Aranka Seraphinus

▬ Par le nom que je porte, Aranka Seraphinus
▬ Par mon lieu de naissance, sur les côtes de Darya dans une des nombreuses Pêcherie.
▬ Mon âge, quarante et un an
▬ La personne que je suis, Une Inquisitrice
▬ Et les responsabilités qui vont avec : La Mère Inquisitrice de Cathairfàl
▬ J'ai voué ma loyauté indéfectible A la Justice et au Lanriel
▬ Miroir, mon beau miroir Cate Blanchett

-Je te préviens si tu n'avoues pas que c'est toi qu'a mangé la tarte je te montre à la Dame Inquisitrice.
-Oh non Mère! Oh non!
-Alors c'est toi!
-Mais non, j'vous dit. C'est pas moi.

Attablée dans une auberge d'étape, Anraka mangeait un mauvais morceau de viande dont le tissu dur et filandreux repoussait avec hargne les attaques du couteau. Alors qu'elle mastiquait difficilement, des cris provenant de la cuisine lui firent lever la tête. Il s'agissait des voix plaintives d'un enfant et du ton furieux d'une mère qui devait être la tenancière du lieu. Comme pour confirmer ses suppositions, le couple jaillit soudain par la porte battante. Un petit garçon était tenu au collet par la poigne de fer de sa mère et tournait des yeux terrorisés en direction de la cliente. Cette dernière le regardait non sans étonnement, les joues pleines de nourriture. Elle déglutie avec peine et les considéra en silence. La patronne ne pipait mot, lui rendant un regard aussi intimidé que celui de l'homme borgne derrière le comptoir. Peut-être s'était-elle rendue compte du ridicule du crime commis? Comme toujours Aranka rencontrait ce mélange de crainte et d'admiration chez les gens qu'elle croisait. Pourtant elle ressemblait à beaucoup d'autres femmes. Grande, mince quoiqu'un peu frêle, avec de longs cheveux roux coincés dans une lanière de cuir. Seul son air sage et calme indiquait son activité et il semblait que bien souvent sa prestance, plus que ses mots, la présentait comme Inquisitrice.

"Puis-je vous aider ?"

Demanda Aranka, considérant de ses yeux d'un bleu mât la famille de taverniers. Il n'était pas dans ses habitudes de régler de tels conflits dont elle soupçonnait bien la teneur. Généralement, sa distinction de Mère Inquisitrice lui donnait le "privilège" de traiter des affaires de Nobles et des Notables et non des paysans du coin. Pourtant, cela ne la dérangeait pas. Après tout c'était au près des pauvres gens qu'elle avait d'abord officié pendant son pélerinage. Et elle était elle-même sortie de cette classe de population pour laquelle elle n'avait pas le moindre mépris.

"Bin oui c'est... c'est c'voyou qui veut pas dire qu'il m'a volé ma tarte. Une belle tarte! L'dessert de nos clients Madame! C't important!"

Bégayait la brave femme en poussant devant elle comme un bouclier le petit garçon dont les jambes tremblaient.

"C'est pas moi mère. j'vous l'dit. C'est pas moi Madame l'Inquisitrice.
-Viens t'asseoir à côté de moi mon garçon."

Le petit fit mine de reculer devant la demande douce de la femme rousse mais sa mère le força à avancer. Finalement, l'enfant se hissa sur un banc et pris place à l'autre côté de la table. Ses yeux innoncents oublièrent bien vite la terreur en tombant par hasard sur la riche carte étalée sous ses yeux.

"Oh! C'est le Lanriel ? Comme c'est grand. Où sommes nous sur votre carte Madame ? Vous avez voyagé partout ?
-Oui c'est bien le Lanriel que je parcours en tous sens depuis que j'ai ton âge. Aujourd'hui je rentre à Cathafàir, notre capitale. Et pour ce faire je passe par ici."

Aranka désigna un point sur la carte.

"Pour quoi faire que vous partez si loin de chez vous Madame ?
-Je rends la Justice mon garçon. Grâce à un don que la Grande déesse m'a accordée. En regardant les hommes et les femmes je peux les obliger à me dire la vérité. Alors quand je croise un innocent accusé à tort je le relâche et cherche le coupable. Lorsque j'ai rendu mon jugement, le coupable est puni par les siens selon ce qu'il a fait.
-Est-ce que parfois vous ne trouvez pas le coupable?
-Il arrive que certaines de mes soeurs n'y parviennent pas. Moi même, lorsque, plus jeune je manquais d'expérience et de maîtrise je passais à côté de lui sans m'en apercevoir. Mais maintenant je ne peux plus le manquer."

