Echo des Plaines : Chapitre VII ▬ Le Retour d'Inasmir


 
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MessageSujet: « Alone and helpless » ζ E&S   « Alone and helpless » ζ E&S EmptyDim 08 Mai 2011, 03:03

    Les échecs se succèdent, tous plus douloureux les uns que les autres. Où est-elle ? Que fait-elle ? Sa vie est-elle en danger ? Oh, Elvire… Tant de questions qui restent sans réponses. Tant de problèmes qui semblent sans solution. La jeune femme resserre les pans de sa lourde cape noire autour de ses épaules et jette un coup d’œil au soleil ; il se couche si vite qu’elle craint de ne pas être parvenue à Dinas Uchel avant la tombée de la nuit. Elle presse le pas, soudainement mal à l’aise. C’est comme si un regard était rivé à sa silhouette vacillante, comme si quelqu’un la suivait de près. Ezephine frémit de plus belle avant de se reprendre ; elle a bien fait attention à ne pas s’aventurer dans des ruelles trop sombres, elle s’est tenue à l’écart des échoppes malfamées, elle a tout fait pour ne pas attirer l’attention. Seulement elle n’a pas l’habitude des quartiers pauvres, elle n’est pas accoutumée à devoir cacher son appartenance au cercle de la noblesse. Elle a sûrement dû laisser entrevoir sa bourse trop pleine, ou alors… La jeune femme trébucha soudainement. Ses genoux heurtèrent le sol, lui arrachant un cri de douleur. Elle se releva tant bien que mal, grimaçante et haletante, pour découvrir en face d’elle une petite bande composée de quatre hommes. A peine plus âgés qu’elle, ils l’observaient comme une meute de loup observe une proie. Elle sentit le doigt glacé de la peur lui caresser l’échine et elle se recula. Un geste inutile qui ne faisait que montrer à ses agresseurs qu’elle les craignait. La Blasonnée ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit : sa gorge était bien trop serrée pour lui permettre la moindre parole. Elle se retrouva bien vite acculée. Son regard de biche affolé fit éclater de rire l’un des bandits. Comment avait-elle fini par atterrir dans ce cul-de-sac ? Elle ne se souvenait pas être passée par là… Ses pensées s’embrouillaient, ses sens l’induisaient en erreur. Elle plaqua ses mains contre la roche suintante d’humidité et avala difficilement sa salive. Ils n’avaient pas besoin de parler pour qu’elle devine ce qu’ils attendaient d’elle, elle avait de toute façon assez d’imagination pour ça. Son esprit galopait à toute allure, cherchant un moyen de s’en sortir.

    « A moi la ga- »

    Le plus grand des quatre s’était jeté sur elle. Il avait anticipé son cri de désespoir. Sa main calleuse plaquée sur la bouche de la jeune femme, il exhortait ses compagnons à la détrousser. D’autres mains passèrent sur son corps, lui arrachant des hoquets de honte et lui donnant la nausée. Elle se débattit de son mieux, pauvre petite poupée diaphane, mais ne parvint qu’à les faire rire. Trop facile. La petite noble ne faisait pas le poids. Elle avait beau y mettre toute sa force, elle n’était pas de taille à les affronter. Surtout alors qu’ils étaient à quatre contre une. Un sursaut d’énergie, et elle lui mordit sauvagement les doigts. Le goût ferreux du sang s’insinua dans sa bouche, le liquide vermeil teinta ses dents et coula le long de son menton.

    « A l’aide ! »

    Une gifle la cueillit. Sonnée, elle s’efforça de garder l’équilibre tandis qu’ils terminaient de la dépouiller. Finalement ils la repoussèrent et se donnèrent des tapes dans le dos. Un sacré butin, hein ? Elle ne se souvenait pourtant pas avoir emporté autant de pièces dans sa bourse. Le géant secoua sa main blessée, répandant des gouttes de sang un peu partout. Certaines vinrent s’échouer sur le beau visage pâle d’Ezephine qui s’effondra au sol. Il s’avança vers elle avec une lueur mauvaise dans le regard ; il avait envie de jouer un peu.

    « Pitié… Pitié… »

    Etait-ce elle, qui suppliait ainsi ? D’où provenait ce mince filet de voix, à peine plus audible qu’un murmure ? Il entreprit de défaire, non sans mal, la lanière de cuir qui maintenait son pantalon. Ses compagnons tentèrent de le dissuader. Pas le temps. On risque de se faire prendre. Mais il voulait se venger de la morsure. Ils finirent par s’éloigner de quelques pas pour le laisser faire, ils ne pourraient pas le raisonner. La Blasonnée recula, s’écorchant les mains sur le sol caillouteux et se retrouvant une nouvelle fois dos au mur. Comment avait-elle pu en arriver là ? Des éclats de voix retentirent à quelques pas d’elle, mais elle était bien trop chamboulée pour les entendre. Elle ferma les yeux, refusant par avance ce qui allait arriver. Comme si le fait d’être aveugle atténuerait le traumatisme.


Dernière édition par Ezephine Bassey le Lun 09 Mai 2011, 23:07, édité 2 fois
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Solan Runnarth

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MessageSujet: Re: « Alone and helpless » ζ E&S   « Alone and helpless » ζ E&S EmptyDim 08 Mai 2011, 19:35

Ce fils de catin l'avait trompé ! Il aurait dû le savoir, s'en douter ! On l'avait prévenu qu'il ne fallait jamais faire confiance à cette pourriture, mais il avait finalement préféré écouter cet instinct qui, comme trop souvent, l'avait mené à sa perte. L'occasion était si belle ... l'opportunité si attirante qu'on lui avait promise s'était retrouvée être un piège et il en portait maintenant les traces, les douloureuses traces qui s'ajouteraient bientôt à la longue liste des blessures qu'on lui avait infligées ... De cette grande expérience, Solan avait appris que si les bleus disparaissaient toujours et que les plaies finissaient fatalement par se refermer, il y avait cependant une blessure qui ne s'en allait jamais d'elle-même. L'humiliation, la pire de toutes: aucune herbe, aucune science, aucune magie ne pouvaient ne l'en guérir et, si on ne la combat pas avec toute la force que l'on peut, elle finissait irrémédiablement par vous miner l'esprit, s'insinuant comme un poison dans chacune de vos pensées, par vous briser un peu. Solan n'avait jamais été quelqu'un de très orgueilleux et l'échec n'avait jamais été une honte comme cela pouvait être le cas chez d'autres. Non, ce qui le mettait dans cet état de colère innommable, de rage folle, c'était de savoir qu'on avait pu le tromper, le manipuler, le vendre une fois encore. C'était chez lui une sensation d'une violence rare, qui le privait de toute morale et de tout sens commun, le faisant agir comme peu de chose parvenait à le faire agir: d'une façon insensée, folle peut-être.

