Echo des Plaines : Chapitre VII ▬ Le Retour d'Inasmir


 
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 E&A ❖ Des oiseaux, l'envergure...

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MessageSujet: E&A ❖ Des oiseaux, l'envergure...   E&A ❖ Des oiseaux, l'envergure... EmptyMar 01 Fév 2011, 11:25

Il y a là la peinture, des oiseaux,
l'envergure qui luttent contre le vent.
Il y a là les bordures, les distances,
ton allure quand tu marches juste devant.


Où était passé ce satané rôdeur ? Chaque fois qu'elle désirait aller quelque part, il le lui en empêchait toujours, lui rappelant combien il était important qu'ils restent tous deux ensemble – ils ne se connaissaient que depuis peu et pourtant, la jeune femme ne comptait déjà plus les fois où il lui avait prédit une mort prochaine si elle décidait de vagabonder seule.
Et malgré tout, chaque fois que la situation était critique, elle finissait par se retrouver seule et, jusque là, elle ne s'était pas sentie fautive. En un mot, il lui semblait que Accolon disparaissait chaque fois qu'elle avait besoin de lui. Évidemment, lui même était peut-être occupé à sauver sa propre peau mais cette pensée n'avait pas même effleurer la singulière qui, depuis toujours, pêchait par égoïsme.

Ventre à terre, plaquée contre un sol rocailleux dont le contact endolorissait ses fines mains de blasonnée, Elvire frémissait. À moins de dix mètres d'elle gisait le cadavre d'un homme qu'une créature de l'enfer avait déposé là avant de repartir à l'assaut de la ville. L'odeur nauséabonde qui s'en dégageait emplissait déjà ses narines et Elvire se sentait proche du malaise. Elle retenait sa respiration aussi bien qu'elle le pouvait mais, entre deux inspirations, elle se sentait défaillir. Elle se serait bien déplacée mais elle avait bien trop peur d'être repérée par un des monstres qui volaient à quelques mètres au dessus de sa tête, et ce malgré les grands arbres qui représentaient un abri de fortune. De toute façon, ses membres étaient paralysés d'effroi et si son corps ne répondait pas là où sa volonté faisait défaut, Elvire resterait plantée là jusqu'à ce qu'on vienne la chercher, sinon jusqu'à ce que l'odeur de décomposition devienne trop insupportable pour demeurer à cette place.
Avant la chute du mur magique qui faisait la renommée de la ville et qui garantissait la protection des habitants, la jeune fille n'avait jamais connu le malheur – le véritable malheur. Elle n'était qu'une jeune femme fraichement sortie de l'adolescence lorsque le bouclier s'était évanoui et Elvire pensait, en jeune effrontée qu'elle était, avoir déjà vécu tout ce qu'il y avait à vivre. Elle avait eu une chèvre, lorsqu'elle était enfant, et, le jour où son fétiche animal était mort – emporté par la vieillesse – Elvire avait pleuré à chaudes larmes. Son père l'avait consolée tout en se demandant ce que réserverait l'avenir à une enfant si sensible et émotive : après tout, si la perte d'une chèvre la bouleversait tant, qu'en serait-il lorsque la mort lui arracherait des êtres chers, une amie, un fiancé, un père ?

De l'ironie, lorsqu'on y songeait à présent. La jeune femme avait vu nombre de ces jeunes amis partir, un soir, protéger la ville et elle ne les avait jamais revu. Depuis, la mort s'était répandue autour d'elle comme un lieu commun. Et puis elle avait perdu l'une de ses plus fidèles amies. Ça l'avait secouée, évidemment, mais elle avait eu si fort à faire depuis que cette tragédie lui semblait déjà lointaine. Heureusement. Car dès qu'elle s'arrêtait, dès qu'elle s'abimait dans la contemplation du ciel, d'une fleur, d'un paysage ou d'un oiseau, les souvenirs l'assaillaient. Elle n'avait plus, pour l'heure, le loisir d'y songer.
Et que dirait son père s'il savait qu'aujourd'hui, la vue d'un cadavre au bord de la décomposition laissait sa chère et tendre fille de marbre ? Car, si elle tressaillait, ce n'était pas d'émoi pour cette vie emportée mais parce qu'elle craignait pour la sienne. Non, elle ne voulait pas mourir, ne pouvait pas mourir.