Aranka sourit et regardait avec plus d'attention ce petit garçon. Son neveu devait avoir son âge et comme lui, et vivait sans doute dans une auberge toute semblable. La famille Séraphinus avait connu, grâce au don de leur fille cadette une vertigineuse ascention sociale. De miséreux pêcheurs, ils étaient devenus aubergistes à Port-aux-Princes. Ses parents y habitaient toujours quand son frère et son épouse avaient repris l'affaire. Ils avaient eu des enfants mais cela faisait bien longtemps qu'Aranka ne les avait vu. Une erreur peut-être car en voyant les yeux émerveillés de l'enfant sur son travail elle sentie un élan maternelle l'envahir.

"Dites, Madame l'Inquisitrice, est-ce que y'a des hommes qui font comme vous. Qui voient dans le coeur des gens comme vous? J'aimerai bien être Juge moi aussi. Je voyagerai beaucoup!
-Non mon garçon, il n'y a que les femmes qui font ce travail. Sais-tu qu'il est bien difficile parfois ? La plupart d'entre nous n'ont pas d'enfants, pas de famille. Nous voyageons sans cesse et nos amies nous manquent fort. Lorsque je suis partie, toute petite fille j'avais été aidée dans mon pelerinage par une autre Inquisitrice, puis j'ai poursuivi ma route en solitaire. J'ai rencontré beaucoup de gens, des rois, des reines, des pauvres et des riches. J'ai appris beaucoup de choses.
-Comme quoi ?
-Que parfois mon Pouvoir est bien inutile. Devant leurs actes les menteurs avouent d'eux même. La vérité n'est souvent pas si terrible.... le vol de cette tarte a fait de la peine à ta mère...
-Oui je sais bien, j'avais dit à mon frère de pas l'faire. Mais il m'écoute pas et je..."

L'enfant s'immobilisa, il lança un regard à sa mère derrière lui, trop loin pour l'avoir entendu mais qui ne les quittait pas des yeux. Lorsqu'il revint vivement au visage de la femme, celle-ci souriait chaleureusement.

"Vous avez utiliser votre pouvoir sur moi!
-Non, tu as avoué de toi même. Comme beaucoup de menteurs innocents. Pourquoi n'as tu pas dénoncé ton frère?
-Parce que c'est cafarder Madame! Il m'avait dit de pas l'dire. Oh ma mère va le battre."

L'enfant se lamentait sur son sort si bien que la tenancière approcha.

"Qu'est-ce qu'i' vous a dit alors ?
-Qu'il n'a rien fait, bien entendu. Qu'il refusait de parler pour protéger son honneur et celui de quelqu'un qui lui est cher.
-Et qui c'est alors ? Ca me rend pas le dessert de mes clients.
-Dans ce cas il faudrait réparer cette erreur jeune homme."

Répartie Aranka en se tournant de nouveau sur son nouvel élève.

"La punition d'un voleur doit être à la mesure de son crime. Tout comme celle d'un menteur. Mais comme l'aveux, le châtiment n'efface pas le crime.
-Qu'est-ce que je dois faire Madame ?
-Faire de tes mains cette tarte ou rendre un service équivalent à ta mère. Le coupable doit-t-y aider, de la sorte vous serez pardonnés. N'est-ce pas Madame ? Si tu es sincèrement désolé et que ton aide est de bonne foi, alors la Déesse aussi t'absoudra."

L'enfant la regarda, elle puis sa mère, et le problème alors fut réglé. Devant l'autorité d'une telle femme, la patronne ne battit aucun de ses deux fils mais ceux-ci durent travailler ardemment pendant la journée. De son côté la Juge de Vérité abandonna son repas désormais froid et reprit la route après s'être acquittée auprès du tavernier de la note.

