Mikhaïl Navrátil ⨗ If you want a little extra, you know where I am

« Je ne sais pas ce que je vais faire de lui Giuletta… Il est si… tellement… Enfin tu le connais ! Il n’y a aucune chance pour qu’il devienne un soldat digne de ce nom… Si seulement Bran était… »
« S’il te plait, fais un effort… Il est ton fils. »
« Parfois je me demande si c’est vraiment le cas… »

Sans un bruit, je quittais la marche d’escalier sur laquelle j’avais trouvé refuge. Je n’avais pas besoin d’entendre la suite pour savoir ce qui en découlerait. Je ne parviendrais jamais à être un dragonnier. Et encore moins chef d’escadrille comme mon père. Je n’étais que l’avorton de la famille et j’étais pourtant le seul qui resta. Près de sept ans séparaient cette année là de la peste qui emporta mon frère et ma sœur pourtant la blessure était encore vive dans l’âme de mon père et elle le resterait chaque jour qu’il devait encore vivre. Regagnant silencieusement mon lit, je me suis engoncé sous la chaleur réconfortante de mes couvertures. Que cette pièce était vide et froide depuis la mort de Bran et Rosie.. C’était comme si on eut retiré à cette maison toute sa chaleur, toutes ses couleurs. Si ma mère comptait sur moi pour faire honneur à notre famille, il n’en était pas de même pour mon père et dans chaque regard qu’il m’adressait je pouvais lire sans difficulté la tristesse qu’il ressentait à l’idée que ce fut moi qui vive. Mon frère était sa fierté, son portrait tout craché : fort, posé, mature pour ses quatorze ans alors que je n’étais que candeur, impulsivité et aventure. Tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, j’étais difficilement prévisible et mon père appréciait peu que certains dragonniers viennent se plaindre de moi. Cette nuit là pourtant je m’endormis avec un souhait, une promesse. Je ramènerai à cette maison ce qu’elle avait perdu, je serai ses couleurs.

Le lendemain même, j’entrepris d’être un fils idéal et abandonnait mes excursions au profit des entrainements. Les épées restaient encore loin de ma portée et je dois l’avouer, j’étais plutôt chétif pour mes dix ans, aussi ai-je débuté par le tir à l’arc. Aussi étonnant que cela puisse paraitre et malgré le fait que je ne tins pas en place, cet art n’eut bientôt plus de secret pour moi. J’avais l’œil comme on disait. J’étais agile, rapide et vif d’esprit, suffisamment en tout cas pour ne pas me faire remarquer et faire ce que l’on attendait de moi. Mon père partit en excursion et je passais la plupart de mon temps à m’entrainer en vue de devenir l’un des meilleurs dragonniers que l’on eut pu voir. Bien sur les railleries ne manquèrent pas, ni les blessures mais lorsque la souffrance doucereuse de la fatigue et la morsure acide des piques lancées par mes congénères commencèrent à se faire sentir, je me rappelais cette conversation que mon père et ma mère avaient entrepris alors qu’ils me croyaient endormi. Il n’était pas question de fléchir, ni d’abandonner. Il n’avait jamais été dit que cela serait facile. J’ai redoublé d’effort quand cela devenait difficile et quand même bien même je n’étais pas aussi fort que les autres, je les dépassais en agilité. Je ne vivais plus que pour être dragonnier.

Puis vint le jour où mon père devait rentrer. J’avais hâte de lui montrer ce que j’avais appris, de lui prouver que j’étais digne d’être son fils aussi ai-je cru bien faire en m’épuisant toute la journée au maniement de l’épée. J’étais devenu plutôt doué à ce petit jeu et bien que je préférasse l’arc, j’avais laissé celui-ci de côté pour me concentrer sur le combat rapproché. J’avais quatorze ans. L’âge de Bran lorsque celui-ci nous avait quitté. Je ne m’attendais pas vraiment au traitement que mon père me réservait ce soir là.
Il arriva tôt, sans doute alerté par le fait qu’on lui dise du bien de moi, et vint aussitôt me trouver. Je crois qu’il avait en l’idée de vérifier ces dires mais je n’étais moi-même pas en état de grand-chose, la journée m’avait achevé et c’était à peine si je tenais sur mes jambes. Lorsque son épée claqua au sol, devant moi, je me souviens avoir sursauté. Une mise à l’épreuve.
Ce fut bref. Ses coups étaient bien trop rapides et je parvenais à peine à les esquiver de même qu’à les parer. C’est à peine si je fus étonné lorsque sa lame m’entama le bras et que je me retrouvais à terre, la pointe de son épée sur ma gorge. Ce n’était qu’une égratignure et il fut bien plus douloureux de le regarder dans les yeux que de supporter l’estafilade. Je n’avais pas tenu plus de quelques secondes. J’avais échoué à son test. Dans son regard, pas une seule once de pitié juste du mépris et de la tristesse.