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MessageSujet: Re: E&A ❖ Des oiseaux, l'envergure...   E&A ❖ Des oiseaux, l'envergure... EmptyDim 13 Fév 2011, 19:46

Combattre de telles créatures relevait de la folie, face aux engeances de Vorlun il n'existait que la fuite. Courir pour survivre. Les poumons brulant, les muscles crispés, Accolon s'engouffra dans la petite forêt qui bordait Cathairfàl avec l'énergie du désespoir. Le vent sifflait à ses oreilles, les branches fouettaient son visage, il trébucha plusieurs fois, pourtant il ne prêtait pas plus attention aux écorchures de ses mains qu'aux plaies de son visage tant la peur l'avait plongé dans un état second.
Il avait survécu à la colère d'un dragon, à l'instinct maternel de plusieurs arachnées, ses yeux avaient été témoins de maintes horreurs au fil de ses voyages. Il était le roc que rien ne peut ébranler, la force tranquille qu'on ne peut surprendre. Alors, pourquoi la vision de cet être des enfers le renvoyait au petit garçon qu'il était il y a une éternité, un enfant fragile qui tremblait sous ses couvertures la nuit venue tant l'histoire du troll des montagnes l'avait terrifié. C'était ça, une peur primaire, enfantine, une terreur qui transforme les entrailles en plomb et efface du cerveau toute trace de pensées cohérentes.

Il bondissait par-dessus les troncs tombés à terre, plongeait dans les fourrés pour réapparaître plus loin, bifurquait à 90 degrés sans avertissement. Il avait - au cours de sa vie - bien assez observé les animaux pour savoir quelles attitudes les proies observent pour garder la vie sauve, surprendre l'ennemi, ne jamais lui laisser l'occasion de deviner votre prochain mouvement. Pourtant, ce monstre n'avait rien du renard courant le lapin, Accolon pouvait user de toutes les ruses qu'il connaissait, cette créature le talonnait toujours, rien ne semblait pouvoir le ralentir.
Les jambes du rôdeur hurlaient de douleur et pendant qu'il éprouvait les dernières limites de son corps, un grand fracas fit trembler la forêt, le projetant à terre dans un geyser de boue. Cloué au sol par la force du choc, peinant à reprendre ces esprits, il entendit les arbres se briser tandis que tout autour de lui semblait être agité par un séisme. Comment Eydis pouvait-elle infliger tant d'atrocités aux enfants de Lanriel, comment une mère pouvait-elle ainsi faire souffrir sa propre progéniture ?

Une énième secousse acheva de lui rendre toute sa conscience, il se releva péniblement et le spectacle qui s’étendait devant lui le pétrifia. Une autre créature était venue attaquer celle qui chassait Accolon. Un combat de titan s’était engagé et il en était sans doute le trophée. Il eu soudain une conscience aigüe de la puissance du sorcier qui avait invoqué de tels serviteurs et du destin de tous les hommes si personne ne pouvait briser la malédiction. Cathairfàl finirait par tomber, bientôt Lanriel entier ne serait plus qu’un souvenir, même les fiers dragonniers sur leurs montures ne pourront pas repousser le mal dans sa forme la plus vile. Le désespoir, la peur et enfin l’adrénaline se répandirent dans son corps meurtri. La bouche ouverte sur un cri muet, il s’enfuit en direction de la cité.

Jaillissant des sous-bois comme un diable hors de sa boîte, il traversa le champ de bataille sans un regard pour le soldat blessé tentant de retenir ses entrailles, ni même pour celui se faisant dévorer vivant. Il n’entendait pas les bruits métalliques des épées et des armures, pas plus que les cris.
Dans sa course son pied rencontra la masse lourde et molle d’un corps et il s’effondra de tout son poids sur un autre cadavre, un cadavre qui grognait et bougeait. Dans un moment d’intense horreur il vit une armée de morts se lever et partir à la conquête de Cathairfàl, il saisit l’abomination et la força à rester à terre, mais quelque chose clochait. La finesse de ces poignets, ces vêtements et même cette voix.
« Elvire ? Par Eydis, Elvire ? Il la relâcha et se plaqua au sol à ses côtés. Il eu honte, simplement, honte de s’être laissé aller à de telles élucubrations – des morts-vivant, vraiment ? – d’avoir brutalisé la femme qu’il s’était juré de protéger. Elvire, je suis désolé, je pensais… » Un cadavre en morceaux s’écrasa à quelques centimètres d’eux, les éclaboussant de sang autant que de tripailles. Un regard vers sa compagne suffit à informer Accolon qu’elle ne tiendrait pas sa position bien longtemps, elle avait été témoin d’assez d’horreur et si son esprit ne pouvait se reposer loin des ignominie de ce monde, le rôdeur craignait que quelque chose ne se brise en elle. Si même les meilleurs des soldats perdaient l’esprit face aux créatures des tréfonds, il ne donnait pas cher de celui d’une jeune blasonnée.

