• • Breanne ϟ Juste de quoi rêver encore || Terminée !

- L’épée est bien trop lourde, elle n’arrivera jamais à la soulever…

Breanne releva instantanément la tête, dardant sur Thorne un regard sombre et colérique, enfant vexée dans son orgueil. Bien sûr que si, elle était capable de soulever cette épée d’homme. Mieux, elle était même capable de charger avec, de se battre avec, comme un guerrier, comme ses frères… Elle avala sa salive, resserrant ses doigts fins autours du pommeau, la peau de ses articulations déjà rouge d’avoir cogné plusieurs fois contre la garde et jeta un nouveau regard dans la direction de celui qui avait parlé. Thorne était ce qu’on appelle couramment un ami de la famille, concept étrange car il n’était en fait l’ami de personne, vaguement le compagnon favori de l’ainé des enfants Villeryn. Ce dernier se tenait d’ailleurs à ses côtés, il se nommait Lubin et ressemblait tellement à son père que c’en était frappant, déroutant… Choquant pour certains, même. Mais clairement avantageux pour le jeune homme. Il n’avait pas vingt ans que déjà on le respectait autant que le patriarche, on le craignait même plus à vrai dire et ce grâce à quelques faits de braconnages et de nombreuses rixes, toujours menée de concert avec Thorne, le fils du forgeron… Lubin était la tête, l’autre était le bras, ils s’accordaient parfaitement mais restaient quelques points sensibles. Breanne en était un.

- Je ne la sous-estimerais pas, si j’étais toi… n’oublie pas qui lui a apprit à la tenir, cette maudite épée…

Le rire de Lubin, plus que ses propos, galvanisa l’adolescente. Dix-sept ans, les joues encore rondes, le corps encore frêle et les cheveux devant les yeux, malgré le ruban censé les retenir… Dix-sept ans et la volonté d’un soldat, la fougue d’un cheval sauvage, l’inconscience de l’enfant qu’elle n’était plus. Breanne adressa un sourire à son ainé, jetant ensuite un regard par-dessus son épaule pour adresser un clin d’œil amusé aux plus jeune. Les trois garçons étaient appuyés contre la barrière de l’enclos, regardant avec intérêt le spectacle, sachant pertinemment qu’il allait être distrayant, pour peu que la petite blonde arrive à agacer le fils du forgeron. Et cela ne serait pas dur, le jeune homme ne supportait pas l’idée qu’une femme puisse se battre, encore moins qu’elle puisse potentiellement être meilleure que lui. Pour lui, la place de Breanne était à l’intérieur de la demeure qui s’élevait derrière lui, de l’autre côté de la cour. Elle aurait déjà dû être mariée, porter un enfant, ou par dépit être entrain d’aider sa mère… Mais non, à la place et pour son agacement le plus complet, elle se trouvait une fois de plus dehors, à s’abîmer les mains et à se comporter comme un garçon, défiant tout le monde et se prenant pour un guerrier, à vouloir soulever une arme à moitié aussi lourde qu’elle… Ridicule, pour Thorne du moins.

- En fait, je suis sûre qu’il se tient à distance simplement parce qu’il a peur de finir par terre…

La voix fit sourire Breanne. Mannech n’avait que dix ans, c’était le petit dernier mais déjà il connaissait l’art de manipuler les plus fonceurs, les plus bêtes. Pas besoin d’avoir inventé l’eau tiède pour prédire la réaction du forgeron. Ce dernier se redressa, croisant les bras sur son torse et affichant un air mauvais. Il ne pourrait pas rosser le garçon, il ne se le permettait pas, par amitié ou du moins par crainte pour Lubin et le reste du clan Villeryn et pourtant, ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Et c’était exactement le but de la manœuvre, l’agacer, le titiller, assez pour qu’il provoque la jeune femme, assez pour qu’il fonce tête baissée en oubliant ses bonnes manières.

- Tu crois ? Moi je pense plutôt qu’en fait, Thorne ne veut pas montrer qu’il n’arrive pas à soulever une lame comme celle-ci. C’est pour cela qu’il est si inquiet à mon propos, il ne voit pas comment je pourrais réussir là où il échoue…