Il fallait qu'il se débarrasse de cette folie qui l'animait. Il fallait qu'il se venge de ce chien. Déterminé, il remua ciel et terre dès qu'il fut plus ou moins remis de ses blessures, parcourant tout Cathairfal à la recherche de celui à qui il avait fait l'erreur de donner sa confiance. Il avait été à tous les endroits où ce bandit de petite envergure avait l'habitude de traîner ce qui deviendrait bientôt son cadavre - Solan l'avait promis - sans jamais parvenir à lui mettre la main dessus. Il aurait pu rentrer, abandonner pour aujourd'hui du moins, pourtant ce même instinct qui l'avait dupé auparavant le poussa à rendre une dernière visite. Il avait fini par trouver. Il le tenait, il se savait et cette rage qui l'enflammait ne fit que redoubler d'intensité, embrasant tous ses sens et consumant chacune des rares pensées raisonnables qui traversaient l'esprit du paria. Un pied dans Unigol, c'était déjà trop tard. Il tourna dans le quartier comme un chien fou, comme un fou tout simplement. Les rues n'étaient pas très animées, juste assez cependant pour que Solan ne devine où devait « travailler » sa proie. C'était un enchevêtrement de petites ruelles, de véritables coupes gorges où lui-même se rendait parfois. Elles étaient à l'écart, silencieuses ... l'endroit parfait pour le piètre détrousseur qu'il recherchait. Soudain, son regard accrocha un groupe de trois hommes. Il ne les connaissait pas, mais il n'avait pas besoin de connaître leurs noms pour savoir pour qui ils travaillaient. En s'approchant d'eux, il eut un léger rictus: ils avaient l'air d'enfants impatient, nerveux, gigotant. Il arriva à leur niveau, ils étaient tous plus petits que lui, plus jeune aussi. C'était des gamins. Cette ordure s'entourait de gamins.


« - Laisse-moi passer, je dois lui parler.

- Dégage, il a ... une affaire urgente à régler. » répondit l'un d'eux, regardant à tour de rôles ses deux autres compères dans le but de se faire mousser. Ils rirent.


Il les avait probablement choisis, car ils étaient influençables, mais c'était aussi ce qui causerait sa perte, car, s'ils tentèrent bien d'intimider Solan en lui hurlant à la face, la simple vue d'une épée à sa ceinture les fit bien vite déguerpir, abandonnant tout aussi rapidement leur chef. Solan s'engouffra alors dans la ruelle dont on avait tenté de lui barrer l'accès, découvrant avec satisfaction que l'objet de sa folie se trouvait enfin devant lui. Il avança d'un pas lent, déterminé, sans bruit. L'autre était bien trop affairé à ... c'était une femme ? Oui. Elle était complètement affalée contre le mur, lui était encore debout, le dos complètement voûté, occupé à la détrousser. Solan s'approcha encore jusqu'à n'être plus séparé d'eux que de quelques pas. Cet abruti comptait trop sur ses sbires, il ne l'avait même pas vu arrivé. Soudain, la scène le frappa comme un coup de massue: comment avait-il pu ne pas se rendre compte plus tôt ? Il ne put attendre une seconde de plus et il attrapa celui qu'il avait tant voulu retrouver par le col, le tirant de sorte qu'il lui fasse face. Solan put lire l'étonnement dans ses yeux, tandis que dans les siens la rage avait laissé place au dégout le plus total. L'autre voulut dire un mot qui faillit naître, tuer juste à temps par le coup de poing brutal que venait de lui asséner Solan. Il avait senti son nez craqué, le sang, celui du malfrat cette fois, avait giclé. Il se releva pourtant, abasourdi, avant d'être heurté par un nouveau coup qui le ramena au sol pour de bon cette fois, le laissant incapable de se défendre de la pluie de coups de pieds qui s'abattait sur lui, fracassant ses os, réduisant en bouillie ses côtes. Il fallait frapper, frapper encore, frapper jusqu'à ce que son affront soit lavé et que ce chien comprenne la leçon. Il méritait tout ça, il méritait de mourir. Ils méritaient tous. À mesure qu'il entendait de moins en moins sa victime hurler de douleur, la folie meurtrière qui animait Solan le quittait peu à peu, le poussant à s'arrêter. Il était essoufflé, son sang ébouillanté par l'adrénaline qui s'y déversait. Il aurait pu l'achever, mais il n'en avait maintenant plus l'envie: sa blessure était guérie, son humiliation disparue. Il le regardait gisant là sur le sol. Était-il mort ? Il le poussa du pied sans qu'il ne réagisse. Ça ne prouvait rien.

La tempête passée, Solan retrouva quelque peu la raison: il fallait déguerpir, vite. Les autres finiraient par revenir, la garde passerait peut-être par là ... Il se maudissait une fois de plus d'avoir agi avec si peu de discernement, se réconfortant cependant de s'être vengé comme il se devait. Il porta son regard sur celle dont il n'avait pu sauver la bourse mais dont il avait probablement épargné la perte d'un bien plus précieux encore, inestimable celui-là. Il s'approcha d'elle. Elle avait l'air d'une morte qui respire et cligne des yeux. Il soupira, repensant au dégoût qui l'avait saisi quand il s'était rendu compte de ce que s'apprêtait à faire l'autre vaurien. Il s'abaissa, entreprenant de rattacher les lanières de cuir que l'autre était finalement parvenu à défaire, juste avant qu'il ne soit roué de coups. Il croisa le regard de la petite morte. Il faillit s'en aller, l'abandonner là, jusqu'à ce qu'elle reprenne ses esprits ou jusqu'à ce que quelqu'un la trouve. En était-il seulement capable ? Il la releva, passant son bras sous celui de la jeune fille, et l'emmena.
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MessageSujet: Re: « Alone and helpless » ζ E&S   « Alone and helpless » ζ E&S EmptyMer 11 Mai 2011, 16:31