« Tu peux marcher ? Tiens-toi prête à mon signal on court tous les deux vers la ville, suis moi et tout ira bien » Son coeur doutait, mais il lança à la jeune femme un regard qu'il voulait plein d'espoir. Il s'accroupit et aida Elvire à se placer dans la même position, il attrapa sa main et la sentit particulière fragile entre ses doigts. Il devait l'emmener en sécurité. D'un signe de tête il donna le signal et ils s'élancèrent tout deux en directement d'une Cathairfàl plongé dans les ténèbres, le plan d'Accolon était simple, il visait la caserne où il avait reçu son instruction militaire, ils pourraient trouver refuge derrière ses murs robustes.



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Dernière édition par Accolon Cil-Gandra le Dim 05 Juin 2011, 03:15, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: E&A ❖ Des oiseaux, l'envergure...   E&A ❖ Des oiseaux, l'envergure... EmptyMar 29 Mar 2011, 13:26

Si le vent n'avait pas continué à déverser tout son courroux dans le flot des branches au dessus de sa tête, Elvire aurait presque pu croire que le temps s'était arrêté. Tout autour d'elle était paisible mais cette accalmie, loin d'être sécurisante, ne présageait rien de bon. Le calme était irréel et reflétait les troubles du monde, il empestait la mort.
Comment la Déesse pouvait-elle tant faire souffrir ses enfants était une chose que la mortelle ne comprenait pas et si sa foi n'était pas intacte, Elvire aurait pu s'en sentir trahie. Pour l'heure, évidemment, de tels desseins étaient loin de tourmenter le fil de ses pensées.

Pourtant, elle devait être dans une sorte de transe car elle ne s'aperçut pas de la venue d'un homme auprès d'elle : Accolon l'avait retrouvée. À vrai dire, elle ne sentit sa présence qu'au contact de sa main rugueuse sur son épaule. Elvire sentit son sang se glacer et remonter le long de son échine, brusquement consciente qu'il appuyait sur une zone endolorie de son corps.
Avec un subtil mouvement de tête, elle osa un regard sur son bras gauche. Les pans de vêtement qui recouvraient autrefois son épaule étaient tout déchirés et immaculés du sang qui continuait de couler abondamment. Quelques jours plus tôt, Elvire aurait sans doute été prise d'une fourbe et incontrôlable panique mais à cet instant, elle relativisait. Non seulement une épaule égratignée ne valait pas grand chose à côté de sa vie qu'elle devinait encore en danger, mais, surtout, elle avait, lors de sa fugue, rapidement compris quelques règles élémentaires de la vie d'aventurier. En effet, comme son bras ne la faisait pas plus souffrir que ça, elle eût tôt fait d'en déduire, forte de ce qu'elle avait appris, que son épaule était seulement écorchée. Rien de grave, il suffirait de veiller à ce que la plaie ne s'infecte pas.

« Elvire ? Par Eydis, Elvire ? … Elvire, je suis désolé, je pensais… »

Encore sérieusement déconnectée de la réalité, la jeune femme prit à peine conscience que son compagnon la secouait comme un vulgaire poireau. Pire, peut-être l'avait-il crue morte. Quoiqu'il en soit, elle n'avait ni le cœur ni l'esprit à s'en formaliser pour le moment et, de toute façon, sans doute ne lui resterait-il qu'un vague souvenir de ces instants.