"Madame l'Inquisitrice. Dites moi, c'est où donc votre temple ? Parfois des voleurs passent ici ou bien des clients refusent de payer. Ca s'rait bien pratique de vous envoyer quelque messager et que vous r'veniez ici...
-On retrouve le temple lorsqu'on a besoin de lui monsieur. On sait d'instinct où il se trouve lorsqu'on est victime d'une injustice. Mais le périple est loin et la quête de la Vérité ardue. Je vois conseille de faire confiance à la justice des hommes ou d'attendre que l'une d'entre nous, comme moi, passe vous rendre visite. Je l'ai longuement recherhé moi aussi ce légendaire temple. Jusqu'à ce que je sois assez forte pour supporter ma tâche. Qu'Eydis vous protège, vous et votre famille. Adieu
-Au revoir Madame l'Inquisitrice."

Aranka lui sourit et passa la porte. Il flotta longtemps encore le souvenir, dans la mémoire de l'enfant, d'une Inquisitrice douce et sereine qui rendait la justice avec autant et d'honnêté qu'elle en renquérrait. Elle était froide et forte comme la Vérité elle-même, mais sa gentillesse et son intelligence la rendait profondément humaine. Ainsi est Aranka Séraphinus, la Mère Inquisitrice.




Ô toi charmant curieux qui fourre ton ignoble nez là où tu ne devrais pas! Vois! Vois qu'en cette besace la Mère Inquisitrice ne possède rien. Voilà la dague que tu tiens entre tes doigts gantés. C'est une fidèle lame bien qu'un peu émoussée. Arrête ton regard sur sa garde en cuir pourpre, soigneusement tannée. Elle n'est pas très belle, mais elle est sure. Des lettres, des petites lettres maladroites ornent le tour du pommeau "a la Grand Inquisitrisse". Le fait d'un petit forgeron qu'elle a sauvé dans sa jeunesse. Un présent modeste et innocent qui sert à la belle dame Seraphinus de souvenir plus que de défense.
Lache ça malheureux! Sais tu seulement ce que c'est ? Un objet fragile à n'en pas douter dis-tu ? Certes oui mais c'est l'apanage des voyageurs et non des rustres de ton espèce. Une boussole dorée en métal. Elle est cabossée par endroit, surement elle-était aussi vieille de les voyages de sa propriétaire. Sa compagne indéfectible est plus récente elle. Ses soeurs avant elles ont été malmenées, déchirées et oubliées en divers lieux. C'est une jolie carte de bonne facture. Bien précise et pleine d'annotations que la Mère Inquisitrice griffonne lorsqu'elle trouve une table pour l'y appuyer.
Olà petit remets moi ça dans la besace de sa propriétaire! Le silex ne te suffisait pas malheureux ? Il fallait que tu tentes de faire choir la potion de guérison de ce Juge de Vérité ? Ah enfant! Elle doit être bien vieille, elle aussi, cette petite fiole qui jaunit ici en attendant des jours moins bons. Depuis combien de temps Aranka l'a-t-elle achetée ? Tu ne le sais pas ? elle non plus. C'était à un druide sympathique et un peu misérable auquel elle s'était sentie obligée de faire le don de quelques pièces.
Et cela direz vous ? Attention cette arme-ci coupe plus surement que la dague. C'est une bonne épée, simple, don d'un guerrier à l'ordre des Inquisitrices après qu'elles lui aient rendu Justice. Oh vous pensez que c'est un bien inutile pour une femme délicate comme celle qui, face à vous, vous toise sans ciller ? Sachez que ce courage ne la quitte pas lorsqu'au combat elle se défend.


▬ Je ne vous apprends rien en vous disant que Lanriel possède un roi, mais ce que j'aimerais savoir c'est ce que vous pensez de lui :Un roi n'est un bon roi que lorsqu'il protège l'Ordre et la Justice. Je n'ai pas à me mêler d'un Pouvoir politique mais il me semble qu'il doit avoir comme but d'harmonie. Les inquisitrices doivent servir la Justice plutôt qu'un homme, aussi, je n'ai pas de compte à lui rendre. Du moins je considère la situation comme telle.

▬ En parlant de seigneurs souverains, évoquons un peu les deux puissances divines de Lanriel La Grande Déesse a permis de sauver ma famille de la misère et mon père de la mort en m'octroyant le don de la Question. Je puis interroger et répandre la Justice sur mon passage grâce à Sa volonté souveraine. Il est donc naturel de dire que je lui suis dévouée. Je regrette par ailleurs l'impiété de notre temps. Néanmoins je préfère imputer cela à l'ignorance plutôt à la malveillance. Concernant l'autre divinité, si je ne peux nier son existence, je considère que sa cause prend racine dans ce qu'il y a de plus obscur dans le coeur des homme et ne peux pas conséquent que le regretter et le regarder qu'avec tristesse et peine.