    Les coups pleuvaient sur le corps de l’homme. Il ne pouvait pas se défendre contre cet assaut brutal et imprévisible. Elle l’avait pourtant vu approcher, elle, distinguant sa silhouette massive derrière celle de son agresseur. Si elle n’avait pas été aussi choquée, elle aurait certainement crié en l’apercevant, trahissant ainsi l’effet de surprise. Mais elle s’était contentée de poser brièvement les yeux sur lui, en un clignement d’œil, avant de les refermer pendant de longues minutes. Elle attendait que son voleur termine sa sale besogne ; elle avait senti certaines de ses fines lanières se faire pratiquement arracher, et elle craignait que son vêtement ne cède définitivement aux mains avides qui la convoitaient. Ezephine n’était pas dupe, elle comprenait comment les choses allaient se finir, elle espérait seulement qu’il ferait vite. Elle n’était pas de taille… Mais Lui si. Cet inconnu qui venait de surgir de la ruelle était bien plus grand qu’elle, plus fort aussi. Il attira l’homme loin d’elle et lui asséna un nombre incalculable de coups de poings. Il voulait sa mort. Elle le sentait plus qu’elle ne le voyait. La façon dont il s’acharnait sur l’agresseur témoignait d’une véritable hargne. La jeune femme papillonna des yeux, cligna une ou deux fois supplémentaires et sembla se figer. L’expression vide de son visage, ses longs cheveux bruns défaits cachant à moitié son visage… Elle avait tout d’une coquille vide, d’un corps sans âme. Ses yeux voyaient encore, toutefois elle ne comprenait pas – ou ne cherchait même pas à le faire – ce qu’elle voyait. Ainsi elle le vit s’arrêter progressivement, tout comme elle le vit se pencher vers elle. Il avait hésité l’espace d’un instant avant de glisser un bras sous le sien après avoir repositionné les liens de cuir. Il l’aida à se relever, en douceur.

    Ezephine n’eut aucune réaction : elle se laissa tout simplement faire sans qu’aucune émotion ne vienne troubler ses traits. Elle était en état de choc. Petite chose sans défense. Frêle créature affaiblie. Rien que d’imaginer la suite de cette scène l’avait traumatisée ; elle était devenue muette et apparemment amorphe. Rien n’avait l’air de la tirer de cette maudite transe. Une partie d’elle, une infime partie, cherchait néanmoins à connaître les intentions du guerrier. Mais elle n’était pas assez forte pour agir de son propre chef. Elle n’arrivait même pas à fixer son regard sur lui. Peut-être que ce bref combat résultait d’une sorte de bagarre des rues. Une façon comme une autre de faire valoir sa puissance. Et si elle n’était qu’un trophée bonus dans cette affaire ? Il l’incita à tourner au coin d’une ruelle, effectuant de légères pressions sur son épaule, son dos et sa taille afin de la diriger. Elle marchait d’un pas lent, trébuchant parfois et gardant les iris rivés à ses chaussures. Sans aller jusqu’à dire qu’il était doux, il n’était pas violent. Il ne la brusquait pratiquement pas, prenant soin de ne pas trop la toucher et de rester suffisamment loin pour ne pas l’effrayer, et suffisamment près pour la secourir en cas de chute. Pourquoi lui venait-il en aide, alors ? Elle n’avait pas pour habitude qu’on vienne l’aider sans raison. Il ne savait rien d’elle, pas même son nom. Il n’avait fait que la voir en position de victime, et au lieu de la laisser là, à attendre qu’elle reprenne ses esprits, il l’avait entraînée à sa suite.

    « Dis, où m’emmènes-tu ? » pensa-t-elle faiblement.

    Ses jambes étaient aussi lourdes que si elles avaient été faites de plomb. La pointe de son pied droit heurta une dalle inégale et elle reprit son équilibre au dernier moment. De loin, on aurait pu croire qu’elle était tout simplement ivre… mais le mal était ailleurs.

    « Alors ? Que comptes-tu faire de moi ? »

    Une fois encore, ses paroles restèrent cloîtrées dans son esprit. Sa gorge était trop serrée pour les laisser passer, et elle était encore trop secouée pour affronter sa peur latente. Elle avait échappé au pire cette fois. Mais que ce serait-il passé s’il n’avait pas été là ? Cette expérience lui ôterait presque l’envie de rester enfermée chez elle jusqu’à la fin de ses jours, mais Ezephine tenait bien trop à Elvire et à sa vie pour cela. Elle avait lu un jour que la vie était un mélange de peur, de risques et de joie. Seulement elle n’aurait jamais imaginé vivre ça un jour. L’étrange couple tourna et vira encore une dizaine de minutes avant de parvenir face à une auberge. Le bruit et les rires qui s’en échappaient semblèrent réanimer brièvement la jeune femme, mais elle se renferma bien vite dans son apparente insensibilité. Seul son regard, allumé d’une éphémère lueur d’intérêt, bougea. Un rayon de lumière illumina brièvement la garde de l’arme que son « sauveur » portait à sa ceinture ; une belle épée. Une arme qui avait dû servir à tuer. Elle n’était pas de première jeunesse, signe qui différenciait un guerrier d’un noble : les premiers achetaient une arme dont ils se servaient plus ou moins souvent, les seconds se contentaient de parader avec.

    « C’est ça, chez toi ? » l’interpella-t-elle mentalement.

    Elle traîna avec beaucoup de difficulté son regard vers lui, mais il ne sembla pas la voir. Sa tête retomba contre sa poitrine, laquelle se soulevait lentement. Elle se remit à fixer ses pieds comme si rien ne s’était passé. Solan poussa la lourde porte en bois et lui fit signe d’entrer. Ezephine lui emboîta le pas, docile et muette. Sa robe déchirée par endroits, ses écorchures ensanglantées et sa chevelure désordonnée lui permettaient de passer pratiquement inaperçue… alors qu’en temps normal, elle semblait porter d’office l’étiquette de la jolie petite Blasonnée. Elle accueillit le vacarme avec soulagement ; il l’empêchait de penser et brouillait ses pensées. Sa main se tendit avec une vivacité étonnante pour venir s’enrouler autour du poignet du mercenaire. Elle ne voulait pas le perdre de vue.
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MessageSujet: Re: « Alone and helpless » ζ E&S   « Alone and helpless » ζ E&S EmptyJeu 12 Mai 2011, 00:06

