Esendril Maronmeth ♦ Terminée

Une naissance parmi tant d’autres, un enfant parmi des centaines et pourtant, celui-ci n’était pas comme les autres. Fils d’une domestique, Esendril n’a jamais connu son père et sa mère n’en parlait que très peu, il s’est laissé entendre qu’il n’était plus de ce monde. L’enfant curieux et désireux de connaître l’homme qu’était son père renonça pourtant à le découvrir. Ce sujet mettait sa mère mal à l’aise et l’ennuyer était bien la dernière chose qu’il souhaitait. Pour en revenir à ce qui faisait d'Esendril quelqu’un de spécial, était sans nul doute la place qu’il occupait au château, grâce au statut de sa merveilleuse mère. Celle-ci était la nourrice de la princesse Izhelindë, Esendril n’était son aîné que de quelques mois. Le Roi fit alors preuve de clémence en permettant à la nourrice de sa fille d’élever son fils dans les mêmes conditions, ainsi il fut habitué très jeune à la compagnie de l’impétueuse Izhelindë. Au fil des années tout deux finirent par développer une certaine complicité. Jeunes et ignorants, les enfants sont souvent intenables – même chez la famille royale – et ces deux-là n’échappaient pas à cette vérité. Ils avaient quasiment tout vécu ensemble, tout ce que sa mère enseignait à la princesse, Esendril en profitait tout autant. Cette complicité fut rapidement considérée comme de l’amitié, ainsi Esendril devint le camarade de jeu de la princesse, mais pas seulement … Aux grands regrets de certains, la princesse voyait en ce jeune garçon un ami loyal, à qui elle se confiait souvent et avec lequel elle faisait les quatre cent coups. Esendril lui, respectait beaucoup Izhelindë et sa famille, ce qui ne l’empêchait pas de la suivre où qu’elle aille et donc parfois, de désobéir à des ordres directs. Mais il s’était toujours considéré comme étant au service de la princesse, et non de sa famille. « Quelle insolence! » le réprimandait souvent sa mère, mais il n’en faisait toujours qu’à sa tête. À force de rester auprès de la princesse, son influence avait laissé des traces sur son propre caractère, mais peut-être était-ce parce qu'au fond, ils se ressemblaient..

L‘enfance, une période qui pour la plupart nous rend innocent, mais lorsque vient la seconde étape, tout vient à changer et se bousculer. Ainsi la situation d‘Esendril changea lorsqu‘il devint un adolescent ou plus formellement, un jeune homme. Il n’avait plus de raison de rester aussi proche de la princesse, après tout qu’était-il si ce n’était le fils d’une domestique? Le seul moyen pour lui, de rester auprès de son amie, était de travailler à son service. Il était alors âgé de douze ans lorsqu‘on lui permit de devenir l‘écuyer de la princesse. Un écuyer, lui qui n‘était qu‘un indigent? Cela relevait presque de l‘impensable! Ce rang n‘était réservé qu‘aux blasonnés, de plus il ne se voyait nullement devenir chevalier… mais la simple idée qu‘il serait un être à part, au seul service d'Izhelindë ne pouvait que l‘inciter à accepter cette offre. Ainsi Esendril vécu d’une façon aussi aisée qu‘aucun autre individu de sa caste n‘oserait rêver, il devait avoir été béni par les Dieux eux-mêmes pour qu‘une telle chance lui ait souri..! Mais peut-être n’était-ce en fait la bénédiction que d’un seul être, celle d'Eydis..? Pourquoi cette divinité? Pour la simple et bonne raison qu’une chose aussi incroyable qu’inattendue se produisit, ce qui chamboula à nouveau la petite vie tranquille de notre adolescent si chanceux. Il fut le porteur d‘un don qu‘il n‘avait nullement désiré, celui de la divination ou de voyance, peu importe le nom que vous lui donnez. Cela avait commencé par des rêves étranges, des petits évènements banals tel qu’un spectacle de rue ou des personnes maladroites renversant un stand de légumes, mais qui finissaient toujours par se produire dans la journée qui suivait… Il prenait souvent cela comme des « impressions de déjà-vu » sans jamais réellement avoir fait le rapprochement, car cela ne lui arrivait pas toutes les nuits. Puis six mois avant la chute du Bouclier, ces rêves inoffensifs furent remplacés par d’affreux cauchemars qui ne cessaient de lui montrer une citée sans défense, affectée par la panique et la fatalité. Ces rêves le hantèrent presque toutes les nuits durant près de deux mois, il n‘en avait jamais fait part à qui que ce soit hormis sa mère, qui lui répétait qu’il ne s’agissait là que de cauchemars. Il en prit compte et tenta d'oublier ces images, ainsi durant les mois qui suivirent il n‘eut plus aucun rêve de ce type. Mais le jour fatidique, tant redouté par Esendril, finit par arriver. La chute du Bouclier engendra d‘horribles conséquences qui mirent en péril de nombreuses vies. La citée n‘étant plus protégée, la menace était présente tous les jours et la garde avait été doublée voire triplée. La citée fut l‘objet de nombreux massacres et tous ces innocents sacrifiés.. Esendril se sentait impuissant face à tout cela, mais il sut alors qu‘il était plus qu‘un adolescent normal … il était ce que les gens appelaient « un devin ». Cette révélation l‘effrayait plus qu‘il n‘osait le montrer, il était loin de voir cela comme une chance, ou un don exceptionnel … il n’avait jamais rien demandé de tel, il se plaisait à n’être qu’un banal singulier, mais le destin en avait voulu autrement le concernant. Les années s'écoulèrent sans que son don n'ait eu de fâcheuses répercussions sur son quotidien, il s'y était plus ou moins habitué depuis, refusant pourtant de l'assumer.