▬ On a tous son petit ego et moi, Inasmir, le sorcier légendaire, n'échappe pas à ce vice. Alors répondez donc à cette question, que pensez-vous de moi? Je dois avouer que mon sentiment à votre égard oscille entre l'admiration et la répulsion. Comment un homme qui aurait pu faire triompher la félicité et la joie s'est contenter de se livrer à ses passions. Le mépris serait le sentiment le plus juste.

▬ La chute du Bouclier aurait secoué toutes les terres mais il y a des gens que cela laisse de marbre, je serai curieux de savoir si vous êtes une de ces personnes. Il serait bien naïf de penser que Cathafàir était protégée par ce Bouclier et que désormais la perdition nous attend. Les seuls ennemis que nous devons craindre est le mensonge et la dissimulation. La fin du Bouclier, la fuite du Sorcier est à l'image de la corruption et de l'égoïsme des hommes. Néanmoins, lorsque cet écran protégeait la capitale, celle-ci représentait l'Espérance et le refuge des hommes plus qu'une sécurité physique. Cette sécurité évanouie, nous avons terriblement peur de voir sombrer le peuple dans la peur et la panique, entrainant fatalement sa mort plus surement que les Créatures de l'Enfer ne peuvent le faire. Il faut absolument retrouver la clef de cette boîte.

▬ Mais dites-moi mon ami(e), racontez-moi donc un peu ce qui fait de vous un être si exceptionnel... Mon don pour la Vérité est ce qui me différencie le plus des hommes. Et sa puissance me différencie des autres Inquisitrices. En effet, je ne contente pas de soumettre les hommes à la Question, je peux les maintenir longuement en mon pouvoir. Néanmoins si je suis si particulière c'est parce que je rends la Justice avec réflexion. Les mensonges ne sont pas toujours nuisibles, et la Vérité parfois trop lourde à porter. J'excècre la violence dans les punitions qu'on afflige aux coupables aussi je fais toujours en sorte de présenter les évènements de façons et ce que le coupable puisse s'acquitter sans trop en souffrir. Bien entendu, je ne la dissumule jamais.

▬ Tous les goûts sont dans la nature, n'est-ce pas? Alors éclairez-moi donc sur les vôtres... Je m'habille sans faste et bijou, je porte des robes simples et généralement des vêtements de voyage. J'apprécie des lits douillets et le vin chaud quand je dors souvent à la belle étoile et ne m'en plains pas. Je préfère voyager seule et me plonger dans la contemplation du monde mais par les temps qui courent, la protection d'un chevalier, d'un garde, n'est pas de refus. Car si je sais habillement me battre je n'ai aucun goût pour la violence. Je n'ai d'ailleurs jamais tué un homme mais y ai condamné plusieurs par mes jugements. C'est toujours un déchirement que de retirer la vie à un être mais c'est un sacrifice pour la vie des autres.
J'aime les Temples en général et je porte un amour indéfectible à la Déesse et à mon Ordre des Inquisitrices. Les livres et les sciences sont autant de passions dont mes voyages m'écartent malheureusement.

▬ Tout le monde veut quelque chose, il suffit de découvrir ce que VOUS vous désirez. Pendant longtemps j'ai rêvé de donner naissance à un enfant. Aujourd'hui je me sens trop vieille, trop accablée de responsabilités pour ce rêve. Je le regarde s'envoler avec quelques regrets certes. De même je ne suis jamais parvenue à m'attacher à un homme, à une femme, et je me sens parfois seule. Néanmoins mon plus profond désir et de céder ma place à une Inquisitrice et de me retirer dans le Temple pour me consacrer à l'Erudition. En dehors de ces espoirs au combien égoïstes je n'ai d'autre souhait que celui de faire vivre mes semblables dans la piété et l'harmonie.

▬ Et les autres dans tout ça. De part mes origines plus que modestes je porte un regard sans haine sur le monde. Je réponds favorablement à tous ceux et celles qui demanderont ma Justice, sans tenir compte de leurs appartenances sociales. Mais ne nous en cachons pas - ce serait puérile - je m'entends très mal avec les Nobles et des présomptueux qui n'ont que faire de la Justice et du bien être de leur peuple. L'égoïsme et l'avarice, plus qu'autre chose, sont des caractères qui me répugnent de rencontrer.