Avait-il réellement pensé à la laisser là-bas ? A voir dans quel état elle était, il se disait maintenant que l'abandonner eut été la chose la plus criminelle qu'il aurait pu faire dans sa vie - et il venait de peut-être tuer un homme. Elle semblait vidée de l'intérieur, comme si on lui avait pris son âme: elle ne disait pas un mot, ne pensait pas et jamais Solan ne put voir l'ombre d'une expression sur le visage délicat de la jeune fille. Pouvait-il seulement l'imaginer rire ou sourire ? Non: elle n'existait à ses yeux qu'à travers la vue de ce visage figée qui ne semblait ressentir ni haine ni douleur. Elle n'avait pas de nom, pas même de voix ... elle n'était qu'un corps certes intact, mais dont on avait ravagé la conscience. Était-il prudent de l'emmener avec lui ? Faire attention à lui lui semblait déjà être parfois d'une difficulté étonnement grande et il se demandait donc très logiquement si prétendre pouvoir prendre soin de quelqu'un dans un état pareil était une idée judicieuse. Aussi l'amener jusqu'à un dispensaire, chez un médecin, ou dans tout autre endroit où il la saurait en sécurité pour la nuit lui parut l'espace d'un instant une solution tout à fait raisonnable pour avoir l'esprit tranquille sans avoir à veiller sur elle. Pourtant quelque chose qu'il n'aurait su expliquer lui fit prendre la direction de l'auberge où une chambre l'attendait. Peut-être sa présence flattait-elle sa bonne conscience, ou bien c'était peut-être cette impression qu'il avait que, ce soir, celle qui restait pour lui une parfaite inconnue avait besoin de quelqu'un qui ne se contenterait pas de lui donner un lit pour la nuit, la renvoyant finalement à ses démons dès que le jour ferait son apparition. Il fréquentait les bas-fonds, les bordels ... il savait, ou il pensait savoir.

« - Par là. Ne t'inquiète pas. »

Il la guida alors à travers les rues et les allées du quartier d'Unigol, la rattrapant à chaque fois qu'elle trébuchait, l'encourageant à chaque fois qu'elle hésitait. Les gens les regardaient parfois et, même s'il ne se souciait pas vraiment de leur jugement d'habitude, il se surprit cependant en train de prier Eydis pour que personne ne la reconnaisse, pour que personne ne la surprenne dans l'état lamentable dans lequel elle se trouvait . Elle n'avait pas besoin de ça. Heureusement pour elle, elle se laissa diriger sans jamais se faire remarquer, et ce jusqu'à la taverne ce qu'ils arrivent où Solan allait passer cette nuit - et où il avait passé les précédentes. Il fit signe au patron qui ne lui répondit que par un air gêné, presque dégoûté. Solan se fit une vague idée de ce que pouvait bien imaginer le vieux, mais il préféra ne pas chercher à se justifier, c'eut été inutile. Il fallait avouer que l'endroit n'avait rien d'un palais et si ce n'était pas l'établissement le plus mal famé de Lanriel, on pouvait aisément présumer des scènes singulières que le tenancier avait pu voir dans sa carrière. Solan se contenta alors de s'engouffrer dans le couloir qui menait aux chambres. On entendait les planches de bois qui composaient le sol craquer à mesure que les rires s'éloignaient. Il ouvrit la porte, encourageant l'inconnu à entrer. La porte maintenant close, le vacarme de la salle principale n'était plus qu'un léger fond sonore, juste assez audible pour qu'il suffise néanmoins à briser le silence qui pesait sur la chambre.

« - installe toi sur le lit, je vais chercher de quoi ... » dit-il s'en allant presque, tout juste retenu par la main aussi délicate qu'écorchée de la jeune fille.

Il soupira alors qu'il la détaillait un peu mieux, se rendant compte à quel point ils l'avaient abîmé. Il avait déjà été assez loin avec certaines de ses victimes parmi les plus récalcitrantes, femmes ou hommes, pourtant il se persuada à tord peut-être qu'il n'aurait jamais pu s'attaquer à elle comme ils l'avaient fait, sans même parler de ce qu'elle avait subi par la suite. Était-il tout à fait objectif ? Probablement pas et, s'il avait été le premier à s'apercevoir de la petite fortune qu'elle promenait avec elle avant qu'on ne la dépouille, il l'aurait surement attaqué sans jamais éprouvé une once de culpabilité. Mais, quand il l'avait vu ainsi affalé contre le mur de pierre, il ne put s'empêcher de se rappeler ... Non, il divaguait, se souvenir d'elle n'avait plus d'intérêt, pas maintenant. Il l'accompagna jusqu'au lit, seul mobilier en plus d'un bureau bancal. Il la fit s'asseoir avant de lui faire comprendre qu'il revenait, qu'il ne fallait pas qu'elle s'inquiète. Il ne fut pas long avant de réapparaître avec une cruche et une petite bassine remplie d'eau, ainsi qu'un assez gros bout de pain qu'on lui avait donné aux cuisines. Malheureusement le gros coup dont il pensait pouvoir tirer une petite fortune ne lui avait rien rapporté et passer la journée à traquer celui qui l'avait dupé n'avait pas été plus payant, aussi ne pouvait-il pas espérer lui offrir mieux ce soir. On lui avait aussi prêté une petite bouteille d'alcool. Il s'installa à côté de sa protégée d'un soir.

« - C'est pour toi. » assura-t-il en lui montrant le verre d'eau et le bout de pain. « Tu peux parler maintenant, ils n'existent plus. Tu peux me dire ton nom ? » questionna-t-il, espérant que la jeune fille sortirait de son mutisme, avant de tremper un bout d'étoffe dans la bassine d'eau: « Il faut nettoyer tes blessures et les ... » Il s'arrêta pour chercher le mot, ça lui arrivait parfois, c'était la seule chose qui rappelait qu'il venait de Darya, ainsi que ce léger accent qu'on n'entendait que sur certains mots. « ... désinfecter. C'est ça. Je peux le faire, sauf si tu préfères t'en occuper seule. »

Il n'osait pas le dire, mais, après tout, elle venait d'échapper à un viol.
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MessageSujet: Re: « Alone and helpless » ζ E&S   « Alone and helpless » ζ E&S EmptyJeu 12 Mai 2011, 01:46

    Ezephine, accrochée au poignet du mercenaire, ne capta pas le regard désapprobateur de l’aubergiste. Son esprit envahi par le bruit des tasses s’entrechoquant, des rires et des discussions, elle se laissa entraîner sans chercher à comprendre. Ils finirent par arriver à destination : une chambre un peu exigüe, à la décoration vétuste, mais d’apparence plutôt propre. L’endroit n’était pas parfait, il suffirait toutefois à les isoler un peu pour leur permettre de parler. L’homme tenta de quitter la pièce juste après l’y avoir emmenée, mais la prise de la jeune femme ne s’était pas desserrée. Il la contempla alors, un soupir franchissant la barrière de ses lèvres fines, et elle se sentit brusquement mal à l’aise. Non pas que son regard la dérangea, mais elle savait ce qu’il voyait. Une jouvencelle en détresse, une faible femme qui venait d’échapper à un sort pire que la mort. Et qui ne parvenait pas à reprendre pied. Elle le regarda sans le voir lorsqu’il tenta de lui expliquer les raisons de son départ, relâcha son poignet, et se laissa choir sur le lit, seul siège disponible. Comme il l’avait promis, il finit par revenir. Il déposa son butin sur l’étrange meuble lui servant de table – un gros morceau de pain, un verre d’eau glacée, une bassine ébréchée remplie du même liquide ainsi qu’un morceau d’étoffe – avant de s’adresser à elle. Un long frémissement parcouru son échine. Elle trembla, et expira l’air contenu dans ses poumons.