Un regard narquois plus tard, la jeune femme leva le menton et tendit ses épaules, comptant dans sa tête. Un, il va venir. Deux, il en crève d’envie. Trois, je sais qu’il m’aime et ne supporte pas de ne pas me voir écrasée par les hommes. Quatre, je vais lui apprendre ça implique que de me croire faible. Cinq, il va bouger… Et alors qu’elle atteignait le sixième cran, elle manqua d’afficher un sourire satisfait. Il avait en effet bougé, un pas, puis un autre, se saisissant d’un bâton et lui jetant un regard froid et condescendant, de ceux qui signifient clairement « Je ne prends pas une vraie arme car tu n’es pas un réel opposant, et puis je ne veux pas te faire mal, petite fille ». Breanne leva son arme et jeta un rapide coup d’œil à son ainé. Lubin la fixait, concentré et sérieux, il attendait surement beaucoup de ce petit affrontement, il voulait qu’elle gagne, qu’elle rabaisse le caquet de Thorne, ça aurait tellement plus d’impact si cela venait d’une jeune fille… Il lui fit un signe, un mouvement vers le haut « Tiens mieux ta lame, plus fermement, plus au niveau de ta tête, tiens la comme moi, pas comme un paysan qui ne sait pas s’en servir… » . Elle s’exécuta immédiatement, cachant le rictus qui déforma ses lèvres un bref instant alors qu’une douleur vive se propageait dans son dos. Oui, la lame était lourde, l’épée trop grande pour elle, pour son corps frêle, mais elle avait apprit qu’en ce bas monde, tout n’était qu’une question de volonté. Si elle voulait faire ses preuves, elle n’avait qu’à prendre son élan et frapper, aplatir Thorne et son égo…

Le premier coup fut sec et le son ne s’éleva pas. Bois contre métal, rien de bien impressionnant mais la jeune femme ne se démonta pas, déjà satisfaite par ce semblant de victoire. Si Thorne n’avait pas reculé d’un pouce, elle non plus, elle était restée campée sur ses positions, prête à frapper à nouveau. Prise d’élan et un coup supplémentaire, plus fort… Elle vit le grand forgeron accuser le coup, plier les genoux pour encaisser la charge et raffermir sa prise sur l’épais bâton qu’il tenait pour se défendre. C’était exactement la raison pour laquelle elle ne reculait pas. Oui, l’arme n’était pas adaptée à sa taille, elle aurait été bien plus rapide avec une dague entre les mains, seulement, arrivait un moment où tout cela tournait à son avantage, où elle utilisait le poids contre son opposant. Inspirant profondément et relevant la tête, elle fit un geste pour se reculer et relança immédiatement un nouvel assaut, un petit ânonnement passant ses lèvres entrouvertes alors qu’une fois de plus, la lame frappait violemment le bâton…

Penchée sur Thorne, une étincelle triomphante dansant dans ses yeux clairs, la jeune femme afficha un sourire amusée. Elle avait réussit, elle sentait le regard fier de Lubin qui l’englobait, elle avait réussit et elle jubilait. L’épée était loin, le combat s’était terminé à main nue, elle avait utilisé sa souplesse et sa petite taille pour déstabiliser le forgeron, faisant de la masse de muscles qu’il était un être pataud et maladroit, lent. Assise à califourchon sur lui, elle avait récupéré le bâton avec lequel il s’était battu et l’utilisait à présent à son avantage. Il n’avait pas voulu attaquer décemment sous prétexte qu’elle n’était pas assez solide et qu’il risquait de la blesser ? Et bien tant pis pour lui, à présent il payait ce machisme d’une honte carabinée !

- J’imagine que ça doit être… gênant, d’être à terre sous une fille…
- Rigole Gamine, ce n’est pas la première fois que je me retrouve coincé sous les cuisses d’une femme, il n’y a rien de déplaisant à ça…

Breanne fronça les sourcils et appuya un peu plus fort le bâton qu’elle lui avait arraché des mains, bloquant sa gorge pour qu’il se taise. Quel arrogant il faisait, vulgaire qui plus est. Elle était si contente d’être essoufflée, d’avoir les joues chauffées par le combat, cela empêchait Thorne de voir à quel point ce qu’il pouvait dire l’embarrassait. Le souffle haché à cause de la manœuvre de la blonde, le jeune homme reprit, amusé malgré tout :

- Mais encore faudrait-il qu’on puisse te qualifier de femme…
- Parce que te faire coller dans la poussière par une enfant est plus reluisant, peut-être ?

