Ezephine • ...

Le vent s’engouffra par une fenêtre, venant soulever ma lourde chevelure qui s’étirait sur mes épaules, tandis qu’une servante passait un linge autour de mon corps nu, encore imprégné du lait d’ânesse dans lequel je venais de me baigner et me laver. Cela avait, selon certains, des vertus incroyable pour le bien de la peau, la rendant douce et soyeuse au toucher. Nul homme n’y avait encore ne serait-ce que frôler de ses doigts, ma chair. Seul mon père avait déjà capturé mes traits, seul Lucius avait déjà saisi mes doigts. Peut-être était-ce cela qui avait poussé nos parents à penser que nous pourrions faire un couple digne de ce nom. Pourtant, il n’y avait là qu’un geste purement amical…

Mais qui suis-je au fond ? Ne devrais-je pas commencé par cela ? Vous décrire les moindres méandres de mon existence pour que vous en saisissiez l’ampleur ? Je suis la fille d’Aroach et Ereliwiel Bassey. La fille désirée et tellement choyée au regard du monde qui me vit naître, bien que le faste des apparences ne soit pas si parfait. Mes parents en réalité, souhaitait ardemment avoir un fils, et que n’auraient-ils donné si à ma place, un petit bambin de sexe masculin avait finalement vu le jour ? Peu de choses quand ma mère était encore à même d’offrir un héritier digne de ce nom au Bassey, le problème arrivant quelques années plus tard, alors qu’ils avaient délaissé mon éducation et mes câlins à une nourrice, ma mère eu un grave accident. On eut peur pour sa vie, et la petite fille que j’étais demandait sans cesse à sa nannie si ma ‘tendre’ mère allait mourir ou non. Il s’avéra que la réponse fut négative, mais que les médecins apportèrent une sombre nouvelle : plus jamais un enfant ne verrait le jour de son ventre.

Mon père aurait alors pu la répudier, prendre une nouvelle épouse, et enfanter ce fameux héritier, mais non. Il aimait tellement la femme qui se tenait à ses côtés, qu’ils convinrent de faire de moi leur digne héritière. J’ai rapidement compris qu’il en allait dans mon intérêt de plaire et de complaire aux diverses exigences de mes géniteurs. J’ai donc suivi l’enseignement qu’ils voulurent auprès de plusieurs précepteurs. L’un m’enseignant l’écriture, la lecture, le décryptage des cartes de ce monde, un autre le dessin, un autre encore la danse et un dernier la bienséance. Je grandissais selon leurs souhaits, devenant une gracieuse dame de la cour. Il fallait reconnaître que naviguer dans ces mers dangereuses où la jalousie est si répandue m’a appris bien des choses par la simple observation. Découvrant par exemple qu’il est parfois plus judicieux de cacher sa véritable connaissance aux yeux de bien des êtres.