    « C'est pour toi. Tu peux parler maintenant, ils n'existent plus. Tu peux me dire ton nom ? »

    Les mots semblaient se bousculer tant il parlait. Elle cligna plusieurs fois des yeux, son regard hésitant à se fixer sur son visage assombri par une barbe bien présente.

    « Il faut nettoyer tes blessures et les ... désinfecter. C'est ça. Je peux le faire, sauf si tu préfères t'en occuper seule. »

    Ses lèvres frémirent. L’esquisse d’un sourire s’y dessina, et, telle la flamme vacillante d’une bougie, s’effaça presque aussitôt. La brève hésitation qu’il avait eue, c’était cela la raison. Comme s’il cherchait ses mots parce qu’il ne connaissait pas bien la langue de Lanriel. Ezephine décela l’ombre d’un accent étranger dans les phrases qu’il prononçait, mais ne parvint pas à l’identifier. Elle ferma les paupières, s’enfouissant un instant dans la pénombre de ses pensées. La voix de Solan n’était pas belle, ni même mélodieuse. Elle était un peu rocailleuse par moments, profonde aussi. Mais il faisait preuve d’une douceur incongrue. Il ne parlait pas fort, il ne s’esclaffait pas. Il s’exprimait sur un ton qui se voulait réconfortant, il tentait de l’inciter à s’ouvrir à lui. A retrouver le goût de la parole en tout cas. Elle lui tendit ses mains blessées, lui octroyant ainsi le droit de la toucher, et détourna le visage avant même que le tissu n’effleure ses écorchures. La douleur lui arracha un gémissement plaintif qui sembla dénouer le nœud de sa gorge.

    « Ezephine… »

    Ses plaies n’étaient pas profondes, elles étaient même assez superficielles, mais elle n’était pas habituée à souffrir de la sorte. Elle serra vaillamment les dents, réprimant un second petit cri et sentit sa vue se brouiller. De minuscules petits gravillons étaient collés au sang vermeil qui avait commencé à sécher sur ses mains. Il dû passer plusieurs fois l’étoffe par-dessus pour qu’ils veuillent bien se détacher. La douleur finit par s’estomper – ou alors était-ce elle qui s’y était faite ? – la jeune femme eut un élan de gratitude envers le mercenaire. Elle le regarda panser ses mains, effectuer deux ou trois manipulations dont elle ne comprenait pas vraiment le sens : était-ce ça qu’il appeler, « désinfecter » ? Ses grands yeux curieux continuèrent de l’observer jusqu’à ce qu’il finisse par relever la tête.

    « Merci… ? »

    La fin de sa phrase resta suspendue dans le vide. Elle ne connaissait même pas son prénom. Il avait déjà tant fait… et il demeurait pourtant un inconnu. Elle plia et déplia ses longs doigts pâles, grimaça doucement et, s’estimant heureuse du résultat, attrapa le gobelet d’eau. A peine l’eut-elle soulevé du bureau qu’elle manqua de le renverser. Heureusement rien ne s’échappa du récipient ; elle réitéra son geste, avec plus de précautions cette fois, et comprit d’où venait le problème. Ses blessures étaient fraîches, et la douleur mêlée au traumatisme l’avaient rendue tremblante. Elle porta tant bien que mal la boisson à ses lèvres gercées, avala à grandes goulées le liquide froid et lâcha un petit soupir de satisfaction une fois qu’elle eut vidé le verre. Sa gorge et sa bouche étaient si sèches qu’elle se demanda comment elle était parvenue à ne pas le remarquer jusqu’ici. Ezephine s’attaqua ensuite au gros morceau de pain, qu’elle dévora petit à petit, bouchée par bouchée. Si elle ne parlait pas, c’était parce qu’elle ignorait ce qu’elle devait dire de plus. Elle avait peur qu’en disant trop de choses à son sujet, la bienveillance désintéressée de Solan se transforme en autre chose, quelque chose de plus malfaisant. Et si elle ne disait rien… alors elle l’inciterait à poser des questions précises qui lui laisseront le temps de réfléchir à ses réponses. Son attention se tourna vers la nourriture ; le pain était sec, difficile à avaler, mais il avait le mérite de la sustenter. Elle s’immobilisa brusquement à la moitié et l’éloigna d’elle.

    « Pardon… je… tu as faim ? » elle se reprit, ayant l’impression d’agir comme une idiote. « Oui, oui, tu as faim… tiens, pardon d’en avoir mangé autant. »

    Sans lui laisser le temps de se justifier, elle lui fourra le morceau de victuaille entre ses grandes mains de guerrier et l’incita à manger du regard. Si elle parlait d’une façon aussi désordonnée et simpliste, c’est qu’elle n’était pas tout à fait remise. Certes, la lueur dans ses yeux chocolatés s’était rallumée, mais cela ne signifiait rien, si ce n’est qu’elle ne se comportait plus comme une morte-vivante. La Blasonnée examina sa tenue. Elle avait beau ne pas être superficielle, elle déplorait tout de même un tel gâchis. Mais elle avait conscience que ce soir, elle aurait pu perdre plus. Beaucoup plus. Et elle était redevable au voleur d’être intervenu. Elle se demanda d’ailleurs de quelle façon le remercier. Lui offrir de l’argent ? Non, c’était trop simple. Et l’appât du gain pouvait forcer les gens à faire pas mal de choses pas très nettes. Perdue dans ses réflexions, Ezephine passa ses doigts fuselés entre les différents trous de son vêtement ; ce genre de tissu s’abîmait très rapidement, un simple froissement contre la pierre et s’en était terminé. En vérité, elle était moins amochée qu’elle n’en n’avait l’air. Il aurait suffi qu’elle se toilette un peu, qu’elle réorganise ses cheveux en une coiffure à peu près correcte et l’image de la petite rescapée deviendrait moins flagrante. Le regard de la belle s’aventura dans tous les recoins de la pièce ; elle observait, apprenait, enregistrait le moindre détail. Cela lui permettait de reprendre peu à peu pied dans la réalité, comme si se rendre compte qu’il y avait une toile d’araignée accrochée à une poutre rendait les moments passés moins réels. C’était ainsi qu’elle fonctionnait. A coup d’imagination et de semi-illusions. Elle se concentrait sur le présent, espérant rendre le passé moins douloureux.

