ELASWEN ♦ Je vends du rêve

▬ Par le nom que je porte, Elaswen Tagarad, seule représentante après mes parents de ce nom. Ce nom vous paraitra surement inconnu. En effet, cela s'explique par le fait que je n'ai aucune (ne serait-ce qu'une goutte) de sang royal en moi, ni même d'un quelconque sang reconnaissable par la cour. Une inconnue parmi tant d'autre, qui pourtant, et je l'espère, finira par marquer les mémoires et l'Histoire.

▬ Par mon lieu de naissance, un petit village perdu dans les vallées et qui porte le nom de Hautbord. Ne le cherchez pas sur un carte, il est bien trop éloigné et trop petit pour être nommé. Cela ne lui enlève cependant pas son charme. Peu de familles y vivent, ce qui fait qu'il règne en ces lieux une bonne entente constante, les conflits étant négligeables.

▬ Mon âge, j'ai actuellement seize ans. Beaucoup me considèrent au premier regard comme une petite gamine effrontée et d'une banalité affligeante. Mais ne vous a-t-on jamais appris à ne pas vous fiez aux apparences ? Car sous cette silhouette de jeune fille innocente se cache une âme bien plus épanouie. Je suis loin d'être une sotte, ayant une maturité d'esprit assez rare pour mon âge, sachez-le.

▬ La personne que je suis, une dessinatrice. Cela n'est un secret pour personne d'ailleurs. Loin est le temps où l'on devait cacher son identité et sa véritable nature face aux singuliers. Ajouté à ce premier argument, il y a ma fierté. En effet, je ne suis pas de ceux qui n'acceptent pas ce qu'ils sont, bien au contraire. Je suis une dessinatrice, et j'en profite du mieux que je peux.

▬ Et les responsabilités qui vont avec : Qualifiée de prometteuse par mes pères, j'en suis toutefois rendue à vendre mon don au plus offrant. Marginale, vagabonde, je parcoure le monde à la recherche de signes qui me montreraient ma destinée. Les singuliers sont toujours impressionnés par les dessinateurs, et les opportunités pour gagner quelques pièces ne sont pas rares. Je n'irais pas jusqu'à dire que je gagne bien ma vie, mais je ne vis pas misérablement non plus.

▬ J'ai voué ma loyauté indéfectible à la déesse Eydis. La seule en qui j'ai confiance. Elle seule à les clés de mon destin, et je m'en remets donc entièrement à elle. Étant en contact avec la déesse grâce aux étoiles, cette dernière me dit où aller et que faire. Je sais que Eydis a confiance en moi et qu'elle prévoit de grandes choses à mon égard. Je ne la décevrais pas.

• Des pièces en armure faites de cuir, car n'étant pas spécialement une grande combattante, il serait insensé de parcourir le monde avec plusieurs kilos d'acier. Je n'étais pas vraiment d'accord pour avoir cette armure, car bien qu'assez légère elle comporte certains inconvénients. Cependant mes parents ne m'ont pas laissé le choix. Les terres sont peuplées de gens pas très honnêtes et de monstres à vous faire pâlir de peur, donc d'après eux, une armure -bien que minime- est de mise.

• Un poncho en poil de loups lorsqu'il fait froid. L'avantage c'est que je n'ai pas froid, mais l'inconvénient c'est que quand il pleut, je suis trempée et j'ai du mal à sécher. Ajouté cela à l'odeur peu délicate. Ce poncho me sert aussi de couverture lorsque je suis obligée de dormir à la belle étoile.

• Une gourde ainsi que des rations de nourritures. Il n'y a aucune originalité là-dedans, c'est le minimum vital. Étant assez gourmande de nature, j'ai quelque peu des problèmes de rationnements, et me retrouve souvent le ventre vide. Pas très malin de ma part, j'en conviens parfaitement.

• Objet de voyage indispensable pour tout nomade : une besace. La mienne n'a rien d'extraordinaire. Elle est de taille moyenne -mon petit gabarie m'empêchant un poids élevé- mais assez ample, ce qui fait que je peux tout de même mettre pas mal d'objets -et de nourritures-. Faîtes d'un cuir souple et imperméable, vide elle est assez légère, ce qui est un avantage.