Nouveau moment de trouble.
Que venait-il ne se passer ? Elvire n'aurait su le dire. Par crainte, elle avait fermé les yeux en entendant un sinistre craquement tout près d'eux et crut, l'espace d'un fol espoir, qu'il s'était mis à pleuvoir. En temps normal, ce craquement aurait pu être le grondement du tonnerre et cette pluie aurait pu tomber du ciel. C'était ainsi qu'était écrite l'histoire, c'était ainsi que les choses devaient se passer.
Mais rien n'était plus normal autour de Cathairfal et le décor planté relevait plus de l'anarchie et du chaos qu'autre chose. Il pleuvait des cadavres et les goutes qu'elle avait senti s'écraser sur son visage et sur sa peau était du sang. Une pluie de sang.

« Tu peux marcher ? Tiens-toi prête à mon signal on court tous les deux vers la ville, suis moi et tout ira bien. »

Pouvait-elle marcher ? Elvire en aurait douté si elle en avait eu l'occasion mais Accolon, prenant les initiatives, la saisit et la força à se relever.
Elle aurait aimé être forte et pouvoir parler. Signaler au rôdeur que tout allait bien pour elle – même si, au fond, c'était un mensonge – et qu'elle était prête. Qu'elle attendait son signal et qu'il pouvait compter sur elle parce qu'elle ne flancherait pas. Mais c'était autant de choses qu'elle était incapable de faire, aussi se contenta-t-elle d'un faible hochement de tête. C'était toujours mieux que rien.

La singulière n'avait jamais vécu une telle expérience mais son instinct de survie supplanta les entrainements qu'elle n'avait jamais suivi. Accolon lui fit signe et tous d'eux s'élancèrent hors des buissons et gagnèrent vite le cœur de la ville.
Elvire était harassée. Son cœur battait à la chamade et ses respirations étaient saccadées, si bien qu'elle pensait ne jamais pouvoir retrouver son souffle normal. Si ça n'avait tenu qu'à elle, elle se serait effondrée là, au milieu de nulle part, attendant que le petit jour se lève et que quelqu'un vienne la cueillir. On la traiterait d'abord avec compassion puis, lorsqu'elle raconterait son histoire, on se souviendrait du meurtre dont elle était accusée et de sa fuite : elle finirait enfermée et croupirait au fond d'un trou jusqu'à la fin des temps. Cette alternative lui semblait pire que la mort, elle qui aimait tant la liberté, et ces sombre pensées – égoïstes – lui rendirent un ultime regain de vigueur.

Éprouvés, ils avançaient à pas lents mais ce n'était pas un problème, dans les ruelles de Crìfderau Maes qu'Elvire avait immédiatement reconnu, tout était calme et il n'y avait pas âme qui vive. Dans le pire des cas, ils croiseraient un ou deux ivrognes à la sortie d'une taverne qui ne prêteraient nulle attention à eux s'ils restaient discrets.
Ils passèrent ainsi devant plusieurs enseignes sans jamais s'arrêter et, parfois, Elvire lançait un regard de biais à son compagnon, attendant de sa part une réaction. Depuis le début de leur cavale, c'était clairement lui qui les guidait et qui prenait les décisions et si, ce soir, il marchait à grandes enjambées, s'il ne sourcillait pas, la blasonnée n'en savait pas mieux ce qu'il avait en tête.

« Où allons-nous ? » osa-t-elle demander dans un murmure à peine audible.

Et puis Elvire laissa échapper un rire nerveux, elle se faisait de plus en plus l'impression d'être l'héroïne d'une des histoires que lui racontait son père lorsqu'elle était enfant... C'était tellement invraisemblable.

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MessageSujet: Re: E&A ❖ Des oiseaux, l'envergure...   E&A ❖ Des oiseaux, l'envergure... EmptyDim 05 Juin 2011, 03:30