    « Merci d’être intervenu… je dis peut-être trop souvent merci, mais je le pense. »

    Beaucoup ne se seraient pas arrêtés. Elle ignorait bien évidemment tout de la raison qui avait poussé Solan à rechercher cet homme, et à vrai dire elle ne voulait pas la connaître. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’il lui avait sauvé la vie. Car après qu’il se soit distrait, son agresseur lui aurait certainement tranché la gorge pour qu’elle ne serve pas de témoins. Qu’elle ne dévoile pas leur visage à la garde. Ezephine resserra ses bras autour de sa frêle silhouette ; elle avait froid. Elle qui, quelques instants plus tôt, était insensible à tout, commençait à sentir les effets secondaires de son entrevue avec le bandit. Elle se souvint des mains avides de ses compagnons, de siennes et, aussi, de celles de son sauveur. Les siennes n’avaient fait que remettre quelques lanières en place, elles ne l’avaient qu’effleurée, guidée. Pourtant c’était celles qui l’avaient le plus marqué.

    « Je me sens… »

    Elle s’interrompit brusquement, consciente qu’elle allait peut-être trop loin. Il l’avait sans doute sauvée, mais il n’avait peut-être pas envie qu’elle fasse étalage de ses problèmes ainsi. Et qu’aurait-elle pu dire qu’il ne savait déjà ? Qu’elle se sentait sale ? Honteuse ? Affaiblie ? Qu’elle ressente une violente nausée rien qu’à évoquer ce souvenir dérangeant ? Qu’elle resterait marquée à vie par cette simple nuit ? Ezephine baissa la tête.
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MessageSujet: Re: « Alone and helpless » ζ E&S   « Alone and helpless » ζ E&S EmptySam 14 Mai 2011, 22:47

Ezephine. Un joli nom s'il en faut. L'avait-il déjà entendu auparavant ? Qui sait ? Pas lui en tout cas car, s'il l'avait bel et bien entendu une fois au moins, il ne s'en rendit pas vraiment compte et se soucia donc encore moins de comment ce nom avait bien pu venir jusqu'à ses oreilles ou encore à qui il pouvait bien appartenir. Une chance pour la jeune princesse que l'anonymat protégerait mieux des dangers du monde extérieur, y compris de celui que représenterait potentiellement Solan si ce dernier se rendait compte de l'opportunité que le destin lui avait mis entre les mains. Peut-être était-ce son habit déchiré ou son air de poupée abîmée qui occultait totalement son appartenance à la noblesse, ou peut-être était-ce simplement le fait qu'il n'avait guère aperçu la fiancée du prince plus d'une fois ou deux, et encore: cela devait être à une de ces festivités où on l'on donnait au peuple l'occasion d'admirer ceux qui les gouvernaient sans jamais vraiment pouvoir les approcher. Du moins c'est comme ça que Solan voyait ce genre d'événements. Il fallait admettre que, avec l'histoire douloureuse qu'il partageait avec la Couronne, il n'avait jamais vraiment eu l'occasion de sentir proche d'elle et il éprouvait toujours une certaine rancœur, ainsi qu'une méfiance qu'il dissimulait toujours très mal. Malgré ça, ça ne l'empêchait pas de soigner sans le savoir les égratignures de celle qui deviendrait plus tard, si tout se passait bien pour elle, la reine du royaume. Un léger sourire apparut sur son visage lorsqu'il entendit les lamentations discrètes de la jeune fille à qui la douleur avait arraché le nom. Elle le remercia.

« - Solan. »

Elle se tut un long moment. Il fit de même: contrairement à ce que craignait Ezephine, à savoir que le paria ne se mette à lui poser trop de questions, Solan n'avait pas vraiment l'intention de discuter toute la nuit durant. Il n'avait aucune prétention la concernant: il savait qu'elle lui serait surement reconnaissante, mais leurs chemins se sépareraient dès lors qu'il serait certain qu'elle ai un endroit où aller quand elle quittera cette chambre. Il le croyait en tout cas. Et puis l'anonymat partiel de la jeune femme éloignait logiquement de Solan toute idée d'être récompensé ... Et, après tout, il tenait bien trop à ces rares actes désintéressés pour qu'il se soit résolu à le vendre, même de manière symbolique. Il se réjouit néanmoins de la voir manger avec un certain appétit le maigre repas qu'il avait pu lui obtenir et cela le fit sourire encore. Il avait terminé de nettoyer les blessures qu'avait subies Ezephine, les blessures physiques du moins, les plus légères, laissant au temps le soin de soigner celles qui avaient meurtri son esprit. Soudain, elle lui fourgua la moitié du pain dans les mains et ce sans même attendre de réponse à la question qu'elle lui avait posé.

« - Merci, mais il vaut mieux que tu manges, la tête récupère mieux une fois le ventre plein. » assura-t-il en lui redonnant le maigre repas. « Je suis désolé, je ne peux pas t'offrir mieux. »

La vérité c'était qu'il mourait de faim, mais ça ne lui semblait pas être une raison suffisante pour accepter de reprendre cette nourriture qu'il lui avait donnée de bon cœur. Il n'était pas tellement du genre à se laisser mourir de faim pour une inconnue, mais les circonstances étaient tout de même particulières et il s'en serait voulu de la couper dans son élan, d'autant qu'il était légèrement étonné de la voir manger avec autant d'entrain ce que lui même aurait trouvé à la limite du comestible.

« - Quand j'ai vu ce qu'il s'apprêtait à faire ... Pas la peine d'insister, j'ai fait ce qu'il fallait faire, je crois. » dit-il, songeant maintenant à celui qu'il avait passé à tabac. « Comment tu as bien pu tomber sur eux ? Ces ruelles sont de véritables coupes gorges, personne ne s'y rend.»