• Pour ce qui est des armes, j'ai simplement une fronde attachée à ma ceinture, ainsi qu'un poignard caché dans ma botte. Ces armes sont mineures et ne causent pas de dégât. Ces choix aux apparences peu stratégiques s'expliquent par le fait que je sois une dessinatrice. En effet, il m'est facile de faire apparaitre une arme. Ces deux là sont, donc, en cas d'extrême urgence -au cas où, par exemple, je me sentirais trop fatiguée pour faire apparaitre quoi que ce soit-.


✿ Je ne vous apprends rien en vous disant que Lanriel possède un roi, mais ce que j'aimerais savoir c'est ce que vous pensez de lui :
Le souverain ? Je ne m'intéresse pas à lui. Ma loyauté s'oriente vers mes frères dessinateurs, et non vers ce roi en qui je ne connais rien. Je ne le trouve ni bon, ni mauvais. Ses réformes sont assez bénéfiques pour les personnes autres que les singuliers. Fut un temps où dessinateurs et autres ne pouvaient plus aller dans certaines villes. Donc, en me basant sur cet âge, j'en conclus que les choses se sont améliorées et que donc c'est un bon roi. Après il y a ces lois qui stipulent qu'il est interdit de sortir seul de Cathairfál. Cela ne me plait guère, mais c'est un point de vue personnel. Une personne entrainée pourrait se sortir d'une mauvaise passe, alors que deux autres moins aguerries pourraient trépasser. Tout est une question de cas par cas, mais je conçois que le roi ait autre chose à faire que de s'occuper de cela.

✿ On a tous son petit ego et moi, Inasmir, le sorcier légendaire, n'échappe pas à ce vice. Alors répondez donc à cette question, que pensez-vous de moi?
Nous, Dessinateurs, n'avons jamais eu d'atomes crochus avec les Sorciers. Je n'échappe pas à la règle. Les Sorciers m'ont toujours paru trop vaniteux, trop démonstratifs de leurs pouvoirs. Certes ils peuvent être puissants, mais de là à se croire les plus forts... Il est surement possible que des Sorciers ne soient pas comme ça, mais la majorité reste dans cette idéologie. La vanité d'Inasmir était sans limite. Il était le meilleur, et voulait le montrer à la populace. Lorsque cette dernière l'a mis de côté, il a fui en emportant ce qu'il avait créer de plus utile, pour prouver qu'il reste inestimable. Je trouve cet acte égoïste et dénoué d'humanité. Vous comprendrez donc que je ne le porte pas très haut dans mon cœur.

✿ La chute du Bouclier aurait secoué toutes les terres mais il y a des gens que cela laisse de marbre, je serai curieux de savoir si vous êtes une de ces personnes.
La chute de ce mur est une catastrophe. Il n'y a pas d'autres mots pour qualifier ce qu'il s'est passé. Inasmir a eu un acte complètement inhumain. N'a-t-il pas pensé au nombre de morts qu'il y aurait ? Les légendes de Hardan lui ont pas suffit ? Ce Sorcier est un monstre, tout simplement. Tous les matins il faut comptabiliser les morts. Tous les matins leur nombre est affligeant. Combien de temps pourrons-nous encore tenir ? Les créatures démoniaques sont inépuisables, les hommes non. Il faut retrouver le Sorcier et l'Inquisitrice déchue, il n'y a pas d'autres solutions. Ou ce sera notre fin.

✿ Mais dites-moi mon amie, racontez-moi donc un peu ce qui fait de vous un être si exceptionnel...
Mon ambition est surement ce qui me rend différente. Certes, je ne suis pas la seule à avoir ce trait de caractère, mais si vous ajoutez ma détermination et mon implication dans ce que je fais, vous penserez que je suis faite pour devenir "quelqu'un", pour faire "quelque chose" de ma vie. Quoi ? Je ne le sais pas encore. Depuis toute petite j'aspire à une vie hors du commun, une vie qui me porterait au sommet de la gloire, tout comme l'a été Inasmir. Mon don de Dessinateur s'est révélé plus tôt que la moyenne, ce qui est un signe. Je suis une enfant prometteuse. A 16 ans j'équivaux un Dessinateur confirmé, et je ne compte pas m'arrêter là. Oui, mon ambition et ma détermination, c'est qui me rend différente.