Accolon lâcha la main d'Elvire quand ils entrèrent tout deux dans Crìfderau Maes, il rabattit son capuchon sur son visage et s'engagea rapidement dans les rues qui l'avaient jadis vu grandir. La fatigue s'abattit sur lui et une migraine vint s'installer confortablement juste derrière ses yeux, elle lui faisait l'impression de pousser ses globes oculaires comme pour les éjecter de son crâne. Un phénomène qu'il connaissait bien, puisqu'il succédait toujours aux montées d'adrénaline les plus fortes. Il porta l'index et le pouce de sa main droite à la base de son nez où il pressa le coin de ses yeux douloureux.
L'idée que lui et sa compagne d'infortune auraient pu mourir quelques minutes plus tôt, paraissait de plus en plus absurde à mesure qu'ils s'enfonçaient dans le silence saisissant, presque étouffant, de Crìfderau Maes. Un chien aboya au loin et un corbeau lui répondit de son cri sinistre, il n'y avait personne ici, comme si la ville retenait son souffle, attentive à la bataille qui se jouait une fois de plus à ses portes. Personne pour les reconnaître donc, personne pour les dénoncer, pourtant Accolon n'était pas tranquille, une voix dans sa tête lui hurlait de foutre le camp de cette ville qui ne demandait pas mieux qu'à le voir pendu, la langue bleue reposant hors de la bouche sur des lèvres de la même teinte.

Elvire s'enquit de leur destination dans un souffle et partit d'un rire sans joie parfaitement incongru. Accolon lui lança le même regard qu'il réservait d'habitude aux curieuses créatures qu'il voyait pour la première fois. En vérité, il ne savait pas comment interpréter ce rire qui lui semblait dément. Etait-elle devenue folle ? Etait-ce un moyen de se débarrasser d'un stress dont elle n'était pas coutumière ? Cela faisait bien trop longtemps qu'Accolon avait délaissé la compagnie des hommes pour se perdre dans une vie de contemplation. Il avait bien croisé quelques rôdeurs avec qui il avait partagé un repas ou la joie de voir un nid d'arachnées brûler, mais ces rencontres furent brèves, elles furent toutes brèves. Jusqu'à l'arrivée brutale d'Elvire dans sa vie, il n'avait plus partagé le quotidien de qui que ce soit depuis Aislin. S'il avait un jour su interpréter les signes du corps, il n'en était plus rien aujourd'hui.

Pour l'instant il décida de mettre l'option de la folie de côté, si Elvire avait effectivement la soupière trouée, alors il y aurait bien d'autres signes. Il ralentit le pas et entoura du bras les épaules de la jeune femme pour la serrer doucement contre lui.
« Nous allons à la caserne où j'ai reçu mon instruction militaire, nous y serons en sécurité pour le reste de la nuit, tous les soldats et même les recrues sont su... »
A quelques mètres d'eux, la porte d'une taverne d'où filtraient le brouhaha des conversations et les rires gras des clients s'ouvrit brusquement. Le bruit et la lumière inondèrent la ruelle, un ivrogne fit quelques pas chancelant, tourna deux fois sur lui-même avant de décider de quel côté de la rue il allait errer avant de vomir et de s'évanouir. Il lança un grognement à l'attention de quelqu'un dans la taverne et une femme le rejoint, une femme sobre.

Accolon sentit ses bras et sa nuque se hérisser pendant que son coeur repartait au galop et que sa migraine explosait dans son crâne. Faire demi-tour et fuir paraitrait suspect, la compagne de l'ivrogne était sans doute une prostitué et ces femmes sentent le danger, elle pourrait donner l'alerte, les tuer n'était pas non plus une option, pas s'il pouvait l'éviter. Alors, il fit ce qui lui semblait le plus sûr, il attrapa Elvire par le poignet et l'attira contre le mur à quelques pas de là, il prit son temps et ne la brusqua pas, elle ne devait absolument pas paniquer.
L'autre couple avançait au rythme de l'ivrogne, deux pas en avant, un pas en arrière.
Il retira son capuchon, se plaqua presque contre la blasonné, attrapa ses poignets d'une main et plaqua l'autre sur sa bouche.
« Je ne vais rien te faire, murmura-t-il contre son oreille. Il ne faut pas que l'homme et la femme qui arrivent vers nous voient nos visages, ni ne se doutent de nos identités. Il la relâcha, mais ne s'écarta pas pour autant. Ils vont nous voir comme un couple parti pour passer une nuit très courte, puis nous dépasser et nous oublier. N'ai pas peur » Ils restèrent une minute, peut-être deux l'un contre l'autre dans cette position, autant dire une éternité pour Accolon qui n'avait pas partagé la couche d'une femme depuis bien trop longtemps.