« C’est fini Mikhaïl. »

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La douleur déchirait des crevasses dans la chair tendre de mes paumes. Jamais encore je n’avais connu pareille souffrance et il me semblait que le feu lui-même s’insinuait dans mes veines comme un poison mortel. Le sang me glissait entre les doigts et sa fraicheur était sans pareille en comparaison à la flamme ardente dans laquelle l’acier de ma lame avait trempé à peine quelques secondes auparavant. Cela me paraissait une éternité. Désormais accroupi derrière un rocher, je regardais mes rêves s’envoler à mesure que la chaleur dévorait tout jusqu’à l’os. Les cris qui naissaient dans mes entrailles se taisaient à la barrière de mes lèvres et c’était à peine si j’osais respirer. Le dragon veillait encore, rodait à quelques mètres de là, attendant probablement que je saisisse à nouveau mon épée pour venir le défier. Que n’étais-je pas mort plutôt que blessé. Quoi que ce serait bientôt le cas si je continuais de la sorte... Il m’était impossible de saisir une arme ou même de me défendre. Il était impensable enfin de m’enfuir. La honte de revenir, perdant, inutile, digne des piètres espérances que mon père plaçait en moi, était bien pire que de périr ici sous les flammes.

Je voulais être chef d’escadrille, comme mon paternel avant moi mais il avait raison. Je n’étais pas taillé pour ça et la preuve en était que je n’avais pas même choisi le bon dragon. Il est vrai que sa carapace d’or était aveuglante de chatoiements mais, pas plus que je ne l’étais, le dragon Flocon-Argent n’était bâti pour le commandement, pour le combat. Pour autant il s’en sortait mieux que moi. J’avais peiné comme un beau diable pendant une longue heure pour éviter ses jets brûlants tout en m’approchant autant que je le pouvais. J’avais été préparé à ça et pourtant… C’était comme entrer dans une arène avec pour adversaire un colosse que l’on n’avait pas prévu. La bête semblait s’amuser de mes erreurs et si jusqu’ici aucune d’entre elles ne m’avait été impardonnable, je devais désormais rendre des armes que je n’étais plus à même de tenir. Je devais me rendre à l’évidence cette fois. Tout ce temps perdu à courir après un rêve des plus irréalisables… pas même une ombre de succès, juste un fantôme de plus sur l’horizon de mes défaites.
Glissant mes mains dans l’eau glacée des cascades, j’ai attendu que la brûlure s’estompe pour ne plus laisser qu’un goût amer de désastre. Aussitôt l’écume se teinta d’un rouge zébré de noir, zébré de cendre et de poussières d’homme. L’air était gelé mais j’avais l’impression terrifiante de me consumer tout entier, comme si en touchant la lame cuisante de mon épée j’avais donné l’autorisation à de minuscules flammes pour venir m’embraser l’âme. Il fallait que ça s’arrête. Maintenant. Je ne pouvais en supporter plus. Ma lame gisait à quelques pas à peine mais il était impensable de l’utiliser à nouveau, d’ailleurs, à moins qu’un pauvre malheureux soit passé par là après moi, elle doit toujours y être, enfouie sous des montagnes de neige, cadavre déjà refroidi de mes vains espoirs. J’étais mort. Et pourtant, ça n’était pas si dur que je me l’étais toujours imaginé. La résignation était née de ma douleur et elle n’avait eu besoin que de quelques éphémères secondes pour s’emparer de mon être. Le sang coagulait sur ma chair cuisante et pourtant, aussi insupportable que ce mal puisse être, il ne m’arrêta pas. Je me relevais, à présent à découvert, vulnérable aux prochains assauts du dragon, puis quittais ma pierre et sa proximité rassurante du ruisseau.

