ne pas faire le moindre bruit afin de ne pas attirer l'attention. Elle n'osa s'approcher, sachant pertinemment que je l'aurais tuée de mes propres mains si elle s'était trouvée à ma portée. Elle m'apportait également mon dîner sur un plateau, et remonta rapidement les escaliers avant que je ne puisse l'atteindre et me jeter sur elle. Je la sentais trembler, je sentais sa peur que je désirais alimenter. Elle ferma la porte, me laissant de nouveau seule. Je maudis ces chaînes qui me tenaient prisonnière. J'aurais voulu les tuer, tous les tuer, et Elle alimentait ces pensées que je ne cherchais plus à combattre comme au début.
Je marchais de long en large, dans l'obscurité. Parfois, je levais les yeux vers la lucarne, seule source de lumière que je possédais désormais. La nuit tomba. Je ne me rendis pas compte du bruit que je pouvais faire. J'ignorais que quelqu'un pouvait m'entendre, jusqu'à ce que j'entende des pas sur le plancher, au-dessus de ma tête, des pas qui m'étaient inconnus. Je m'arrêtais soudainement de bouger, trop tard. Déjà, ils se dirigeaient vers la porte de la cave. Je me tapis dans l'ombre, attendant sa venue. Je l'entendis crocheter la serrure, puis entrer, d'un pas lourd. J'aperçus une silhouette massive, celle d'un homme. Il semblait chercher quelque chose. Me chercher, moi. Je ne réfléchis pas. J'étais, après tout, incapable d'agir de façon rationnelle. J'attendis qu'il fut suffisamment proche de moi, et avec rapidité, passai l'une de mes chaînes autour de sa gorge. Derrière lui, je ne vis pas son visage, je n'entendais que l'expression de son impuissance. Je l'aurais tué, et cette seule pensée aujourd'hui me glace le sang. Mais le bruit avait alerté ma tante et mon oncle, qui accoururent pour me maitriser. Malgré mes cris et mes coups, ils y parvinrent. Je pus alors voir le visage de l'étranger, ses yeux qui me fixaient. Et ce que j'y vis me déstabilisa. Il n'y avait ni haine, ni peur dans son regard. Seulement de la pitié, et de la compassion. Des sentiments bien différents de ceux que j'avais l'habitude d'inspirer. Au fond de moi, je sentis alors une flamme se rallumer.

Je n'ai gardé que de vagues souvenirs de la nuit suivante. Je n'avais pas réellement conscience de ce qui se déroulait autour de moi. J'imagine que quelque chose avait été ajouté à ma nourriture, visant à empêcher que les événements de la veille ne se reproduisent. J'étais cependant suffisamment consciente pour percevoir l'entrée de plusieurs étrangers, dont l'homme de la veille. Je le sentis me délivrer de mes chaîne, incapable même de me demander comment il avait pu se procurer la clef. Il m'enveloppa dans un manteau, avant de me soulever aussi aisément que si j'avais été une poupée de chiffon. Il me semblait d'ailleurs en avoir la consistance.
Je n'appris que plus tard qui ils étaient. Et ce n'est qu'au fil du temps qu'ils apprirent qui j'étais, et surtout, ce que j'étais, malgré mon mutisme. Avec le temps, je retrouvai une part de l'humanité que j'avais perdu, mais demeurai néanmoins difficile à apprivoiser. Certains acceptaient ce que j'étais, et la violence de certaines de mes réactions. D'autres, au contraire, redoutaient le moment où mes yeux bleus devenaient soudainement gris. Une part de moi était solitaire et pacifique, l'autre capable du pire, et constamment affamée, attirée par la chair.
Je ne serai jamais humaine. Je ne serai jamais normale. Ou seule. Je ne peux rien faire d'autre qu'accepter cette présence, et espérer parvenir un jour à la contrôler.