Il avait toujours vu Elvire comme une très jeune fille, presque une enfant, il ne se connaissait que depuis peu, mais il avait développé une certaine tendresse pour cette gamine paumée, puis une fierté presque paternelle en la voyant s'adapter doucement. Ce qu'il ressentit cette nuit-là, à ce moment précis, n'était plus du tout du même acabit. Le visage tout près du sien, les lèvres presque contre sa joue, il sentait sa petite poitrine touchant légèrement son torse et il embrassa momentanément les pensées qui lui traversèrent l'esprit, même si elles avaient quelque chose de malsain, de sale.
L'ivrogne passa juste derrière eux, beuglant à qui voulait l'entendre ce qu'il allait faire subir à la pauvre femme qui l'accompagnait. Quelques interminables secondes plus tard, Accolon s'écarta et estima que les échanges de regards gênés et interrogateurs était une perte de temps, il prit Elvire juste au-dessus du coude et lui indiqua une direction du doigt.
« Au bout de la ruelle, nous y sommes presque »

Il ne leur fallut pas plus de dix minutes pour remonter la ruelle, elle s'élargissait à son extrémité en prenant la forme d'un entonnoir puis cédait la place à un minuscule marché. La caserne se dressait en arrière plan, peu décoré, elle donnait une impression d'austérité peu engageante.
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MessageSujet: Re: E&A ❖ Des oiseaux, l'envergure...   E&A ❖ Des oiseaux, l'envergure... EmptyLun 13 Juin 2011, 19:29

Le rire cristallin et halluciné de la jeune femme éclata dans la nuit comme l'aurait fait un verre de cristal se brisant dans le silence. Et il résonna longtemps à ses oreilles avant de se perdre et de disparaitre, comme happé par la pénombre. Elvire en frémit d'effroi, était-ce vraiment elle ?
Pourtant, toute troublée et chamboulée qu'elle était, le rythme des battements de son cœur affolé se fit de plus en plus régulier à chaque pas qu'elle faisait, à chaque enjambée qui l'emmenait au cœur du piège. Étaient-ils en effet assez fous pour retourner à Cathairfal, là où tous les hommes en armes les recherchaient ? Et, comme si cette perspective n'était déjà pas suffisamment périlleuse, ce n'était pas seulement Cathairfal qu'ils rejoignaient, mais Crìfderau Maes, le quartier des Forts, le quartier des combattants aux lames acérées... Le quartier, somme toute, où ils avaient le moins de chances d'en réchapper. Difficile, alors, d'avancer courageusement dans les entrailles du centre-ville et de garder un semblant de dignité ; mais Elvire se rappela qu'elle n'était pas un condamné à mort qui s'avançait vers son bourreau. Non, ce soir, elle n'était qu'une jeune femme à la robe défaite et aux bras lacérés qui venait de sauver sa vie face aux prédateurs de la nuit là où tant d'autres hommes, plus forts et plus chevronnés qu'elle, y avaient laissé la leur. Ce soir, Elvire avait la chance avec elle. Elle avait aussi Accolon et avait pleinement conscience d'avoir remis sa vie entre ses mains depuis ce jour funeste où elle avait, non pas librement, mais sciemment décidé de le suivre, mêlant ainsi leurs destinées. Aussi devait-elle lui faire confiance et apprendre à obéir et à se taire même si, parfois, il lui en coûtait plus que de raison.