Bientôt nous nous trouvâmes face à face, la bête et moi. Elle était terrifiante, splendide certes mais aussi rayonnante d’une puissance qui m’oppressait. Il suffisait que sa gueule emplie de crocs luisants s’ouvre à nouveau pour me cracher son fléau et ma mort serait plus douloureuse qu’aucune chose qui m’eut été donné de connaitre. Ses yeux étaient fixés sur moi, me traversant de part et d’autres. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, comme en proie à un troubadour fou, et je peinais à attendre mes propres pensées. L’une d’entre elles ne tarda pas à percer le flot emmêlé de mes angoisses, de ma vie qui défilait déjà devant mes yeux. Tant de platitudes, tant de courbettes, tant d’efforts pour plaire à mon père sans qu’il ne daigne poser autre chose que sa déception sur moi. Je pouvais voir mon reflet dans le regard du dragon. J’allais probablement bientôt faire office de repas pour les corbeaux, si tant est qu’ils arrivent jusqu’ici. Une vague d’indignation s’éleva en moi et je jaugeais la créature comme elle le faisait avec moi.

« Ne me regarde pas comme ça ! Si tu crois que tu me fais peur ! »

Je n’ai appris qu’après qu’elle avait déjà décidé que je serais son dragonnier, une chance pour moi, cette réplique m’eût probablement valu de devenir un beau rôti autrement. Je l’ignorais à cet instant aussi suis-je resté là, dressé, déterminé à rendre l’âme en ayant regardé ma mort dans le fond des yeux. J’ai longtemps cru que cet acte que certains ont tendance à juger comme pure folie, mais que j’aime qualifier de simple inconscience, m’avait valu l’adoption de ma dragonne et elle n’osa m’avouer la vérité que plusieurs années après. Trop tard pour que ma réputation d’homme balançant entre le courage et l’idiotie puisse être sauvée.
Elle s’approcha de moi, doucement cette fois et il n’y avait plus de flammes dans ses yeux, juste de la compréhension, une pointe d’amusement devant ma témérité. Posant ma paume brûlée, lancinante de douleur, sur le museau de celle qui deviendrait ma moitié, je me souviens avoir su immédiatement que j’avais fait le bon choix.

« Quel est ton nom ? »
* Xochiquetzal.*
« Va falloir le raccourcir un peu. »

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* Je t’assure que ce corbeau était déjà mort avant qu’on ne lui rentre dedans ! *
* Bizarrement c’est la première fois que je croise un corbeau à la fois mort et volant. *
* … Le vent… ? *
* Très convaincant. *

Couché dans l’herbe, Xochiquetzal à mes côtés, j’observais les nuages. Le temps était au beau fixe et c’était idéal pour se prélasser. Vous savez, entre deux liaisons de lettres, je n’ai pas grand-chose à faire. N’allez pas croire que je passe mon temps à lézarder au soleil ! Après tout, pendant au moins tout une moitié d’année le soleil n’est pas particulièrement au rendez vous. Et lézarder sous la pluie et les grêlons, ça n’a rien de très drôle, vous pouvez me croire. Ce jour là était un jour comme les autres, pas particulièrement chaud mais pas non plus frais, un peu entre les deux. Pas encore de messages confiés mais je n’allais pas m’en plaindre. J’adorais avoir du temps libre. Ca me permettait de réfléchir à des questions existentielles.

« Là regarde ! Un nuage en forme de mouton ! »