S’il voulait se montrer insultant, il fallait qu’il s’attende à se voir retourner chaque pique. Il la connaissait, depuis des années même, il savait très bien qu’elle n’était pas comme la plupart des créatures douces et sages, soumises, que l’on trouvait dans la région, à la ville. Breanne avait grandit dans les champs et les bois qui entouraient encore aujourd’hui la demeure Villeryn, immense bâtisse séculaire aux murs épais dont la fraicheur était appréciable pendant l’été mais redoutable durant les mois enneigés. Elle avait apprit à se battre et à tenir une épée, d’abord de bois puis ensuite munie d’une vraie lame, elle montait à cheval aussi bien que n’importe lequel de ses frères et surtout, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds. Thorne avait toujours été dans le paysage, malgré son statut d’Indigents, il était né le même jour que Lubin, les deux garçons avaient grandit ensemble. Naturellement, Breanne suivant de près son ainé, elle avait souvent été dans leur pattes, enfant terrible et capricieuse… et puis de gamine elle était devenue adolescente, jeune et délicate, douce et attirante, de courbes encore brouillonnes en mimiques séduisantes, elle était passée du côté des femmes et le forgeron n’était pas resté insensible, même s’il s’en cachait bien. Il la regardait parfois, détournant vite la tête quand Lubin approchait, il avait même cherché à l’embrasser à quelques occasions et même si Breanne l’ignorait, trois ans auparavant il avait trouvé le patriarche pour lui demander la main de sa fille unique. La réponse avait été bâclée, l’homme ne voulait pas vexer celui qui s’apparentait comme étant le frère de lait de son ainé. Il avait évoqué le jeune âge de la petite, quatorze ans, il avait annoncé que tant qu’elle n’aurait pas ses menstrues il ne la considèrerait pas comme autre chose qu’une petite fille et que Thorne devrait attendre. Le véritable espoir était bien entendu que le forgeron n’attende pas et se trouve une femme de son rang à épouser et non pas une blasonnée. Cela n’avait pas été dit cependant, alors les choses n’avaient pas vraiment changé. Le père était parti plus au sud pour combattre, cela faisait bientôt deux ans que Lubin était en charge de la famille… Et que Breanne faisait ce qu’elle voulait, à savoir se comporter comme si le Seigneur Villeryn avait cinq fils au lieu de quatre.

Perdue dans la délectation de sa victoire, la jeune femme n’avait pas entendu le tumulte autours d’elle. Son regard était fixe, braqué sur Thorne, son corps tendu et près à réagir à la moindre tentative pour la déstabiliser. Elle était concentrée, tellement qu’elle n’avait pas remarqué ce qu’elle attendait pourtant depuis si longtemps. Un cheval avait remonté l’allée principale, celle bordée d’arbres qui menait de la route du village à la demeure. L’animal était solide, grand, un hongre gris capé pommelé, puissant et vif, familier surtout. Hagen renâcla alors qu’il s’approchait des écuries, traversant la cour de son allure amblée si caractéristique, l’hackamore et le reste du filet tintant quand son cavalier tira dessus pour l’arrêter. La bête souffla mais Breanne ne releva pas la tête, trop concentrée, ignorant les cris de joies de ses frères, les apostrophes heureuses de sa mère. Elle ne bougea que lorsque le cavalier se saisit d’elle, s’étant rapproché à vive allure. Une poigne de fer se ferma autours de son bras, la soulevant avec violence et la dégageant de celui qu’elle maintenait au sol. Le regard clair de la jeune femme se posa sur le visage de l’intrus et elle reconnu son père, souriant avec fierté et soulagement… seulement pour mieux déchanter. Une main fendit l’air, s’écrasant sans vergogne sur sa joue ronde en une gifle retentissante, assez forte pour qu’elle finisse à terre et que l’animal piaffe, soudain nerveux face à la tension.

- Père, arrêtez, ce n’est qu’une enfant, elle ne pense pas à mal…

Alors que du sang perlait à sa lèvre, Breanne releva la tête et à travers les larmes de douleur qui embuaient déjà ses yeux, elle vit Lubin qui accourait, cherchant à s’interposer entre l’homme qui venait d’arriver et sa petite sœur. Seulement, le cavalier semblait hors de lui et il éructa instantanément :

- Et lui, c’est un enfant peut-être ?

Il regarda Thorne d’un air mauvais. Le forgeron s’était redressé, cherchant une issue, ayant comprit sa faute. Jamais il n’aurait dû se battre contre Breanne, jamais il n’aurait dû poser ses mains sur elle, même si ce n’était que pour jouer…

- Je… Seigneur Villeryn, pardonnez mon…
- Silence… sors de mon domaine, ne reviens plus… Et déjà, le père avait posé ses doigts sur la garde de son épée, se faisant menaçant…
- Père, se scandalisa Lubin, s’approchant de son géniteur. Père, vous savez très bien qu’il ne lui ferait jamais de mal, qu’il…

Un revers de main parti à nouveau, fendant l’air et allant s’écraser contre la mâchoire de l’ainé, qui fit un pas en arrière, accusant le choc et baissant la tête, honteux.