✿ Tous les goûts sont dans la nature, n'est-ce pas? Alors éclairez-moi donc sur les vôtres...
Ce que j'aime plus que tout ? Contrôler. Je ne dis pas que je suis une manipulatrice. Disons simplement que j'aime avoir la situation bien en main. J'aime savoir que tout est sous contrôle. Je sais ce que je veux, ce que je vaux, et ce qu'il faut faire pour que j'ai ce que je désire. Je n'aime pas les surprises, pas les évènements imprévus. Une autre chose que j'apprécie tout particulièrement : manger. Au niveau du quantitatif, pas du qualitatif. Mes parents aimaient dire que j'étais un ventre sur pattes. Maintenant que je suis seule, je le vois plus comme un inconvénient. J'aime être seule, voyager, découvrir de nouveaux paysages. L'astrologie me passionne, ce qui est normal vu que la déesse m'envoie des messages à travers les étoiles.

✿ Tout le monde veut quelque chose, il suffit de découvrir ce que VOUS vous désirez.
Si vous ne l'avez toujours pas compris, c'est que vous êtes sots. Je veux devenir une personne importante, marquer les esprits. Je veux être reconnue comme étant une grande Dessinatrice. Mes pères m'ont toujours qualifié d'enfant prometteur, Eydis elle-même m'envoie des messages par le biais de l'astrologie. Tout porte à croire que mon destin est tout tracé, et je suis impatiente de connaitre de quoi il s'agit. Le monde a besoin de moi, je le sais, je le sens. Et Eydis pense que je suis de ceux qui sont en mesure de rétablir la paix et la prospérité.

✿ Et les autres dans tout ça.
J'ai toujours été une enfant intelligente et maligne. Narcissique, il fallait que le monde tourne autour de moi. J'ai toujours raison, et j'aime que les autres le sachent. Mon âge inférieur à la moyenne ne m'a pas porté préjudice, au contraire. J'aspire un certain respect, et j'en profite pour imposer mes pensées. Cependant, la quête qu'Eydis m'a confiée me rend plutôt solitaire et m'accapare. Comme si j'étais dans une bulle. J'en oublie quelque fois le monde qui m'entoure, me concentrant uniquement sur ma destinée.

« On ne peut pas revenir en arrière ; c’est pas facile de choisir, il faut faire le bon choix. Tant qu’on ne choisit pas tout le reste est possible. »
Mon enfance fut un continuel choix. Un choix qui opposait deux avenirs tout tracés et totalement différents : devenir une grande guérisseuse comme l'était ma mère, ou au contraire devenir une femme instruite grâce à l'éducation de mon père. Mes parents n'ont jamais été d'accord sur ce point, ni d'ailleurs sur aucun autre. Ils n'avaient, en réalité, aucune raison d'être ensemble. Ils ne partageaient aucun lien, mis à part moi. Pourquoi s'être mariés alors ? C'est la simple histoire d'une jeune femme insouciante se laissant aller un soir avec un bel inconnu. Le malheur fit qu'elle tomba enceinte, et que donc, pour éviter le déshonneur, elle se maria avec le bel homme. Un mariage bâti sur les plaisirs d'un soir, et sur un enfant, moi. Je ne dis pas qu'ils n'étaient pas heureux, au contraire. A vrai dire, leur seule joie était que je sois là. J'étais tout pour eux. Et mon avenir les intéressait beaucoup. Trop, peut-être. Ils m'imposèrent un simple choix : être comme ma mère, ou comme mon père. Un choix impossible car je les aimais tous deux autant, et je ne voulais faire de mal ni à l'un, ni à l'autre. Alors pendant toutes ces années, je repoussais ce choix impossible, laissant planer le doute sur ma décision que je redoutais de devoir prendre. Ma mère me donna des cours rudimentaires sur les bases pour devenir une bonne guérisseuse, quant à mon père, il m'envoya chez un précepteur dans une grande ville, même si pour cela il dût grignoter les économies qu'il avait fait pendant plusieurs années. Ils voulaient que j'ai le meilleur, et que je m'épanouisse dans le domaine que je choisirais.