Était-il mort, à l'heure qu'il est ? S'il ne l'était pas, Solan pouvait s'attendre à une vengeance en bonne et due forme dès qu'il serait remis. C'était le problème avec les règlements de compte: il ne s'agissait que d'un gigantesque cercle vicieux dont les acteurs ne sont pas plus lucides qu'un chien tournant en rond pour se mordre la queue et qui ne prenait souvent fin que lorsque quelqu'un finit par y laisser la vie. Malgré ça Solan était vraiment dérangé à la pensée d'avoir peut-être tué un homme et s'il était maintenant trop tard pour s'en soucier vraiment, il n'aimait pas l'idée d'être un tueur en plus d'un voleur, même si sa victime était quelqu'un d'encore plus détestable. D'ailleurs il se demandait comment le voyait celle qu'il avait sauvée ... se demandait-elle seulement qui était cet homme capable d'en frapper un autre avec une telle rage et une telle haine ? Si Ezephine s'inquiétait que Solan découvre sa véritable identité, c'était maintenant ce dernier qui s'inquiétait de voir la jeune fille prendre connaissance de son état de paria ... À vrai dire c'était plutôt la peur qu'elle l'assimile à l'ordure qui avait tenté de la violer qui lui faisait craindre ces petites révélations.

« - Tu peux parler si tu en as envie ... Je peux pas promettre de savoir vraiment quoi répondre, mais tu peux. » avoua-t-il très honnêtement.

Il savait à quel point se confier était une chose difficile ... Lui-même n'y était jamais tout à fait arrivé. C'est faux. Il y était parvenu, une fois. Ce soir-là il avait abordé des sujets qu'il n'avait jamais plus abordés depuis. C'était avec elle, encore et toujours. Pourquoi tout ce soir le ramenait à son image ? Elles se ressemblent. Lis ? Pourquoi vouloir le nier, qu'il voyait dans le visage délicat de la jeune princesse celui de celle avec qui il avait tant partagé. Elles, elles partageaient cette fragilité, une certaine candeur. Il ne l'avait pas connu très longtemps, mais cela ne l'avait pas empêché de s'attacher à elle comme on s'attache à ... Il ne savait pas comment en parler et il doutait maintenant qu'il y avait un mot pour décrire ce qu'il ressentait. Il avait peur: cherchait-il à faire renaître ce sentiment indescriptible que Lis lui avait fait découvrir ? Il soupira comme pour souffler cette idée loin de lui et se leva. Il tira de sous le lit le paquet qui contenait les affaires qu'il traînait d'auberge en auberge avant d'en sortir un gilet plutôt épais qu'il tendit à Ezephine.

« - Tient, tu as froid. »
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MessageSujet: Re: « Alone and helpless » ζ E&S   « Alone and helpless » ζ E&S EmptySam 04 Juin 2011, 16:02

    Solan. Elle n’avait jamais entendu ce prénom ; il avait l’air tout droit sorti d’un livre, il lui donnait l’impression d’être fait de rêves et d’aventures. Solan. Son prénom était court, il glissait sur la langue avec facilité et se retenait aisément. Il lui était étranger, et il était étrange. Solan… Elle lui devait son salut. La jeune femme s’efforça donc de graver ledit prénom dans sa mémoire afin de récompenser plus tard l’acte désintéressé du mercenaire. Elle ignorait tout de lui, mais il suffisait qu’elle jette un coup d’œil autour d’elle pour remarquer qu’il ne roulait pas sur l’or. Un petit sac de pièces ne vaudrait jamais ce qu’il avait fait pour elle néanmoins cela lui rendrait sans doute la vie plus douce pendant un temps. Ses mains ne la brûlaient plus, elles la faisaient encore souffrir, certes, mais c’était une douleur sourde qu’elle parvenait à occulter pour l’instant. Elle saluait le savoir-faire de son sauveur, la douceur dont il avait fait preuve en désinfectant ses plaies. Pourtant il n’avait pas l’air d’être le genre d’homme doux et délicat… La rudesse de ses traits creusés par la fatigue et la faim, ses mains calleuses et abîmées, son regard mystérieux… Il était de ceux qui vivaient au jour le jour, qui voyageaient sans cesse. Mais ce soir, avec elle, il s’était montré sous un jour nouveau. Cela, elle le devinait à la façon dont il la regardait, à la mélancolie qui perçait quelque fois ses yeux clairs. Il faisait attention de ne pas la brusquer. Il l’observait parfois à la dérobée, comme s’il essayait de savoir si elle n’allait pas s’effondrer telle une marionnette dont on aurait coupé les fils. Solan était prévenant.

    « C’est déjà beaucoup, et ça me convient. » fit-elle en récupérant le morceau de pain.

    Elle aurait certainement fait la fine bouche si elle n’était pas aussi affamée. Mais même ce quignon desséché lui paraissait appétissant. Et comme il l’avait si bien dit, elle avait besoin de manger pour espérer allait mieux. L’aliment disparu bien assez tôt entre ses lèvres avides, et elle se retrouva de nouveau à détailler les paumes de ses mains en silence. Elle ne savait pas quoi dire de plus, et dès qu’elle s’essayait à parler, elle s’interrompait brutalement. Au bout de ce qui lui parut être des heures, le mercenaire brisa le silence. Il avait fait ce qu’il fallait… elle n’en doutait pas. Et si elle aurait dû être secouée par le ton neutre qu’il employait – lui, qui avait pratiquement battu à mort un homme – elle ne le fut pas. Certainement que le fait d’avoir été une victime la faisait voir les choses sous un autre angle. Ou bien cela venait-il du fait qu’elle admirait trop le courage de cet homme pour l’imaginer comme étant un bandit de la pire espèce. Il l’avait aperçue, il s’était rendue compte de ce que son agresseur allait lui faire subir. Et il était intervenu. Beaucoup aurait simplement tournés des talons. Mais pas lui. Solan lui demanda ensuite ce qu’elle faisait dans ces ruelles, et elle piqua un fard en baissant la tête. Pouvait-elle décemment lui confier ce qu’elle recherchait, à arpenter ainsi toutes les rues et ruelles de la ville sans arme pour se défendre ? Son cœur s’emballa à la pensée qu’il puisse avoir croisé Elvire dans ses pérégrinations, mais elle se défendit d’en parler. C’était un sujet sensible, et elle n’avait jamais confié à âme qui vive qu’elle recherchait son amie. Sa propre famille l’ignorait.