- Je t’avais demandé de la protéger. Je t’ai laissé les rennes de cette maison, je voulais que tu sois digne de moi, pas que tu laisse ta sœur se comporter comme une fille de joie doublée d’une barbare… tu crois que c’est digne de son rang que de se trainer comme ça dans la terre, de s’afficher ainsi avec un homme ? Répond moi Lubin, tu le crois ?

Serrés les uns contre les autres, observant la scène avec tristesse et crainte, Abraël, Mannech et Brigan furent bientôt rejoint de leur mère, petite femme replète mais douce et aimante, au visage bon. Cette dernière vit Breanne en pleurs, à terre et en sang et il ne lui en fallut pas plus pour briser le silence et l’immobilité soudaine de la scène. Saisissant les plis de sa robe afin d’avancer plus vite, elle traversa la cour et s’approcha de sa fille unique, se baissant tout de suite et levant les mains pour regarder les dégâts de la plaie. La peur dans les yeux de la jeune fille confirma ce que les larmes laissaient à penser…

- Avez-vous perdu la tête ? Qu’a-t-elle fait pour mériter que vous la frappiez ainsi ?

Se retournant et jaugeant sa femme, la mère de ses enfants qu’il n’avait pas vu depuis près de deux ans, il lâcha d’un ton froid :

- Vous l’avez laissez faire, vous n’avez donc aucun bon sens ? Pensez vous que c’est avec des mains de palefrenier et la peau tannée qu’elle trouvera un époux, qu’elle nous fera honneur ?

Silencieuse, Breanne accusa un long tremblement qui s’empara de tout son corps et à nouveau, elle baissa la tête. Déception, elle l’avait déçu, elle n’était pas à la hauteur, c’était de sa faute. Il avait frappé Lubin et s’en prenait à présent à sa chère mère, tout ça à cause d’elle et de ses lubies d’enfant. Elle ne voulait pas courber l’échine mais elle savait que c’était égoïste…

- Cela ne fait que me décider un peu plus, elle partira pour Dinas Uchel dès demain…
- Dinas Uchel ? à la cour ? Mais pourquoi ? Elle n’a jamais été loin de nous, de moi…

Ne regardant plus les femmes de son clan, il retira ses gants de cuir et les jeta dans la direction de Brigan, le suivant après Breanne. D’un geste sec, il lui ordonna de s’occuper de la monture qui attendait et qui accusait ouvertement un long voyage.

- J’ai gagné quelques honneurs sur le front, on m’a offert une place pour elle… j’hésitais en pensant que la séparer de ses frères n’étaient pas bon mais il est clair maintenant qu’elle n’a plus sa place ici… servir la Reine lui apprendra peut-être à se tenir, si elle veut me faire honneur et ne pas perdre son nom, au moins…

Et sur ça, alors que Breanne se pelotonnait contre sa mère, soudain effrayée et choquée par la décision, il quitta la scène, laissant derrière lui ses enfants. Au loin, à la lisière des bois menant jusqu’à sa chaumière, on pouvait encore voir la silhouette de Thorne. Il s’était arrêté et regardait la suite des événements, il avait même surement entendu ce qu’il venait de se dire… Lubin s’approcha du large lavoir de pierre qui trônait dans la cour et rinça sa bouche, prenant ensuite un linge et l’imbibant afin de l’apporter à sa sœur. Il s’agenouilla et lui fit tourner la tête afin de nettoyer le sang et d’essuyer les larmes.

- Ne va pas lui dire au revoir, écoute père et fait ce qu’on te dit, je t’en prie, avant qu’il ne te tue, obéis pour une fois dans ta vie…

Brenna avala difficilement sa salive et jeta un coup d’œil à Thorne, puis dans la direction de la maison, balayant ensuite ses cadets du regard et revenant sur son grand-frère. Elle hocha la tête en silence, consciente que se battre ne servirait à rien. Si elle pouvait plaquer un forgeron au sol, elle ne pouvait rien contre son père. Elle grimaça sous la douleur que lui infligeait la plaie, n’entendant qu’à peine sa mère qui se plaignait tout bas, grommelant que la marque resterait là des semaines et qu’il n’avait pas le droit de lui arracher ainsi sa seule fille.

L’erreur était là. Il avait tout les droits sur eux six et Breanne partirait, parce qu’il en avait décidé de la sorte.

Pseudo : BansheeDust
Âge : bientôt 21 ans
Sexe : Féminin. Enfin je crois.
Comment avez vous découvert le forum? Par le LJ. Je cherchais des avatars "Vintage" de James McAvoy et boom, je suis tombée chez vous, en grande maladroite que je suis
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