Des deux je n'ai jamais pu choisir. Peut-être était-ce parce qu'après tout je devais suivre ma propre voie, mon propre avenir, et non suivre celui d'un de mes parents. Lorsque mes onze ans survinrent, un pouvoir apparut en moi. Un pouvoir qui me fit ouvrir les yeux sur un autre monde que celui que mes parents m'avaient peint. Une nouvelle porte s'ouvrait, et une porte que je ne pourrais laisser fermer. Mon don était celui d'un dessinateur. Rien à voir avec ma mère, et encore moins avec mon père. D'où venait-il alors ? Surement un membre éloigné de la famille. Dans tous les cas, aucun de mes deux parents n'en avaient de reconnus dans leur arbre familial.

La chance me sourit car, malgré la petitesse de mon village, une autre dessinatrice avait élu domicile en ce lieu. Mes parents me placèrent sous sa tutelle, et c'est avec elle que je partis vers l'école des dessinateurs. Je dois avouer que j'étais très excitée par la tournure que prenait ma vie. Je n'avais ni été passionnée par le don de guérison, ni par l'éducation pour avoir un travail de haute fonction. Être dessinatrice, c'était mon idéal, ce pour quoi j'étais faite, sans pour autant qu'auparavant j'eus été capable de dire que c'était ça que je voulais faire.

Du statut de dessinateur, avant d'arriver dans cette école, je ne connaissais rien. Mes parents avaient toujours eu une sorte de fascination par rapport à eux, une crainte du fait qu'ils pouvaient créer n'importe quoi, mêlée à l'envie de pouvoir réaliser ce qui était humainement irréalisable. C'était d'ailleurs en général ce que la populace pensait d'eux. J'étais fière d'être à présent une créature fascinante, d'imposer la crainte sans que je n'ai à avoir une belle armure ou une arme imposante.

Je réalisai, une fois arrivée à l'école, que j'étais plus jeune que la plupart des autres étudiants de mon âge. J'avais en moyenne sept ans de moi qu'eux, et passai donc pour une enfant assez précoce. Une réputation assez flatteuse naquit à mon sujet. Les élèves ainsi que les professeurs me portaient une attention particulière. Je ne dirais pas que j'étais la petite princesse, mais disons qu'au moins je n'étais pas une vulgaire anonyme. Je voulais entretenir cette réputation, c'est pourquoi je m'entourais de personnes plus âgées que moi. Nous parlions souvent de l'existence de notre don, des problèmes du monde... Des conversations qui n'étaient, en somme, pas de mon âge. Ma maturité grandit à ce moment là. Côtoyer des personnes plus âgées me permit d'avoir une autre vision du monde. Les querelles amoureuses ainsi que les histoires de princes charmants me paraissaient infantiles. Je ne rêvais plus d'un mari riche, d'un avenir à élever des enfants. Non, mon destin était ailleurs, et il devait immanquablement être solitaire. J'ai travaillé dur pendant ces cinq années, restant sur le droit chemin. J'étais minutieuse, pointilleuse, et surtout déterminée et ambitieuse. Je voulais réussir, je voulais être la meilleure. Et même si ce n'est pas vraiment le cas, je suis loin d'être la moins douée de l'école. Mon niveau est assez impressionnant comparé à mon âge enfantin. Et il ne cesse d'augmenter au fil des mois et des entrainements que je m'oblige à faire chaque jour. Dessiner est une véritable passion. C'est comme une partie à part entière de mon corps. Un élément vital. Sans mon don, je ne serais plus rien.

Suite à ces cinq années, j'avais atteint une maturité d'esprit peu commune. Fière de pouvoir avouer à voix haute que j'avais trouvé la voie de mon destin, je partis sur les routes. Le monde avait besoin de moi. Inasmir avait trahi tous les peuples, et le Bouclier avait disparu. Au fond j'ai l'espoir de pouvoir contribué à sa remise en fonction, sans cependant trop savoir encore comment. Mon avenir est flou, et les pièces se dévoilent au fur et à mesure. Je voyage souvent seule, car je pense qu'un compagnon serait un fardeau. On est jamais mieux servi que par soit-même. Je sais que la déesse Eydis est là pour me guider. Via les étoiles, elle communique avec moi et me donne des instructions que je suis à la lettre. Qu'attend-elle de moi ? Cela reste encore un mystère. Mais quoi qu'il en soit, je ne la décevrais pas.