Ils passèrent sous la fenêtre d'une taverne d'où les rires joyeux et forts de quelques ivrognes n'étaient pas les seuls à s'en échapper. En effet, une odeur épicée de civet et d'oignons vint enjôler ses narines, réveiller son appétit, et Reine de se rappeler qu'elle n'avait pas eu droit à un véritable repas depuis longtemps. Trop longtemps.
Mais sa situation ne lui permettait manifestement pas de s'offrir ce luxe, d'ailleurs, lorsque la porte de cette même taverne s'ouvrit à la volée sur deux silhouettes, Reine avait déjà oublié les supplices de son estomac et son cœur, à nouveau, battait à la chamade. Elle n'eut pas le temps de réaliser ce qui lui arrivait qu'elle se retrouvait déjà le dos plaqué contre un mur froid. Instinctivement, sa première réaction fut de crier mais, étrangement, aucun son ne retentit à ses oreilles : ce n'est qu'alors qu'elle sentit la main serrée contre sa bouche et que ses yeux rencontrèrent les prunelles charbonneuses d'Accolon ; l'occasion pour Elvire de reconnaître son compagnon et d'être imperceptiblement rassurée même si c'est bien la panique la plus totale et l'angoisse que le rôdeur dût lire dans ses yeux à elle puisqu'il se pressa un peu plus contre elle et lui murmura des paroles d'apaisement. « Je ne vais rien te faire » et « n'aie pas peur » furent les seuls mots que la singulière entendit et tout ce qu'il avait pu lui dire entre temps resta lettre morte.
Mises à part les fanfaronnades de l'ivrogne qui sonnaient comme une injure dans la nuit normalement si pure et si paisible, tout était silencieux et Elvire n'avait nullement l'intention de troubler cette paix pourtant les battements de son cœur tambourinaient et frappaient si fort qu'elle se demandait comment les deux étrangers pouvaient ne pas l'entendre. Accolon, lui, les sentait sans doute tant il se tenait près d'elle. Leur position, en plus d'être inconfortable et oppressante, mettait terriblement mal à l'aise la jeune femme, si bien qu'elle ne put que détourner la tête, laisser les secondes – si longues – défiler sous ses yeux et, enfin, voir les deux silhouettes de l'homme et de la femme qui les avaient surpris s'éloigner au coin d'une ruelle adjacente.
Et Elvire de respirer à nouveau tout en laissant Accolon l'entrainer dans une nouvelle venelle du quartier.

Ils s'arrêtèrent avant d'arriver sur une petite place du quartier, celle qui accueillait chaque jour un petit marché et où ils seraient, dès lors, à découvert. La jeune femme n'avait jamais porté ce quartier dans son cœur. Elle aimait l'effervescence de Dinas Uchel, le calme de Unigol et la vitalité de Perllan mais, à Crìfderau Maes, rien ne touchait son cœur et certainement pas la caserne frugale et triste qui se dressait devant eux.
Tout en elle lui criait de s'éloigner de cet endroit et elle doutait sérieusement qu'un seul des hommes qui se trouvaient là ne leur vienne en aide, quelle que soit la nature des liens qui les avaient unis à Accolon. Peut-être celui-ci se laissait-il abusé par ses souvenirs ?

« Alors, c'est ça le plan ? Tout ça pour ça ? On se présente à la porte, on leur demande le gîte et le couvert et on disparaît demain matin ? Oh Accolon, je te faisais confiance, je ne pensais pas que tu nous emmènerais ici. Comment va-t-on passer ? Et, même si nous y arrivons, que ferons nous à l'intérieur ? Ces murs, j'en suis sûre, grouillent d'hommes armés qui n'hésiteront pas une seule seconde à nous jeter derrière les barreaux pour peu qu'une prime pèse sur nos têtes. Tu imagines ce qu'ils feront de nous s'ils nous attrapent ? Je … Je ne veux y aller si cela signifie que notre voyage s'arrête ici... J'ai tellement peur. »

Même si sa voix tremblait, chaque mot qu'elle prononçait lui donnait la force de continuer. Et plus elle déversait son flot de paroles, plus la saisissait l'impression qu'elle ne pourrait plus s'arrêter. Elvire avait toujours été très expressive et loquace mais c'était une facette d'elle que le rôdeur ne connaissait pas encore, car, à part ses gémissements et ses plaintes, elle n'avait pas pu ou pas su engager une quelconque discussion. La peur avait tari son imagination et avorté le moindre de ses discours.
Mais elle parlait désormais, et parler la soulageait.

Qu'aurait-elle pu dire encore et jusqu'où serait-elle aller ? Aurait-elle osé revenir sur ce qui c'était passé quelques minutes auparavant – car Elvire n'était ni naïve ni aveugle et avait bien reconnu cette lueur si significative dans le regard du rôdeur lorsque leurs deux visages s'étaient retrouvés si près l'un de l'autre – ou aurait-elle plutôt enchainé sur un sujet qui pesait sur son cœur depuis des jours et qui ne cessait de la ronger un peu plus chaque jour : Léonie ?
Autant de mots avortés avant même d'être pensés car, à peine eut-elle ouvert la bouche qu'un grincement sourd et retentissant, une longue plainte, vint transpercer ses tympans. Là-bas, des gardes ouvraient le lourd portail de fer qui encadrait l'entrée principale de la caserne...

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