Bon d’accord, pas toujours… Mais ça m’arrivait quand même, de temps en temps. Parfois. En de rares occasions. Pour dire la vérité, je n’ai jamais trop aimé me poser sur les problèmes. De un, ce n’est pas particulièrement confortable, de deux, je ne suis pas franchement doué pour les résoudre. La plupart du temps, Xochi était obligée de me poser la question directement pour que je daigne y réfléchir et elle était du genre à mettre les pattes dans le plat. Carrément. Je me souviens clairement qu’elle m’ait demandé « Est-ce par amour de la vérité que l'homme recherche le savoir ?». D’ailleurs… Je ne suis toujours pas sur de l’avoir bien comprise celle là… Pour autant, ces derniers temps, une pensée revenait fréquemment, m’obsédait pour ainsi dire. J’aimais ma vie, elle était douce et plaisante, et j’avais tout ce dont j’avais besoin pour être heureux. Alors… Est-ce que ça s’arrêtait là ? N’y avait-il donc plus rien qui m’attendit quelque part ? En avais-je terminé ?
Mon travail de coursier occupait la grande majorité de mon temps et j’en étais heureux, il me permettait de voyager, de voir d’autres terres, de rencontrer des gens que je n’aurais probablement jamais pu voir en étant un simple soldat, Xochiquetzal était toujours avec moi et autant dire que vu nos âmes de grands enfants, c’était une partie de plaisir. Par ailleurs travailler m’occupait l’esprit et m’empêchait de penser à tout ce qui pouvait aller mal.
Cela faisait dix ans que je n’avais plus adressé la parole à mon père. Après la mort de ma mère, peu de temps après mon rite de passage, nos relations s’étaient pour le moins dégradées et de connaissances nous étions passés à inconnus. Il m’arrivait de le croiser de temps à autre dans la cité sans que jamais nous ne nous adressions la parole. Je ne sais lequel d’entre nous était le plus mal à l’aise. Sans doute l’était-il plus que moi puisqu’il ne parvint jamais à soutenir à mon regard. Un peu comme s’il avait honte, je ne sus jamais si c’était de la façon dont il m’avait traité ou de moi. Probablement un peu des deux. J’avais beau avoir réussi mon parcours de dragonnier comme n’importe lequel d’entre nous, je ne me battais pas, je ne défendais pas la cité, je livrais des messages. Autant dire pas grand-chose pour lui. La simple idée de mon père méprisant ce que je faisais avec le plus grand plaisir suffisait à me tordre l’estomac et faire éclater mon moral pour au moins deux minutes (énorme !). Xochiquetzal ne tarda pas à sentir mon trouble et à nouveau sa voix caverneuse retentit dans mon crâne :

* Ce ne serait pas un nuage en forme de lapin là ? *
* Où ça ?? *

Il m’en fallait peu pour retrouver le sourire mais je n’en étais pas mécontent. Après des années à travailler pour être quelqu’un d’autre, j’avais fini par trouver ma place en étant moi-même. Les autres dragonniers avaient appris à me connaitre tout comme je l’avais fait avec eux et finalement c’était très bien comme ça. Je n’avais plus besoin de faire semblant d’être un type calme, réfléchi, au sang froid à toute épreuve, si je m’extasiais devant un nuage en forme de pomme ça n’étonnait plus personne, si en revanche je me mettais à râler contre tout et tout le monde, il est certain que j’en inquiétais plus d’un. C’était dans l’ordre des choses, je suppose. Ce n’est pas moi qui allais m’en plaindre.

« Mika ! »

Me redressant dans l’herbe encore humide de rosée, j’ai jeté un coup d’œil à l’homme qui m’appelait comme si je venais de tomber dans un trou (… ça m’est déjà arrivé, je parle en connaissance de cause). Un dragonnier, bien sur, qui d'autre?

« J’ai besoin que tu fasses parvenir un message à quelqu’un à Port aux Princes. »

M’aidant de Xochi pour me relever, je me suis étiré. Finie la rigolade, le travail commençait.

Pseudo : Tyler
Âge : 18 ans et toutes mes dents \o/ (ça vaut mieux cela dit…)
Sexe : Seulement après le diner s’il vous plait. *PAF* Féminin.
Comment avez vous découvert le forum? Par une amie qui d’ailleurs ne s’est pas encore inscrite… Mais bientôt, bientôt !
Ce que vous aimeriez dire pour conclure : J’espère qu’il y avait pas de code dans le règlement .___. J’ai eu beau le lire plusieurs fois, je me fais toujours avoir avec ces trucs là … Je sais, je sais, je suis un boulet, mais que voulez vous, on ne se refait pas
Pour l’interrogatoire d’Inasmir je n’ai pas pu faire comme si Mikhaïl s’adressait directement à Inasmir (vu que je n’écris qu’à la première personne… ) j’espère que vous m’en voudrez pas mais pendant un instant je me suis imaginé Inasmir et Mikhaïl devant un thé à discuter gentiment (« Et sinon comment va la vie ? Les gosses, le chi.. dragon ? Ca va ? Ouais ? Bon et si tu me disais ce que tu penses de moi ? C’est dans le cadre de ma thérapie tu comprends… ») et c’était… particulier…