    L’homme l’incita de nouveau à se confier puis il s’abîma dans des pensées qui lui étaient inconnues. Il soupira fortement, se leva, tira une lourde malle de sous le lit et en sortit un gilet qu’il lui tendit. Jusqu’à ce qu’il lui en fasse la remarque, elle n’avait pas ressenti froid qui s’insinuait en elle. Mais dès que les mots eurent franchi ses lèvres, elle frissonna sous la morsure de la nuit glacée. Elle tendit la main… et la posa sur celle du mercenaire. De sa main libre, elle récupéra le vêtement, de l’autre elle caressa les fines zébrures qui parsemaient la paume du guerrier. A trop manier l’épée, à trop frapper, à trop s’écorcher, sa peau avait fini par devenir plus dure que la sienne. Plus rugueuse aussi. Comme du vieux cuir. Non, décidément il n’avait rien à voir avec les hommes qu’elle fréquentait à la cour. Son corps avait souffert, son âme aussi. Mais il dégageait quelque chose de plus puissant encore qu’eux. Une force colossale, une détermination qu’elle lisait dans son regard. Ezephine posa sa joue sur la main de Solan.

    « Tu n’es pas quelqu’un de mauvais. »

    Elle laissa à sa phrase le temps d’agir, elle laissa à Solan le temps de comprendre la portée de ses mots. Si elle n’était pas capable de lire dans les pensées, elle n’en demeurait pas moins humaine et sensible. Il était aisé de ressentir le trouble d’autrui, aussi avait-elle simplement tenté de le réconforter par quelques paroles maladroites. Elle ne saurait jamais à quel point elle avait vu juste.

    « Je cherche une amie qui a disparue après avoir été accusée de meurtre. Je sais qu’elle n’en serait pas capable, et j’ai essayé de la retrouver. Mais je pense qu’elle a quitté la ville, et mes chances de tomber sur elle un jour s’amenuisent avec le temps. »

    Ezephine enfila le gilet qu’il lui avait donné et croisa les bras.

    « Je tente de récupérer des informations en allant en ville, mais c’est peine perdue. »

    Ses iris chocolatés remontèrent vers le visage du guerrier.

    « Et toi, que faisais-tu là ? »
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MessageSujet: Re: « Alone and helpless » ζ E&S   « Alone and helpless » ζ E&S EmptyDim 26 Juin 2011, 18:46

« Nous ne sommes pas mauvais ... tu le sais ? Crois-le. »

C'était ses mots ... Les mots d'une gamine qui les avait prononcés avec l'assurance d'une gamine qui n'avait pas encore vécu. Peut-être que si elle avait pu grandir, peut-être que si elle avait finalement vécu, surement aurait-elle changé d'avis, elle aurait douté, non ? Solan lui, à sa grande déception, s'était régulièrement surpris à se demander si c'était vrai, s'il était quelqu'un de foncièrement mauvais. Il n'avait jamais eu l'impression de tirer un plaisir réel dans ce qu'il infligeait aux autres, mais, à titre d'exemple, il ne craignait pas d'être tourmenté à vie de la mort potentielle de cet homme, de cette ordure qu'il avait rouée de coups quelques heures plus tôt et rien ne semblait justifier cette absence de remords ... Lui n'était pas sa victime et sa vengeance n'excusait pas un tel traitement ... En fait, il en venait presque à regretter de ne pas regretter, mais ça lui passerait, il en était certain: il ne faisait jamais grand cas très longtemps de ce genre d'état d'âme qui l'assaillait drôlement de temps à autre et, au pire, il lui restait l'alcool.

Il sentit sa main sur sa joue, ne sachant comment réagir ... Ce n'était rien que les mots d'une gamine qui n'avait pas encore vécu, une fois de plus. Ça ne la rendait pas moins sincère ni touchante, vraiment, mais ça ne restait que des mots se voulant rassurants, humains. Solan, s'il ne doutait pas de ne pas être quelqu'un de mauvais à défaut d'être quelqu'un de bien, se demandait bien comme la gamine qu'il avait en face de lui pouvait en être si certaine ... Elle ne penserait sans doute pas la même chose si elle connaissait la moitié des méfaits qu'il avait pu connaître, et encore Solan ne se doutait pas du rang de la jeune fille, sinon il aurait été persuadé de finir pendu par le cou. Fort heureusement, Ezephine ne s'aventura pas plus loin dans cette voie - pour l'instant du moins - et consentit finalement à lui avouer la raison de sa présence dans les ruelles parmi les plus malfamées d'Unigol et de Cathairfal.

Solan fronça les sourcils à l'écoute de cette histoire intrigante qu'Ezephine lui livrait alors et il se demandait maintenant quel genre d'amie pouvait bien avoir cette jeune fille et qui pouvait être recherché pour meurtre ... À vrai dire il n'avait pas beaucoup d'idée de quoi dire à cette fille vraisemblablement perdue, mais il ne voulait pas l'accabler:

« - Je suis certain que ton amie s'en tire bien et puis il faut que tu continues de la chercher. Il est vrai que rester à Cathairfal quand on est recherché n'est pas la meilleure idée ... Si elle a fui, elle doit être quelque part en Lanriel, mais probablement pas ici ... » dit-il, fort à vrai dire d'une certaine expérience dans le domaine de la cavale.

Si Solan avait cru être le seul à pouvoir interroger la jeune femme, il s'en rendit bien vite compte qu'il s'était lourdement trompé, cette dernière lui demandant maintenant à son tour ce que le paria faisait dans ses ruelles qu'il avait décrites lui-même comme de véritables coupes-gorges ... Les choix étaient limités, il pouvait lui mentir ou dire la vérité, ou du moins une partie de la vérité ... Elle n'avait après tout pas besoin de tout savoir pour voir sa curiosité satisfaite.

« - Disons que j'avais quelque chose à lui reprocher ... Je le cherchais depuis un moment et quand je l'ai trouvé ... Tu connais la suite. » dit-il, trouvant dans ces quelques mots le moyen le plus court de répondre à Ezephine. Il enchaîna rapidement: « - Il vaut mieux que tu dormes ici ce soir, la nuit est déjà tombée. Tu dois être fatiguée, non ? Couche toi si tu veux, je peux sortir. » Il se leva du lit comme si l'affaire était entendue, avant de dire: « Rassure moi, tu as un endroit où rentrer à Cathairfal, demain matin, n'est-ce pas ? »

Il n'avait pas l'intention de laisser Ezephine vagabonder dans la capitale de Lanriel sans endroit où aller, après tout il ne serait pas toujours là ... Évidemment, il ne savait toujours pas à qui il s'adressait.
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